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Arnaud Danjean @ E.S pour B2
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Arnaud Danjean veut crédibiliser la parole des députés sur la défense

(B2) Arnaud Danjean, eurodéputé français, est un de ceux qui ont le plus cru à l'émergence d'une Europe de la défense. Il milite pour que le Parlement européen soit crédible et se dote de compétences sur les questions sécurité et défense

A 47 ans, Arnaud Danjean postule à un troisième mandat au sein de son parti, Les Républicains (groupe PPE). Les listes ne seront bouclées que début 2019.

Arnaud Danjean @ E.S pour B2

Un spécialiste en sécurité défense

Participer à l’émergence d’une Europe de la défense était "son" objectif en devenant député. Il a été élu il y a neuf ans. Direct, il prend la présidence de la sous commission Sécurité et Défense (SEDE). Lucide, il n'avait pas l'ambition de faire des sujets de défense « une priorité du Parlement européen », « mais que l’on puisse parler de ces sujets de façon crédible, sérieuse et le plus opératoire possible au sein du Parlement ». Aujourd'hui, il « (se) félicite » que le Parlement européen « arrive à débattre et même légiférer sur des sujets qui concernent la défense ». Même s'il mesure que le chemin reste long...

Réaliste et pragmatique

Il juge « relativement ambitieux » l'agenda 'défense' des instances européennes. Mais « se féliciter des progrès ne veut pas dire être euphorique et idéaliste sur ce qu’on peut faire et atteindre à un horizon prévisible » modère-t-il aussitôt. Lui le « grand pragmatique » se méfie de cet « euphorie », notamment en France, « comme si on avait une explosion qualitative de la PSDC ». « Certes les progrès sont là mais ils restent à transformer ». C'est le cas du fonds défense : « on reste dans le virtuel jusqu’au prochain MFF (cadre financier pluriannuel) ». Il sait « que (la politique européenne de défense) sera encore difficile à faire émerger » car il « (connait) intimement les différences culturelles qui existent par rapport à l’engagement militaire, aux efforts capacitaires ».

L'exigence de crédibilité

L' 'ex' du renseignement (il a travaillé douze ans à la DGSE, jusqu'en 2004) n'est pas tendre lorsqu’il évoque ses collègues parlementaires qui ne comprennent que très peu les sujets défense ou sécurité. Il peut se le permettre. Il a le "background". Cela lui a valu de pouvoir rencontrer les services chargés du contre terrorisme à Londres récemment. Un privilège dont il n'est pas peu fier. « Il faut que l’extérieur nous accorde une attention suffisante. Ce qui est encore peu le cas et peut être frustrant » soupèse-t-il. « Il faut montrer aux acteurs de la communauté de défense au sens large et au public que nous sommes capable de dire des choses intelligentes » (sur les sujets de défense et sécurité).

Des compétences à acquérir

Sans animosité ni mépris, il constate que « dans l'hémicycle ou en commission, les députés qui maitrisent les sujets de la sécurité et de la défense se comptent au mieux sur deux mains ». Cela s'est vérifié  lors du dernier débat sur le terrorisme, lors de la session plénière de décembre à Strasbourg. Un hémicycle peu rempli : « Une trentaine de députés à peine prenant la parole et une poignée sachant de quoi ils causent ».

Une commission permanente 'Sécurité et terrorisme'

C'est pourquoi il est de ceux qui militent pour que la commission spéciale sur le terrorisme devienne une commission 'Sécurité et terrorisme' lors de la prochaine législature, et ainsi s'inscrive sur la durée comme une commission permanente et vole de ses propres ailes. Le sujet de la sécurité « a pris une importance particulière ces dernières années » plaide-t-il. « Le fait qu’il soit immergé dans une commission beaucoup plus vaste qu’est la commission LIBE qui traite de la justice, des affaires intérieures et des libertés civiles ne lui donne pas le focus suffisant ». La commission permanente ferait gagner en technicité et donc en crédibilité les députés sur ces sujets. Son dada.

Un technicien en politique

Arnaud Danjean réfute surtout  l'idée que la technique et la politique ne vont pas ensemble. « Le grand public et les organes politiques ont tendance à considérer que si vous êtes trop spécialistes, vous êtes un techno. Or, je pense que l’enjeu est de montrer que l'on peut être très politique tout en étant spécialisé. Bien maitriser la technique peut même vous conférer un avantage dans le champs politique ». C'est d'ailleurs peut-être ce qui lui a valu au cours de son dernier mandat d'avoir été tour à tour rapporteur, rapporteur fictif et coordinateur pour son groupe (celui qui rabat les votes, prépare les amendements, etc.). « Une chance » mesure-t-il, d'avoir ainsi pu endosser plusieurs casquettes et découvert un peu plus les arcanes du pouvoir parlementaire.

Les arcanes du pouvoir

L'homme apprécie le travail « plus politique », de négociation avec les autres groupes politiques, de préparation des amendements, ces « échanges intenses » au cœur de la « mécanique parlementaire » qu'il maitrise maintenant plutôt bien. Cela ne l'a pas empêché de rencontrer des difficultés qu'il « ne soupçonnait pas », « liées à ces différences d’approches culturelles et institutionnelles selon les pays ». Par exemple lorsqu'il a été rapporteur sur le CBSD (Capacity Building in Support of Security and Development), « un texte financier sur la politique extérieure ». « Ce n'était pas un sujet majeur, mais une des premières fois que la sous commission Sécurité et Défense (du Parlement européen) était porteur d’un texte avec une portée législative et financière ».

Une frustration ?

Un petit regret, tout de même. L'eurodéputé reste « frustré » du peu de pouvoirs de la sous commission SEDE qui reste dépendante de la commission des Affaires étrangères. Notamment parce que « la sous commission ne vote pas ses textes, c’est la commission mère qui les vote ».

(Emmanuelle Stroesser)

Entretien réalisé en face à face dans les locaux du Parlement européen à Strasbourg en novembre 2019

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