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Traité de défense, espace Schengen, économie… les idées de Emmanuel Macron pour la renaissance européenne

(B2) Dans une lettre aux Européens publiée ce soir dans plusieurs quotidiens français et européens*, le président français Emmanuel Macron se prononce pour un saut qualitatif européen, en matière de défense, de sécurité intérieure, économique. Ce, sans tabou, y compris la rédaction d'un nouveau traité. De quoi provoquer le débat... même si certaines idées peuvent sembler irréalistes ou déjà évoquées, la plupart méritent le détour

« Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe n’a été aussi nécessaire. Et pourtant, jamais l’Europe n’a été autant en danger » indique le président français qui propose « de bâtir ensemble cette Renaissance autour de trois ambitions : la liberté, la protection et le progrès ».

Un nouveau traité de défense et de sécurité

Emmanuel Macron prône la signature d'un « traité de défense et de sécurité » qui devra « définir nos obligations indispensables, en lien avec l’OTAN et nos alliés européens ». Celui-ci contiendra trois éléments essentiels : « l'augmentation des dépenses militaires, une clause de défense mutuelle rendue opérationnelle, un Conseil de sécurité européen associant le Royaume-Uni pour préparer nos décisions collectives ».

La remise à plat de Schengen et un Conseil européen de sécurité intérieure

Il entend « remettre à plat l’espace Schengen » et créer un « Conseil européen de sécurité intérieure » (1). « Je crois, face aux migrations, à une Europe qui protège à la fois ses valeurs et ses frontières. » Tous ceux qui veulent participer à l'espace Schengen « doivent remplir des obligations de responsabilité (contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique d’asile, avec les mêmes règles d’accueil et de refus) ». S'y ajouteront : « une police des frontières commune et un office européen de l’asile (2), des obligations strictes de contrôle, une solidarité européenne à laquelle chaque pays contribue, sous l’autorité d’un Conseil européen de sécurité intérieure ».

Une agence européenne de protection des démocraties

Autre création mentionnée dans la lettre : une Agence européenne de protection des démocraties « qui fournira des experts européens à chaque État membre pour protéger son processus électoral contre les cyberattaques et les manipulations ». Le « financement des partis politiques européens par des puissances étrangères » devra être interdit. De même, « nous devrons bannir d’Internet, par des règles européennes, tous les discours de haine et de violence ».

Une préférence européenne

En matière économique, la lettre aux citoyens européens affirme la volonté de mettre en place des instruments de souveraineté. Il faut « assumer, dans les industries stratégiques et nos marchés publics, une préférence européenne comme le font nos concurrents américains ou chinois ». Il faut « sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles ». Enfin, il faut « réformer notre politique de concurrence [et] refonder notre politique commerciale » (3).

Une nouvelle Convention européenne

Pour mettre en musique « tous les changements nécessaires à notre projet politique », Emmanuel Macron propose « d’ici la fin de l’année », de convoquer une « Conférence pour l’Europe », avec les « représentants des institutions européennes et des États ». Cette conférence « devra associer des panels de citoyens, auditionner des universitaires, les partenaires sociaux, des représentants religieux et spirituels » et ressemble de très près à ce que pourrait être une Convention européenne. Elle sera chargée de définir « une feuille de route pour l’Union européenne traduisant en actions concrètes ces grandes priorités » et devra aborder toutes les questions « sans tabou, pas même la révision des traités ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

Télécharger la lettre de Emmanuel Macron FR /ENG / DEU - autres langues sur le site de l'Elysée

* Le Parisien, Les Dernières nouvelles d'Alsace, The Guardian et 27 autres médias européens

  1. Une disposition finalement assez proche, même si l'esprit diffère, de celle proposée par le Premier ministre hongrois, Viktor Orban. Lire : Viktor Orban veut retirer la compétence ‘migrations’ à la Commission européenne et créer un ‘SchengenGroup’
  2. Des dispositions qui sont déjà pour partie en discussion, même si l'ambition des États membres s'est réduite. Lire : Corps européen de garde-frontières : le Conseil revoie la copie et définit sa position de négociation
  3. Une dernière volonté affirmée lors du refus par la Commission européenne de la fusion entre Siemens et Alstom.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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