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(crédit : Croissant rouge palestinien)
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Gaza. L’UE demande une enquête indépendante. Israël refuse. Les pays européens consternés

(B2) La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a demandé samedi (31 mars) la mise en place d'une enquête indépendante et transparente après la répression de la manifestation à Gaza. Demande rejetée sans tarder par Israël

La manifestation près de la clôture entre Gaza et Israël, samedi (30 mars), journée de la 'Marche du retour' des Palestiniens, s'est terminée tragiquement, l'armée israélienne utilisant des balles réelles. Le bilan est lourd : près de 17 tués coté palestinien et 1200 blessés (1).

(crédit : Croissant rouge palestinien)

L'UE condamne la répression par l'armée israélienne

« L'usage de munitions réelles doit faire l'objet d'une enquête indépendante et transparente », a tenu à faire savoir Federica Mogherini, dans un communiqué. Si « Israël a le droit de défendre ses frontières, l'usage de la force doit rester proportionnel ». Et la Haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères d'ajouter : « l'UE réitère ses appels à la fin de la fermeture de Gaza et à l'ouverture complète des points de passage, tout en répondant aux préoccupations légitimes d'Israël en matière de sécurité ».

Réunion d'urgence à l'ONU

Le secrétaire général de l'ONU, le Portugais Antonio Guterres, avait fait une demande similaire lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité, qui s'est tenue le vendredi (30 mars) à la demande du Koweït, sans pouvoir aboutir à une position commune. Il a aussi invité les parties à « s'abstenir de tout acte susceptible d'entraîner de nouvelles victimes et, en particulier, de prendre des mesures susceptibles de mettre en danger les civils », selon le communiqué diffusé par les Nations unies. Selon le rapport du sous-secrétaire général aux affaires politiques, l'Ethiopien Tayé-Brook Zerihoun, « environ 30.000 personnes ont participé à la ‘Grande marche du retour’ dans différents lieux de Gaza ». Selon Piotr Smolar du Monde, « ils étaient bien plus nombreux. L’affluence était éclatée sur cinq sites, et l’événement a duré du matin au début de soirée. Les manifestants allaient et venaient »

Des tirs à balles réelles

Peu après le début des manifestations, la situation s'est « détériorée à plusieurs endroits ». De nombreuses personnes ont été « blessées par des balles réelles utilisées par les forces de sécurité israéliennes lors de la marche, mais aussi à la suite d'affrontements armés entre les Palestiniens et les forces de sécurité israéliennes, y compris le pilonnage d'un point d'observation du Hamas » (2). Les rapports indiquent que « la plupart des manifestants sont restés loin de la barrière frontalière et ne se sont pas livrés à des violences » a-t-il ajouté. Mais, « il y a aussi des rapports que certains manifestants se sont livrés à des jets de pierres et à des comportements violents; certains auraient porté des armes ». D'après les informations fournies par les forces de sécurité israéliennes, certains militants ont « essayé de franchir la clôture et de tenter de planter des explosifs ».

Préoccupation dans plusieurs capitales en Europe

Les incidents ont suscité de vives réactions dans plusieurs pays européens. En France, le Quai d'Orsay a exprimé « sa plus vive préoccupation face aux graves incidents survenus ces derniers jours dans la bande de Gaza », et a demandé aux autorités israéliennes « d’agir avec la plus grande retenue », les rappelant « à leur devoir de protection des civils ». Des termes repris par plusieurs capitales en Europe (Berlin, Londres, Stockholm...). Margot Wallström, la ministère suédoise des Affaires étrangères, a « exhorté [ainsi] les acteurs à éviter l'escalade » et a soutenu l'appel du secrétaire général une enquête. « Cela montre le besoin urgent d'un processus de retour à la paix pour une solution à deux États, soutenue par tous les membres du Conseil de sécurité » a-t-elle ajouté. A Helsinki, le Premier ministre Timo Soini s'est dit lui aussi « préoccupé », demandant « le retour au calme et à la retenue ». « Une escalade violente doit être évitée » a-t-il ajouté, souhaitant « la reprise des négociations de paix vers une solution à deux États ».

Israël rejette les accusations

Le gouvernement israélien dément toute accusation. Selon la porte-parole de l'armée israélienne, les « soldats ont visé précisément les terroristes qui ont tenté de commettre des actes terroristes ». Les évènements n'étaient « pas une manifestation pacifique mais de violentes émeutes que le Hamas appelle pacifiques ». Le Premier ministre israélien a rejeté toute accusation, affirmant avoir « l'armée la plus éthique au monde » estimant que c'était le Hamas qui était en cause.

Le Hamas mis en cause

« Au moins 10 terroristes connus ayant des antécédents d'activité terroriste ont été tués alors qu'ils exécutaient des actes de terreur lors des émeutes violentes le long de la frontière entre Israël et la bande de Gaza » a-t-il indiqué sur twitter.


Un propos partagé par le ministère israélien des Affaires étrangères qui estime que « la marche violente sur la frontière sud d'Israël est une autre provocation délibérée du Hamas, qui met intentionnellement en danger les civils à Gaza, notamment les femmes et les enfants, tout en essayant de rejeter la faute sur Israël. C'est simplement une partie de la stratégie du Hamas. »

(ES & NGV avec CB)

(1) Selon le Croissant rouge palestinien, sur les 670 blessés qu'il a traités, 615 ont été touchés par des balles réelles, 40 ont été asphyxiés par les gaz lacrymogènes, 12 ont été battus par les soldats israéliens et 3 ont été blessés pendant le bombardement israélien de la zone. En outre, les équipes médicales du Croissant rouge exploitant un hôpital de campagne dans l'est de la bande de Gaza ont soigné 196 Palestiniens, tandis que plus de 90 blessés ont été traités dans les hôpitaux d'Al Quds et d'Al Amal de l'organisation.

(2) Le tir à balles réelles semblait préparé du côté israélien comme le rapporte Le Monde. Le 25 mars, Gadi Eizenkot, le chef d’état-major, avait annoncé au quotidien Yediot Aharonot le déploiement de « plus de cent tireurs d’élite » le long de la frontière : « En cas de danger mortel, il y a autorisation d’ouvrir le feu. Nous ne permettrons pas d’infiltrations massives en Israël et de dommages faits à la clôture, et certainement pas d’approcher les communautés [israéliennes limitrophes]. Les instructions sont d’utiliser beaucoup de force ».

(Mis à jour) 4.4 avec les éléments apportés par le quotidien Le Monde

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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