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SEAE - Haut représentant

[Portrait] João Vale de Almeida va devenir le premier ambassadeur de l’UE à Londres. Tout un symbole

(B2) Ancien ambassadeur de l'UE à Washington et aux Nations-unies, João Vale de Almeida, s'en va pour Londres. L'ancien chef de cabinet de José-Manuel Barroso, âgé de 62 ans, va devenir dès le 1er février le premier ambassadeur de l'UE au Royaume-Uni après le Brexit. C'est désormais (quasi) officiel

João Vale de Almeida, dans son rôle d'ambassadeur de l'UE auprès des Nations Unies, avec l'ancienne Haute représentante de l'UE Federica Mogherini lors de l'Assemblée générale de l'ONU le 27 septembre 2018 (crédit : SEAE - Archives B2)

Cette nouvelle ne surprendra pas nos lecteurs fidèles. Le nom de Vale de Almeida circulant dans les alcôves diplomatiques (lire : Carnet 09.09.2019).

Cette nomination n'est cependant pas ordinaire et est un des symboles très concrets du départ britannique imminent de l'Union européenne. C'est la première fois en effet qu'une délégation de l'UE — qui fait partie du réseau diplomatique européen géré au SEAE — prend le relais d'une représentation de la Commission européenne, chargée de relayer et représenter les intérêts communautaires dans un État membre. Cela signifie, au passage, un changement hiérarchique : la première dépend du Haut représentant de l'UE, Josep Borrell, tandis que la seconde dépend de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

D'un point de vue formel, la désignation officielle n'aura cependant lieu qu'après le départ du Royaume-Uni et après accord des autorités britanniques (comme pour toute nomination d'ambassadeur). Mais le futur ambassadeur sera entendu, à huis clos, par les eurodéputés de la commission des Affaires étrangères, le 20 janvier prochain.

Des débuts comme journaliste

Né en 1957, diplômé en histoire de l'université de Lisbonne, et formé au journalisme en France, aux États-Unis et au Japon, João Vale de Almeida commence sa carrière comme journaliste au quotidien Diário de Notícias avant de rejoindre en mars 1982 la Commission européenne, à la représentation de Lisbonne, comme chef adjoint de la représentation et chef par intérim (septembre 1986 - décembre 1987).

Dix ans de communication à la Commission européenne

En janvier 1989, il quitte la représentation pour Bruxelles, et devient porte-parole au sein de la Commission Delors. Commence alors une carrière européenne auprès de personnalités espagnoles ou portugaises, toutes marquées dans la sphère du PPE. Il y est chargé des relations extérieures avec le Proche-Orient, Méditerranée, Amérique latine et Asie (auprès du commissaire espagnol, membre du parti populaire, Abel Matutes) et de la politique énergétique (auprès du commissaire portugais António Cardoso e Cunha (PSD)).

Après un interlude au Comité économique et social des Communautés européennes comme chef de l’unité presse (juillet 1992 - décembre 1994), à une époque où cette institution a encore un lustre, il revient à la Commission sous Jacques Santer, de 1995 à 1997, comme porte-parole adjoint, chargé des 'relations extérieures' (ACP, Afrique du Sud) auprès du commissaire portugais João de Deus Pinheiro (PSD-PP).

En 1998, il est nommé directeur à la DG information, communication, culture et audiovisuel - chargé de la coordination des représentations de la Commission dans les États-membres -, puis directeur à la DG Éducation et Culture (mai 2000 - juin 2004), après avoir fait partie de l'équipe de transition de Romano Prodi à l'été 1999 dans l'entre-deux entre la Commission Santer et Prodi.

Une consécration en tant que chef de cabinet de José-Manuel Barroso

C'est en 2004 que João connait la consécration. Il conduit l'équipe de transition (août - novembre 2004) de José-Manuel Barroso, ancien Premier ministre portugais, pressenti pour être le président de la Commission européenne, puis devient son chef de cabinet et son "sherpa" durant son premier mandat à la tête de l'exécutif européen (novembre 2004 - octobre 2009). Euro-Atlantiste convaincu, il développe au sein de l'équipe présidentielle l'esprit du 'Red tape' — la suppression de toutes les initiatives non nécessaires — d'une vision plutôt libérale en matière économique, et d'un rôle limité de la Commission européenne, au service des États membres, dans un rôle davantage d'exécutant de la volonté des États que disposant d'une autonomie politique propre. Une position idéologique, assez en phase avec celle des Britanniques.

Une nomination à Washington qui fait débat...

Passé ensuite un court moment directeur général à la DG Relex (novembre 2009 - printemps 2010), il rebondit comme ambassadeur de l'UE à Washington. Sa nomination avait fait quelques vagues à l'époque parmi les États membres et les parlementaires européens qui protestent alors contre la méthode de nomination, sans consultation, de la Haute représentante Cathy Ashton (lire : Le dossier « Vale de Almeida » fait des vagues au Conseil…). Cela donnera lieu à une procédure plus codifiée ensuite. Au poste clé d'ambassadeur aux États-Unis, il doit gérer les préliminaires de la négociation du traité de partenariat commercial transatlantique (Transatlantic Trade and Investment Partnership ou TTIP), comme certaines passes d'armes délicates, sur les écoutes ou le célèbre "Fuck UE" de Victoria Nuland auquel il réagit non sans humour (lire : La réponse de l’Europe aux Etats-Unis. Love EU). Son mandat se termine en octobre 2014.

... puis à New-York

Il est ensuite un temps pressenti pour un poste de direction au service diplomatique européen (lire : João Vale de Almeida, futur dirigeant du SEAE ?). Mais fin juillet 2015, il est nommé ambassadeur auprès des Nations Unies à New York par la nouvelle Haute représentante, Federica Mogherini (lire : Rotation 2015. Portrait des nouveaux ambassadeurs du SEAE). Poste qu'il occupe d'octobre 2015 jusqu'à fin 2019. Parmi ses dossiers principaux alors, la volonté de défendre le multilatéralisme contre les coups de boutoir américains, la gestion de l'accord sur le nucléaire iranien ou le conflit syrien, etc. En attendant sa nomination à Londres, il est nommé à un poste d'attente de 'conseiller hors classe' du secrétaire général au SEAE, figurant en haut de l'organigramme.

(NGV avec CG, st.)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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