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[Entretien] Réformer l’armée ukrainienne pour atteindre les standards OTAN doit être une priorité européenne (Artis Pabriks, Lettonie)

(B2 à Brest) La création d’une mission de formation de l’armée ukrainienne par les Européens est dans les tuyaux depuis plus de six mois. Et aucune décision n’a encore été prise, s’attriste le ministre letton de la Défense, Artis Pabriks, avec qui B2 a eu un entretien.

Artis Pabriks (Photo : Conseil de l'UE - Archives B2)

Un papier d'options a été présenté le 10 décembre par le service diplomatique européen (SEAE). Mais sans vraiment aboutir dans les groupes de travail (groupe politico-militaire) qui ont renvoyé, une nouvelle fois, vers les ministres pour trancher.

Le Haut représentant de l'UE a annoncé avoir déposé une proposition formelle pour la création d'une mission de formation des cadres de l’armée ukrainienne. Concrètement, que feraient les Européens ?

— Nous voulons créer une armée qui soit moderne. En pratique, il s’agirait d’envoyer des équipes d’experts militaires pour former les forces armées ukrainiennes et la structure de commandement (command structure). Nous pouvons former aux relations générales dans l’armée, aux tactiques (stratégique, manœuvres...), tout ce que nous pouvons enseigner... Il y a environ 30 ans, avant de rejoindre l'OTAN, en Lettonie, nous avions adopté les normes de l'OTAN. L'Ukraine doit être prête.

Prête… à entrer dans l’OTAN ? Donc l’objectif de la mission serait d’atteindre les standards de l’OTAN ?

— L'Ukraine est fondamentalement un pays allié et l’Union européenne doit l’aider à construire une armée moderne, aux normes de l'OTAN. C'est donc l’objectif, en effet : le standard de l’OTAN. Parce qu’il inclut toutes sortes de systèmes de valeurs, la coopération, et en termes politique, concrètement, cela nous permet aussi de nous positionner comme influence dans le pays.

Pourquoi est-ce important pour les Européens de participer ?

— L'Ukraine est une nation orientée vers les traditions européennes, aussi dans ses traditions militaires et l'éducation militaire. Et elle veut se réformer. C’est un devoir de l'Union européenne de l’aider à la transformation, parce que c'est notre pays voisin.

Le moment serait idéal pour approuver une telle mission, pourquoi n’est-ce pas encore fait ?

— Je ne comprends pas pourquoi nous hésitons. Je ne ne vois aucune raison, en particulier alors que l'Europe est défiée par la Russie, sous tous les angles, depuis l'Afrique, le Mali, jusqu’aux frontières du continent européen !

Pourquoi des États freinent-ils la mission ?

— Personne n’est vraiment contre… Leur argument est probablement le même que celui qui explique pourquoi seuls quelques pays sont prêts à vendre ou à fournir des armes létales à des pays comme l'Ukraine. Parce que : « un tel acte pourrait défier la Russie d'une manière ou d'une autre ». Cet argument n'est pas acceptable pour moi. Il ne tient pas la route.

Alors où se situe le blocage ?

— Vous devriez demander cela à la présidence, elle peut faire avancer les choses ! Et Josep Borrell, le Haut représentant, pourrait aussi. C’est essentiellement aux institutions qui rédigent le programme de travail de mettre le sujet à l’ordre du jour, pour que nous ayons un vote. C’est une décision politique. Rien de plus.

Quand est-ce que les choses pourraient se débloquer alors, selon vous ?

—  Il ne manque que le feu vert. Il pourrait arriver bientôt, car fondamentalement, nous sommes d'accord. J’aimerais que ce soit fait sous la présidence française [avant fin juin, NDLR]. Après, nous enverrons une équipe sans problème.

Vous participerez à cette mission ?

— Bien sûr, nous sommes prêts à envoyer nos hommes, c'est pourquoi nous avons signé le non paper (1). Les autres signataires aussi, je le crois. Même si bien sûr, si c'est une mission à long-terme, tous ne serons pas envoyés en même temps.

(Propos recueillis par Aurélie Pugnet)

Entretien réalisé en anglais, en marge de l’informelle défense, à Brest, jeudi (13 janvier) après-midi.

(1) Lire : Pour six Européens, il faut déployer une mission de type EUTM pour aider l’armée ukrainienne

Lire aussi : L’UE promet à l’Ukraine de renforcer sa coopération défense. Un soutien à la formation militaire envisagé

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