Vue d'artiste présentant le projet MCMV, pour Mine counter measures vessel, destiné aux Belges et aux Néerlandais. (©Naval Group)
Industrie de défense

[Reportage] Chasseurs de mines belgo-néerlandais : l’industrie française promet de devenir (un peu) belge

(B2 à Lorient et Toulon) Les Français Naval Group et ECA ont monté un consortium local pour répondre à l'appel d'offres belgo-néerlandais afin de s'équiper de six navires chasseurs de mines chacun. Ils ont détaillé à quelques journalistes, dont B2, certains éléments de leur proposition : un navire inédit avec toute une gamme de drones

Vue d'artiste présentant le projet MCMV, pour Mine counter measures vessel, destiné aux Belges et aux Néerlandais. (©Naval Group)

Plusieurs offres ont été faites pour répondre au besoin belgo-néerlandais, au cours de l’année 2018. Face à Naval Group et ECA, on trouve une autre proposition française (Thales, STX et Boulogne Socarenam) et une offre néerlandaise (Damen, avec Atlas Elektronik et Imtech België). Insolvable, l’Espagnol Navantia a finalement dû renoncer. Le Suédois Saab a également renoncé à la lutte, estimant les délais trop courts. La décision belgo-néerlandaise est attendue pour le premier trimestre 2019.

Naval Group et ECA, des industriels belges

Les filiales belges de Naval Group –leader français du naval militaire- et ECA –leader mondial dans le drone sous-marin- se sont regroupées pour fonder un consortium dédié, Belgium Naval & Robotics (BNR), destiné à proposer divers bâtiments à la Belgique. Les chasseurs de mines seraient une première grosse étape.

Multitude de partenariats locaux

Naval Group et ECA ne cessent d’insister là-dessus : presque tout sera produit en Belgique et ils ont multiplié les partenariats avec des industries locales. 45 accords sont prévus avec des entreprises importantes comme Flanders Ship Repair, qui s’occupera de la maintenance, mais aussi des PME comme ABC, fabricant de moteurs. « Les industriels belges ne feront pas que plier de la taule », promet Jean-Michel Orozco, responsable chez Naval Group des systèmes de missions et des drones. « Nous nous sommes appliqués à les impliquer dans les parties les plus nobles. » Les partenaires locaux seront ainsi pleinement intégrés dans le développement des robots, des aspects cyber et de l’intelligence artificielle nécessaire à leur fonctionnement.

Et les Néerlandais dans cette histoire ? Amsterdam ne fait pas que financer le projet belge : les deux pays se sont également lancé dans l’achat de quatre frégates, deux chacun, qui seront-elles développées aux Pays-Bas.

Une promesse alléchante

Les industriels s’engagent sur 2,1 milliards d’euros de valeur ajoutée créée en Belgique, répartie sur les trois régions, pour l’ensemble du contrat (export compris). La production et l’entretien des systèmes commandés devraient alimenter 350 emplois dans le pays. L’ensemble des savoir-faire seront transférés depuis la France vers la Belgique, afin que cette dernière ait la main sur la quasi-totalité des technologies du projet. Exception : les navires eux-mêmes, qui seront toujours fabriqués en France.

Faire de la Belgique la référence mondiale de lutte anti-mines

La Belgique est, en matière de lutte contre les mines marines, un acteur historique. Le pays a été très actif pour dépolluer les mers de l’Ouest européen depuis la Seconde Guerre mondiale et a également fait ses preuves en Irak, pendant la première Guerre du Golfe. Bruxelles co-pilote au profit de l’Otan le volet guerre des mines des principaux exercices de l’Alliance, comme Sandy Coast et Trident Juncture. La Belgique, les Pays-Bas et le France ont développé ensemble dans les années 1980 le programme chasseurs de mines tripartites (CMT), qui commence aujourd’hui à vieillir. Ces navires devraient arriver en fin de vie d’ici quatre ans, d’où le besoin de les remplacer.

Un marché porteur

De nombreux pays doivent protéger les espaces maritimes, indispensables à la bonne santé économique, d’un blocage possible. Parmi les causes identifiées d’une telle situation : un lâché de mines massif sur un axe stratégique. Beaucoup se demandent aujourd’hui comment se protéger contre de telles menaces.

Vers des exportations belges

Pour arriver aux 2,1 milliards d’euros de valeur ajoutée annoncés, les industriels misent en bonne partie sur l’export. Les équipes de Belgium Naval & Robotics ont pris en compte un taux de réussite de 30% sur les contrats potentiels, notamment en Asie : « C’est un marché de plusieurs milliards d’euros dans les années à venir », assure Jean-Michel Orozco. En cas de réussite, c’est la Belgique qui sera le pays exportateur et qui délivrera les licences d’autorisation.

Prospective et expertise

En Europe, les chasseurs de mines sont très pris par les nombreuses munitions non explosées datant de la Seconde Guerre mondiale. Toujours dangereuses, on évalue leur nombre à 400 000 entre la Manche, la mer du Nord et la Baltique. Au-delà de cette problématique, les mines sous-marines apparaissent dans les préoccupations du monde entier. Discrètement, les plus grandes puissances ont commencé à développer des mines plus sophistiquées, furtives et intelligentes. Dans un autre registre, plusieurs groupes insurgés ou terroristes, au Yémen par exemple, ont déployé des mines improvisées fabriquées avec des bombonnes de gaz. Autant de menaces auxquelles il va falloir faire face.

Nouvelles doctrines

Dans les années à venir, le danger que représentent les mines maritimes risque donc d’évoluer. A la fois vers de la haute technologie et du low cost. Plusieurs pays réfléchissent à la bonne manière d’y faire face mais les Belges et les Néerlandais se sont positionnés en pointe sur le sujet. Si les doctrines doivent encore être inventées, les concepts émergeants reposent, comme dans cet appel d’offre, sur la mobilisation de drones et de robots capables d’intervenir avec un haut niveau d’autonomie.

Des financements européens ?

Le sujet de la guerre des mines a été identifié comme une priorité par l’Agence européenne de défense (EDA). Un projet de la Coopération structurée permanente (Pesco), baptisé « Maritime (semi-) autonomous systems for mine countermeasures » (MAS MCM), est coordonné par la Belgique, avec la Grèce, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, le Portugal et l’Autriche qui participent aux travaux. Des dynamiques qui devraient favoriser l’obtention de financements via le Fonds européens de défense.

Le détail de l’offre

Les industriels n’ont pas donné tous les détails de leur offre. Ils en ont seulement révélé les principaux points.

Bateaux

Le navire mère sera conçu par Naval Group et fabriqué en France. Les points clefs de celui-ci : résistance aux chocs en cas d'impact avec une mine et ergonomie pour déployer les drones. A bord, l’équipage devra pouvoir opérer les différentes machines tout en étant protégé d’éventuelles attaques cyber. Il devra également pouvoir entretenir ces équipements et, le cas échéant, les réparer.

Drones

Chaque navire sera accompagné d’un « toolbox », une série d’une dizaine de drones et robots dédiés à des missions complémentaires. Tous ne seront pas systématiquement embarqués, les marins ayant le choix des outils en fonction des besoins de la mission. Deux d’entre eux seront des Inspector MK2 d’ECA, des drones de surface qui pourront ensuite déployer les autres engins. Chez ces derniers, ECA propose toute une gamme de sonars, de charges explosives destinées à détruire les mines ou encore de drones volants chargés de les repérées. Il sera tout de même possible d’intégrer dans cette toolbox des drones d’autres fabricants.

Laboratoires de recherche

L’offre de Belgium Naval & Robotics prévoit d’impliquer directement plusieurs établissements de recherche, comme les universités de Liège et de Bruxelles. Plusieurs centres doivent être ouverts : un sur la cyber-sécurité navale, un sur les technologies de drones pour faire évoluer la toolbox à Bruxelles, un sur les doctrines et technologies liées à la guerre des mines et enfin un centre de maintenance basé à Zeebrugge, dans le nord-ouest du pays. Ces différentes installations doivent permettre d’assurer à la Belgique son autonomie dans tous les domaines.

(Romain Mielcarek)

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