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Guerre russe en Ukraine. La terreur sur la population civile : un triple gain à court et moyen terme

(B2) Le ciblage de la population civile est une composante claire de l'offensive russe en Ukraine. Même si elle n'est pas assumée.

La stratégie russe  'propre', 'classique' en quelque sorte, affichée en Ukraine pour l'opération « spéciale » (lire : Cap sur le Donbass et focus sur la démilitarisation de l'Ukraine) ne met pas en avant, du moins explicitement, le ciblage de la population civile. Mais celle-ci existe bel et bien.

Une tactique de la terreur déjà éprouvée en Syrie

Elle consiste à frapper là où sont les points clés pour la population civile — hôpitaux et centre de soins, points de ravitaillement et supermarchés, centrales hydroélectriques, centres culturels, point d'informations (tour TV, etc.) — afin de leur rendre la vie impossible, de semer la terreur, de les conduire à fuir.

Une méthode pour frapper autrement

Sur le plan tactique, cette méthode économise des forces, la plupart des frappes se faisant par voie aérienne (ou d'artillerie à longue portée). Et elle a des effets immédiats sur l'adversaire comme sur ses soutiens, à court terme et moyen terme.

Désorganiser les arrières

À court terme, elle coupe l'adversaire de son tissu logistique, psychologique et d'assistance. Elle entraine une certaine désorganisation des arrières qui doivent gérer cet afflux de personnes déplacées. Elle porte aussi le fer sur les pays voisins, ceux de l'Union européenne, à charge pour eux de supporter la charge matérielle, tout d'abord, économique et sociale, ensuite, de l'accueil des réfugiés.

Avec un effet à moyen terme non négligeable

À moyen terme, elle prive l'Ukraine d'une bonne partie de ses ressources humaines, notamment les femmes et enfants, le gage de la renaissance du pays. Dont il n'est pas dit qu'ils reviendront un jour en Ukraine. Autre effet induit, elle entraine pour les Européens des difficultés politiques. L'accueil perenne des réfugiés, à terme, pourrait entrainer un durcissement par ricochet des populations. Du moins, c'était le calcul syrien (réussi). Et c'est le calcul russe aujourd'hui.

... mais pas automatiquement

Cet effet pourrait cependant se retourner. À court terme, si la terreur échoue à créer de l'effroi mais crée au contraire de la révolte et de la résistance, les temps pourraient être plus durs pour l'armée russe en Ukraine. À long terme, qui dit réfugiés installés, dit diaspora, autrement dit une intelligentsia, une force économique comme un poids politique dans les pays concernés. Dans 20 ou 30 ans, cet avantage se retournera durablement en faveur de l'Ukraine par rapport à la Russie, qui connait aussi une faiblesse démographique notable.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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