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Quelle stratégie européenne en Afghanistan après 2014 ?

(BRUXELLES2) Faute d'avoir été traitée en décembre par les ministres des Affaires étrangères, la question de l'engagement européen en Afghanistan, après le retrait des troupes de l'OTAN en 2014, est de retour ce lundi (20 janvier) au Conseil des ministres.

Une discussion d'étape

L'objectif est de « définir une nouvelle stratégie européenne en Afghanistan d'ici fin 2016 pour remplacer le plan d’action de 2009 ». Ce débat devrait être un débat « d'étape » avant la proposition en bonne et due forme de la Haute Représentante, Catherine Ashton, et de la Commission européenne, qui devrait être approuvée d'ici juin 2014. Selon un diplomate européen, la discussion devrait porter « sur l'ampleur de notre action et comment coopérer avec les partenaires internationaux ».

La question, éminemment sensible, de la sécurité

L'attentat survenu à Kaboul contre la "Taverne du Liban" vendredi soir bouscule la donne. Cet attentat, qui a visé explicitement la communauté internationale civile, a causé la mort de deux Européens de la mission EUPOL Afghanistan (Lire sur B2 : 2 morts à EUPOL Afghanistan dans un attentat d’un restaurant à Kaboul). C'est la première fois que cette mission est touchée directement et gravement, sans compter d'autres pertes comme le chef du FMI en Afghanistan, plusieurs agents de l'UNAMA, de l'université américaine de Kaboul et un candidat du Labour britannique aux élections européennes. Une réaffirmation de l'engagement en Afghanistan est donc attendue avec attention et toute déclaration en ce sens aura un poids politique plus important que prévu.

L'ampleur de l'action européenne conditionnée à l'engagement de l'OTAN ?

Le renouvellement de la mission EUPOL Afghanistan - jusqu'à 2016 - qui devrait trouver sa place dans cette discussion, prend ainsi un poids tout autant politique que sécuritaire.  Une des questions notamment est de savoir - comme l'exprime un diplomate : « si l'OTAN part, est-ce que l'Union européenne reste ? Et dans ce cas, avec quelle mission de formation ? C’est ce qu’il faut décider. » Surtout dans l'hypothèse où les Américains n'obtiennent pas des Afghans toutes les garanties souhaitées en matière de statut des forces (SOFA). Aujourd'hui, la question du renforcement des normes de sécurité pour les agents de EUPOL Afghanistan, essentiellement implantée à Kaboul, comme de la délégation de l'UE dans le pays, devra aussi être examinée.

Définir une nouvelle stratégie

Les "28" veulent réaffirmer que l'UE est attachée à « un partenariat à long terme » avec l'Afghanistan, concrétisé par « un accord de coopération en matière de partenariat et de développement » qui dit être négocié entre l'Afghanistan et l'UE. Ils rappelleront aussi qu'un « environnement propice en matière de sécurité est nécessaire pour permettre de continuer à apporter une aide internationale au développement importante ».

L'aide européenne : plus d'un milliard d'euros annuels

L'Union européenne est l'un des principaux donateurs d'aide humanitaire et au développement en Afghanistan. Plus d'un milliard d'euros est ainsi mis à disposition chaque année par l'UE et ses États membres. L'aide apportée par l'UE se concentre actuellement sur la croissance économique du pays (agriculture, développement social et santé) et sur le renforcement des capacités (gouvernance, État de droit et forces de l'ordre civiles). C'est l'Ue qui, notamment, finance une bonne part de la mise en place de la police afghane. À l'avenir, l'aide devra « s'inscrire dans le prolongement des programmes nationaux prioritaires définis par l'Afghanistan ». Mais la question de la corruption latente des institutions afghanes et de la capacité d'évaporation de certains financements internationaux devra aussi être évoquée.

Objectif : un Etat de droit

Pour l'UE, l'objectif « premier » est « de renforcer les institutions afghanes » afin de leur faire acquérir « la résilience nécessaire pour préserver les progrès réalisés jusqu'à présent » et les doter d'un cadre propre pour la mise en place « d'un État afghan plus efficace et, à terme, viable ». Les "28" veulent aussi rappeler  leur « préoccupation persistante » face à la situation des droits de l'homme en Afghanistan, « et notamment la situation des femmes ».

Des fondamentaux démocratiques

Les Européens devraient aussi rappeler les fondamentaux démocratiques pour le scrutin présidentiel et les élections provinciales du 5 avril : « ouvert à tous, transparent et crédible et conduire à un résultat légitime ». L'UE apportera ainsi « une assistance financière et technique » afin de renforcer le processus électoral et envisage également d'envoyer une mission d'observation électorale de l'UE. Là, encore, cet envoi sera conditionné au respect de certaines conditions de sécurité.

Télécharger ici les conclusions adoptées par le Conseil des ministres lundi 20 janvier.

(Nicolas Gros-Verheyde & Loreline Merelle)

Lire sur B2 l'article paru en septembre 2009 : Le plan d’action de l’UE pour l’Afghanistan et le Pakistan

 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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