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L'équipe de négociation sur le nucléaire iranien aux négociations de Lausanne en mars-avril 2015 (crédit : SEAE/Italie)
'OuvertSEAE - Haut représentant

Une Française au cabinet de Federica Mogherini… enfin !

(B2 - exclusif) Le cabinet de la Haute représentante de l'Union chargée des Affaires étrangères et de la Politique de sécurité, Federica Mogherini devrait, enfin, compter un Français en son sein. Mais ce n'est peut-être pas celui dont rêvait le Quai d'Orsay...

C'est surtout un mouvement interne qui produit cet effet. L'actuelle porte-parole Catherine Ray va arriver au cabinet, remplaçant Félix Fernandez-Shaw reparti à la DG Développement (Carnet 16.03.2018). Elle reprend l'essentiel de son portfolio, notamment l'Afrique et le développement. Un sujet qu'elle connait bien, puisque c'était son secteur en tant que porte-parole depuis plusieurs années et même auparavant.

Diplômée de l'université Paris-Sorbonne avec un DEA (Master) de droit et un master en politique européenne et sciences administratives du Collège de Bruges, Catherine Ray a débuté sa carrière européenne dans les années 2000, tout d'abord comme attachée de presse à la délégation française du PS au Parlement européen avant d'occuper le même poste auprès du commissaire européen au Commerce, Pascal Lamy, jusqu'à la fin de son mandat en 2004.

Après un retour à Paris au cabinet Publicis et à New-York au PNUD comme conseiller de Kemal Dervis, elle revient en 2008 à la Commission européenne comme porte-parole du commissaire Piebalgs, chargé du Développement, et intègre son cabinet en janvier 2013 en charge de la politique du développement, des relations avec le G8-G20, les USA et le Canada, l'ONU, ainsi que les questions de Commerce & Développement.

C'est assurément un profil plus politique que celui auquel s'attendait Paris. Et il est clair aussi que ce n'est pas la candidature rêvée par le Quai d'Orsay, qui poussait davantage un profil 'diplomate de carrière' ou une personne déjà présente dans les structures diplomatiques européennes. Federica Mogherini entend ainsi en fait répondre aux critiques sur l'absence d'un Français à son cabinet. Mais à sa manière, un peu comme elle l'avait fait lors de la nomination du secrétaire général (cf. encadré).

(Nicolas Gros-Verheyde)

Crédit photo : l'équipe de négociation sur le nucléaire iranien aux négociations de Lausanne en mars-avril 2015 (crédit : SEAE/Italie)


La fin des critiques ?

Federica Mogherini avait déjà en 2016 refusé de céder aux pressions de Paris pour remplacer Alain Le Roy au poste de secrétariat général (lire : Alain Le Roy s’en va, Helga Schmid le remplace. Un Britannique pressenti). En nommant alors Helga Schmid, sans attendre vraiment la proposition de Paris, elle n'avait pas alors hésité à contourner l'accord politique informel préexistant à sa nomination, conclu entre l'Italie et la France. Elle n'avait ensuite accédé aux pressions françaises, comme au besoin de rééquilibrage géographique, en ne nommant, le candidat du Quai d'Orsay, Jean-Christophe Belliard comme secrétaire général adjoint, que du bout des lèvres. Celui-ci avait été, au passage, dépouillé, de plusieurs responsabilités importantes, notamment le suivi du dossier iranien ou moyen-oriental (lire : Un Africaniste nommé numéro 2 du service diplomatique européen).

Dans un bilan que B2 avait fait, il y a plus d'un an, la direction du SEAE (ce qu'on appelle le top 40) ressemblait alors davantage à un désert diplomatique pour les Français qu'à une forêt luxuriante (lire : Une odeur de Waterloo pour la France au service diplomatique européen). Ce n'est que récemment que, à nouveau, des Français ont été nommés dans l'organigramme (lire : Le retour (timide) des Français au SEAE ?). Ce mouvement n'est pas anodin. Il s'accompagne de la volonté de la Haute représentante de se réconcilier avec Paris (1). Une nécessité à l'approche de la fin de la législature. Si novembre 2019 peut apparaître loin aux yeux du profane, dans les milieux européens, les jalons commencent à être posés pour le futur. La Haute représentante n'hésite plus désormais à s'exprimer en français lors des conférences de presse, là où elle se retranchait souvent derrière l'anglais. Un symbole.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Au-delà des personnes, les relations ont souvent été difficiles entre la diplomatie européenne et la diplomatie française, ces dix dernières années. La première reprochant grosso modo à la seconde de mener sa propre politique, et la seconde reprochant à la première de ne 'pas être assez politique' ou 'faire la part trop belle aux 'petits' pays'. De fait, le poste de Haut représentant cumulé avec celui de la présidence de la Commission européenne est davantage une idée de la Commission et des pays du Benelux, assez peu prisée au Quai d'Orsay, l'Allemagne étant un peu divisée. La France s'y était opposée depuis les premiers débats... préparant le traité d'Amsterdam emportant, alors, la bataille en ayant un Monsieur PESC au secrétaire général du Conseil, avant que le vent ne se retourne lors du Traité constitutionnel, et le revirement allemand.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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