Comment avoir une bonne planification de défense ? Les conseils de Palomeros (3e entretiens de la défense européenne)
(B2) Une bonne planification de défense c'est un objectif et accepter des éléments transverses. L'Europe a cela mais son objectif est trop flou et ses compétences trop dispersées
Avec ses 42 ans d'expérience militaire, ancien ‘Supreme Allied Commander for Transformation’ (SACT) de l’OTAN et ancien chef d’état-major de l’armée de l’air française (CEMAA), la voix du général Jean-Paul Palomeros mérite d'être écoutée.
Cet article fait partie d'une série consacrée aux troisièmes entretiens de la défense européenne qui se sont déroulées par visio-conférence le mercredi (4.11).
Les critères d'une 'bonne' planification
Un exercice de long terme
Les nations qui « veulent une défense cohérente et sur l'ensemble du spectre » sont confrontées à « la difficulté de construire des outils de long terme, soutenus par des capacités technologiques, une industrie, des compétences… et les adapter sur le court terme. »
... qui doit rester souple
Or la planification « ne résiste pas à l'épreuve du temps, à l’évolution rapide des technologies, des innovations et à l'évolution des menaces, et il faut avoir en permanence des moyens. Il faut lui donner une souplesse d'adaptation. Elle doit rester pertinente. Mais sans elle, on ne peut pas avoir d’outils de défense ».
Un centre de commandement permanent et transverse
L’avenir des centres de commandements et de planification est donc un « sujet majeur », selon le général. Sa recommandation, ils doivent être non seulement « permanents » mais aussi « beaucoup plus ouverts, transverses, ouverts sur l'innovation, de manière à pouvoir s'adapter ».
L'ouverture critère pour produire une défense crédible
C'est ce qu'ont les grandes puissances. « On voit les compétences visibles, mais pas les apports dans la maîtrise des informations, du renseignement, de l'innovation, la détection de signaux faibles, les capacités d'adaptation des capacités militaires ». « Il y a un lien direct entre le monde numérique, de l'innovation et de l'adaptation, et l'aptitude des pays à produire une défense crédible. Le nombre est important, oui. Mais c'est la qualité, la pertinence qui rentre en compte. »
Le complément de la planif' : l'exercice
Il faut ensuite « tester » la planification, avec des exercices par exemple. « Il faut être extrêmement exigeant. Sinon la planification ne sert qu’à remplir des bibliothèques déjà pleines. C'est important ce qui se passe au centre de la planification. Cela permet de faire émerger des solutions ».
Quelle leçon pour l'Europe
La PSDC un objectif trop flou pour une planification
« Au niveau de l’Union européenne, des initiatives successives ont amené quelque part à essayer d'avoir une planification, avec comme objectif la politique de défense et de sécurité commune (PSDC) ». Mais cela « reste un objectif flou, trop flou pour aller où que ce soit », critique Jean-Paul Palomeros. Citant Sénèque, il rappelle, l'œil bienveillant : « il n’y a pas de vent favorable pour ceux qui ne savent pas où ils veulent aller ».
Une absence de planification commune
En Europe, « les moyens n'y sont pas », regrette-t-il. Malheureusement, « on n'a pas affiché clairement la volonté de mettre en commun l'agence européenne de défense, les états majors, ... pour faire une vraie planification commune. C’est ça le vrai défaut actuel. Il y a beaucoup d’intelligence, de savoir-faire, d'expérience opérationnelle. Mais nous n'avons pas encore voulu passer ce cap absolument indispensable. »
(Aurélie Pugnet)
Une planification OTAN plus pointue
Le général ancien chef de l'ACT de l'OTAN voit dans la planification de l'OTAN un outil plus pointu. Le NATO Defence planning process (NDPP) est « clairement défini », et « bien rôdé », car cyclique, avec comme un objectif précis : la défense collective des Alliés. Il a « l'avantage » d'être intrusif. « Nous sommes autorisés à demander des comptes sur l'aboutissement capacitaire, qu’avez-vous fait de votre argent ? Est-ce que vous avez vraiment développé des capacités utiles ? », et d'avoir « 300 personnes en permanence ».