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Crimée : 21 personnalités russes et ukrainiennes sur liste noire de l’UE

(BRUXELLES2) La discussion entre ministres des Affaires étrangères aura été, finalement, assez courte pour décider du principe de sanctions individuelles (gel des avoirs + interdiction de visas) contre 21 personnalités russes et ukrainiennes (de Crimée) ainsi que d'adopter une position ferme de condamnation du référendum tenu en Crimée. Cette liste devrait être publiée très rapidement, « dans les heures qui suivent » a précisé à B2 un diplomate européen. Elle entrera en vigueur « immédiatement, dès publication ».

13 Russes et 8 Criméens sur liste noire : militaires, députés et dignitaires criméens (Maj)

Selon nos sources, 13 Russes figureraient sur cette liste, notamment des députés de la Douma et du Conseil de la fédération, ayant milité pour le rattachement de la Crimée à la Russie (Nikolai Ivanovich Ryzhkov, Evgeni Viktorovich Bushmin, Aleksandr Borisovich Totoonov, Andrei Aleksandrovich Klishas, Oleg Evgenevich Panteleev), des responsabes de Crimée — le Premier ministre auto-proclamé de Crimée, Sergey Aksyonov, ainsi que le président du parlement de Crimée, Vladimir Konstantinov —. Plusieurs militaires russes sont également visés : le commandant de la région Ouest, Anatoliy Sidorov, et son homologue de la région Sud, Aleksandr Galkin (deux régions militaires qui bordent l'Ukraine), l'ancien chef de la marine ukrainienne, l'amiral Deniz Berezovskiy qui, à peine nommé, a prêté allégeance aux autorités de Crimée ainsi que le Commandant de la flotte de la Mer noire, le vice-amiral Aleksandr Vitko. Vitko est considéré, en effet, comme un des artisans du blocage des navires ukrainiens à la fois à Sébastopol mais aussi plus au nord sur le lac de Donuszlav (lire : Touché, coulé, bloqué. Le génie naval russe frappe). Il avait lancé, le 4 mars, un ultimatum aux marins ukrainiens pour qu'ils se rendent.

(Maj) Télécharger le Règlement et la Liste des sanctions

Motif : menacer l'intégrité ou la souveraineté de l'Ukraine

Ce « sont des personnes de rang élevé. Ce qui montre notre préoccupation », précise un diplomate. 8 Ukrainiens (Criméens) figurent également sur cette liste. Ce sont tous - ainsi que nous l'annoncions dans notre avant-papier (lire : Crimée. L’Europe peaufine ses sanctions) - des personnes ayant « entrepris des actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ». A noter que les Etats-Unis ont également pris, aujourd'hui, des sanctions contre des personnalités de premier plan au niveau russe et criméen (1).

Une première décision, ajustable

La décision sera valable durant 6 mois « renouvelables ». Cette décision peut être « adaptée à tout moment » précise un diplomate. « Tout ce processus est évolutif.  Il y a toujours possibilité d’y revenir. Rien n’empêche au Conseil d’ajouter des noms. » Et d'ajouter : « C'est un premier geste qui est symbolique de notre détermination à avancer. Plus que le nombre de personnes mis sur cette liste, ce qui est important est le message politique qu'il porte. » Comme le précise ce diplomate, il s'agit de laisser un espace au dialogue mais aussi de ne "pas griller toutes les cartouches". « Si vous mettez toutes tes cartes sur la table, vous n’avez plus de jeu. Aujourd'hui, nous avons mis un premier set de cartes, nous pouvons revenir ensuite en nombre. »

Comment a été établie cette liste ?

C'est, en fait, lors de la réunion des ambassadeurs européens du Coreper tenue dimanche en fin d'après-midi que s'est préparée et a été établie la liste. Non sans mal. Cette réunion, convoquée à partir de 17h, a duré jusqu’à minuit, s'est concentrée uniquement sur la question des sanctions avec à la clé « de bonnes discussions ». Les ambassadeurs du Comité politique et de sécurité (COPS) - réunis auparavant (dès 15h) - étant chargés de régler tous les autres sujets et, de façon générale, de préparer le texte des conclusions sur l'Ukraine. Plusieurs listes de noms avaient été proposées - par le service diplomatique européen et par les Etats membres - préparées par les différents postes diplomatiques des Etats membres à Kiev et Moscou notamment. « Tout a été retravaillé en fonction d’un certain équilibre et de différents paramètres : faut-il inclure les Russes ? des militaires ?....» La discussion entre ambassadeurs s'est tenue en formation restreinte (ambassadeurs seuls) et en salle close (Gsm interdits).

Autres mesures

L'annulation du Sommet UE-Russie devrait aussi être décidée. Du moins c'est l'intention des ministres des Affaires étrangères. Mais d'un point de vue formel, cette décision est laissée à l'initiative des Chefs d'Etat et de gouvernement. Concernant les sanctions "économiques", il n'en a pas été question aujourd'hui, précise un diplomate européen. « Plusieurs délégations ont également parlé d’un possible embargo des armes. Mais sans aller plus loin ni discussion. » (2).

Les conclusions mentionnent explicitement le passage au 3e stade des sanctions. « Toute autre mesure prise par la Fédération de Russie pour déstabiliser la situation en Ukraine aurait des conséquences supplémentaires et de grande envergure pour les relations dans un large éventail de domaines économiques entre l'Union européenne et ses États membres et la Fédération de Russie. L'Union européenne appelle la Russie à revenir à développer un partenariat stratégique avec l'UE au lieu de s'isoler davantage diplomatiquement et économiquement. »

A suivre : l'UE appelle à la création d'une mission d'observation de l'OSCE

(1) A noter que la Maison blanche a publié une nouvelle liste de personnalités mises sous sanctions, coté américain, comprenant notamment deux conseillers de Vladimir Poutine (Vladislav Sourkov et Sergey Glazyev), le vice-Premier ministre chargé de l'industrie de Défense, Dmitri Rogozine (et ancien ambasadeur de Russie à l'OTAN lors des événements de Géorgie 2008), des députés de la Douma (Leonid Slutsky, président de la commission sur les affaires de la CEI, et de l'intégration eurasienne, Yelena Mizulina) et du Conseil de la Fédération (Valentina Matvienko, présidente du Conseil, et Andrei Klishas, président de la commission de la loi constitutionnelle, judiciaire, et des questions juridiques, et le développement de la société civile),  Des autorités de Crimée figurent sur cette liste — le Premier ministre auto-proclamé de Crimée, Sergey Aksyonov, le président du parlement de Crimée, Vladimir Konstantinov — ainsi que Viktor Medvedchuk, leader de Ukrainian Choice. Télécharger le communiqué US

(2) Selon les dernières statistiques, si l'UE a exporté pour environ 200 milliards d'euros en 2012, elle a importé pour un volume supérieur de Russie. Lire : Quel pays européen vend des armes à la Russie ?

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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