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Le travail de parlementaire européen, quelle belle expérience (Tarabella)

Marc Tarabella lors de l'entretien (crédit : Claire Boutry/B2)

(B2) Pour Marc Tarabella, eurodéputé belge socialiste*, le travail des Européens n'est pas assez connu. Pour celui qui est présent depuis 2004 au Parlement européen, il reste des choses restent à améliorer.

14 ans député, c'est un bail. Que retenez-vous de votre expérience ?

L’expérience, pour moi, elle est superbe parce qu’on est ouvert à la fois sur l’Europe entière et sur le monde. On côtoie quand même des personnes qui ont été ou qui sont toujours des pointures dans leur État membre. J’ai eu la chance d’avoir la confiance de mon groupe pour avoir des travaux assez importants, c’est une belle reconnaissance en interne.  À l’extérieur, on ne le sait pas. Ça veut dire que notre travail n’est pas reconnu, n’est pas su. Et c’est dommage parce qu’il y a une partie du boulot qui est vraiment très intéressante.  C’est un peu frustrant parfois… Et puis, on rencontre des gens qui ont un passé différent, une histoire différente, qui parlent d’autres langues.  Ça m’a permis de m’ouvrir sur des gens, des régions et des réalités que je n’aurai jamais probablement pu approcher en n’étant pas député européen.

Vous évoquez le fait que votre travail n’est pas reconnu…

L’Europe est critiquée de toute part alors qu’elle fait de bonnes choses. Peut-être qu’elle ne les vend pas bien. A mon échelle, comme d’autres députés, on est souvent appelé pour présenter, expliquer ce qu'on fait. Malheureusement, on ne touche pas toujours des masses. J'ai participé récemment à un débat avec les jeunes libéraux qui voulaient savoir quelle était ma perception au niveau européen de la famille libérale.  Souvent, je me rends compte que c’est utile. En espérant qu’il y ait un effet multiplicateur.  Mais ça veut dire qu’on démystifie aussi l’image qu’a l’Europe parce qu’on arrive à expliquer comment on décide, comment ça se fait.  Ce n’est pas mal d’aller expliquer le vrai fondement des idées qu’on défend et les directives ou les règlements que l’on vote.

Qu’est-ce qui vous a poussé à être candidat aux élections ?

Chaque fois je faisais des scores dans ma région qui étaient croissants mais jamais élu. Donc, j’ai eu la confiance de mon président Elio Di Rupo qui m’a bien placé sur la liste européenne.  Par truchement de ce qu’on appelle les suppléants, je suis arrivé au Parlement européen.  Donc, je dois rester modeste par rapport à ça.  S’il avait pensé à quelqu’un d’autre, la liste aurait été très bien aussi, sans moi.  Quelque part, je suis assez reconnaissant à mon parti et à mon président de m’avoir sélectionné pour être candidat aux européennes.

En parlant d’Elio Di Rupo, on lui pressent l'envie de se présenter comme tête de liste aux prochaines européennes ?

C’est un monsieur très secret qui dira les choses clairement mais peut-être pas tout de suite.  Mais c’est possible, c’est plausible.  Ce ne serait pas surprenant parce que d’autres premiers ministres, ou anciens premiers ministres, ou grandes pointures de la politique belge ont souhaité parachever leur parcours à l’Europe.

Qu’est-ce que vous pensez du rôle du Parlement européen ? Est-ce que vous pensez qu’il a suffisamment de poids ?

Non, pas encore. Dans tous les traités, le Parlement est probablement l’entité européenne qui est montée en puissance au niveau de ses pouvoirs.  Elle a accru ses pouvoirs au fil du temps, à chaque traité. Et le traité de Lisbonne est là pour nous le rappeler puisqu’en 2009, il nous a accordé la codécision, c'est-à-dire le poids égal par rapport au Conseil, sur 40 matières supplémentaires. Avant, on n’était que consulté. Depuis 2009, on est comme le Conseil : égal à égal. Donc, ça, c’est un grand progrès. Ce n’est pas assez parce que, dans toute une série de matières aujourd'hui, on se rend compte que, dans le Conseil décide, le budget par exemple, on n’a pas le pouvoir. On peut faire des résolutions là-dessus mais ça n’a pas force de loi. L’initiative : on voudrait que la Commission légifère sur un tel type de problèmes. Si elle ne légifère pas, si elle ne fait pas de proposition, on ne peut pas le faire. On peut juste lui demander au travers du rapport d’initiatives et quelque part, je trouve que c’est un peu quelque chose qui nous manque. Donc, on n’a pas encore assez de pouvoir mais on n’est pas symbolique non plus. Au fil du temps, on est quand même devenu une entité qui a pris de l’importance.

La nomination de Martin Selmayr a semé le trouble dans les institutions européennes, quel est votre regard… ?

Ça me désole complètement. Je ne remets pas en cause les compétences du gars mais dans la manière, c’est scandaleux. Jean-Claude Juncker a pris de court tous les autres commissaires. Il y a personne qui a osé « moufter », il y a personne qui a osé rouspéter.  On accepte les couleuvres. Je trouve que toute la Commission alors est complice de ça. Et franchement, il ne faut pas s’étonner si un jour il y a un vote de défiance par rapport à la Commission.  Il n’y aura pas que l’extrême-droite qui votera la défiance, ou l’extrême-gauche. Les gens qui, comme moi, essaient au quotidien de faire en sorte qu’on fasse passer le message européen, sa pertinence dans une conjoncture difficile, à un moment donné, tout notre travail est sapé par des comportements comme celui-là, de gens qui ne pensent qu’à leur destin personnel au mépris de règles. Quand on prône la transparence, il faut l'assumer. Je trouve que Monsieur Juncker vieillit vraiment mal…

(Propos recueillis et mis en forme par Claire Boutry)

* Élu une première fois au Parlement européen en 2004, Marc Tarabella quitte son poste pour devenir ministre en 2007.  En 2009, il est réélu. Il est membre de la Commission pour l'agriculture et le développement rural et vice-président de la délégation ASEAN.

Entretien réalisé en face à face le 22 mars 2018, dans les locaux du Parlement européen

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