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Financement de défense

[Portrait] EDIRPA. Qui seront les principaux acteurs du dossier au Parlement européen ?

(B2 — exclusif) Les équipes chargées d'examiner l'instrument visant à renforcer l’industrie européenne de la défense au moyen d’acquisitions conjointes sont presque toutes désignées. Avec un leadership plutôt marqué à droite pour les rapporteurs. Et un duo polonais-allemand à sa tête. Une team plutôt masculine.  Qui seront les principaux rapporteurs du futur projet ? Portraits.

Le projet de rapport conjoint devrait sortir des imprimantes dès mardi prochain (17 janvier), pour un début d'examen le 6 février (le temps que le document soit traduit). Le vote conjoint du rapport final est fixé aux 24 et 25 avril. Rendant possible une adoption en plénière dans la foulée, en mai ou juin. Du moins avant l'été.

Deux rapporteurs amiral ! 

Deux commissions sont finalement chargées de l'examen sur le fond : ITRE (industrie) et la sous-commission SEDE (sécurité et défense). La SEDE a obtenu de ne pas être simplement associée, au terme d'un litige réglé en décembre 2022 par la conférence des présidents, qui a retardé le début des travaux à ce début 2023 (lire : l’examen peut (enfin) commencer au Parlement européen) — Cc qui fait bondir du côté de certains États membres. Le Conseil a lui déjà adopté sa position depuis novembre 2022 (lire : [Exclusif] EDIRPA au Conseil, scène finale. Les achats seront au moins 70% made in EU).

Zdzisław Krasnodebski (PE)

Pour la commission ITRE, le conservateur Zdzisław Krasnodebski (PiS) endosse le rôle de rapporteur pour le groupe ECR, désigné pour mener l'examen. Bien connu du milieu de la défense pour avoir mené les travaux parlementaires sur le fonds européen pour la défense (FEDef), à cheval sur deux mandats parlementaires, de 2018 à 2021, le Polonais reprend donc le flambeau sur ce nouvel instrument.

Vice-président de la commission ITRE et coordinateur pour son groupe, il a montré à la fois un certain savoir-faire, une certaine habilité et objectivité dans la conduite des travaux sur le FEDef. Ce qui a certainement pesé pour confier à son groupe le leadership sur l'examen du projet et la négociation à venir. Il avait notamment obtenu que « la gestion directe du fonds soit faite par la Commission européenne », qu'un « budget séparé » soit prévu pour les technologies de rupture, qu'il n'y ait « pas de limite pour la facturation des coûts indirects », ou encore « la participation préférentielle au fonds pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille moyenne (mid-caps) » et des avancées sur le « contrôle éthique du financement de projet ».

Sur l'EDIRPA, il confiait s'interroger sur la possibilité « d'ouvrir des programmes pour les États ayant le statut de candidat à l'UE ». (lire : [Verbatim] Le Parlement européen s’interroge sur le mécanisme d’acquisitions d’armes. Les critiques fusent)

Assistants : Magdalena Dymowska, Renata Aneta Lesniak, Krzysztof Uchanski.

Michael Gahler (PE)

Pour la sous-commission SEDE, l'Allemand chrétien-démocrate Michael Gahler (CDU/PPE) hérite du dossier. Sans vraie surprise. C'est un vieux de la vieille du Parlement européen (il termine son sixième mandat consécutif) et des capacités en matière de défense. Reconnu comme une référence pour tout ce qui touche l'industrie européenne de la défense. Un domaine qu'il a investit depuis son premier mandat en 1999. Jusqu'à devenir l'une des personnalités de haut niveau associées à la naissance au Plan d'action pour la défense de la Commission européenne (lire: Pour accompagner l’Action préparatoire, un groupe de personnalités).

Il a été, entre autres, rapporteur pour avis en 2013 sur la base industrielle et technologique de défense européenne. Un dossier à l'époque déjà co-pilotée avec ITRE, responsable sur le fond. Puis shadow (rapport d'initiative) sur l'Union européenne de défense en 2016. Avant d'être co-rapporteur en 2017 sur « les implications constitutionnelles, juridiques et institutionnelles d'une politique de sécurité et de défense commune : les possibilités offertes par le traité de Lisbonne ». Il préside aussi le Kangaroo Group, qui regroupe industriels et politiques.

Ardent promoteur de l'autonomie stratégique en matière de défense, il a inscrit dans sa  « to-do list », la création d'un marché européen unique de la défense. Dans une interview pour B2, il défendait déjà « un vrai plan de programmes en commun », regrettant que cela n'ait pas encore été fait. « Seuls de nouveaux programmes d'armement communs vont garantir la survie de notre industrie de la défense. »

Assistants : Dirk Alexander Berger, Susanne Nakonzer-Cranz, Markus Poesentrup.

 

Les shadow rapporteurs

Pour la commission ITRE

Sara Skyttedal (PE)

Côté PPE, la Suédoise Sara Skyttedal (Kristdemokraterna, KD) dont c'est le premier mandat européen n'est pas vraiment connue sur les questions de défense. Mais elle affiche son credo : « une coopération européenne efficace en matière de défense ».

Lors du vote sur le rapport PSDC 2022, elle a expliqué son opposition à « une union de sécurité et de défense à part entière, car nous ne sommes pas favorables à une défense commune à grande échelle avec, par exemple, une armée européenne ». Elle est également critique sur « des formulations protectionnistes qui signifient que les États membres doivent choisir les produits européens plutôt que les autres ». Un argument développé lors de l'examen du rapport d'Hannah Neumann sur les exportations d'armes. (Lire : Entre éthique et économie, le Parlement choisit)

Présidente de la délégation pour l'Irak, elle est également membre de la commission LIBE (libertés publiques). Ses bagages universitaires : sciences politiques et l'économie à l'université de Stockholm, rhétorique et histoire des idées à l'université de Södertörn.

Assistants : Karl Dag Elfstrom, Paer Mathias Person, Robert Karl Edgar Vickstroem.

Carlos Zorrinho (PE)

Le Portugais Carlos Zorrinho (parti socialiste), désigné par les sociaux-démocrates S&D, a déjà affiché ses interrogations à propos d'EDIRPA. Plutôt en faveur, il garde un oeil vigilant sur les mécanismes pour « empêcher les nations industrielles les plus fortes de se retrouver avec la plupart des ressources, ce qui fausserait le principe de collaboration ». L'un des ses "dadas" concerne la participation des PME.

Il est aussi président de la délégation à l'assemblée ACP-UE, et membre de la commission DEVE. C'est son deuxième mandat de député européen. Diplômé en gestion d'entreprise et en gestion de l'information, sa vie politique l'a mené au secrétariat d'État à l'énergie et à l'innovation (2005-2011).

Assistants : Joana Benzinho Santos, Marina Goncalves Dutra, Silvino Monteiro Cardita Gomes Da Silva 

Dominique Riquet (PE)

Le Français Dominique Riquet est l'autre tête bien connue de ceux qui ont suivi le Fonds européen de défense, car il était déjà rapporteur fictif pour les centristes libéraux du groupe Renew. Le groupe a choisi la stabilité en le désignant à la mi-octobre. Médecin de profession, c'est aussi un très bon connaisseur des questions de transport. (lire : Les sept personnages qui comptent pour le Fonds européen de défense (FEDef) au Parlement européen)

Assistants : Nicolai Coulombez, Leonie Decker, Clément Jean-Pierre Lefevre.

Jakop Dalunde @ Parlement européen
Jakop Dalunde (PE)

Deuxième Suédois de l'équipe, Jakop Dalunde (Miljöpartiet de gröna) représente les écologistes (Verts). C'est aussi son deuxième mandat. Il préfère s'exprimer sur la paix et le climat que l'armée et la défense. Mais il n'est pas pour autant novice en la matière, loin de là. Il a été porte-parole sur ces sujets défense pour le parti des Verts au Parlement suédois, de 2014 à 2016.

Marc Botenga @Parlement européen
Marc Botenga (PE)

Le Belge Marc Botenga, est le troisième "ancien" du Fonds défense. Il a lui aussi été shadow pour la gauche radicale et alternative (GUE) lors de la deuxième lecture du fonds européen de défense, en 2019, au début de son premier mandat. Il avait voté contre. Sa ligne est claire : pour lui, « les États membres ne manquent pas de moyens pour défendre leur territoire, ils en ont trop ». Il ne veut pas non plus « d’une nouvelle course aux armements ». Ses priorités d'investissements sont plutôt « dans les services publics, dans la réindustrialisation, dans la recherche civile et le développement ». En résumé, « la santé, pas la guerre. »

Assistants : Marie-Lou Elisabeth Pilar Badie, Maria Hernandez Santos, Meltem Okcu.

Thierry Mariani (DR)

Pour la droite nationaliste (ID), c'est le Français Thierry Mariani (RN) qui est le dernier shadow nommé. Longtemps membre de la droite gaulliste française dans toutes ses évolutions (RPR, UMP, Les Républicains), il se rapproche du Rassemblement national et est élu en 2019 au Parlement européen sur cette liste. Un parti auquel il a formellement adhéré en 2022.

Russophile affirmé, il a longtemps prôné un rapprochement avec Moscou. Il a ainsi fait partie des députés observateurs des élections en Crimée. Ce qui lui a valu une sanction du Parlement, celui-ci le bannissant des missions d'observation électorale pour la durée du mandat (lire : Huit eurodéputés interdits d’observation électorale). Il a aussi fait régulièrement des voyages en Syrie (lire : Pour reconstruire la Syrie, Assad n’a pas besoin de l’Europe (Thierry Mariani)).

Assistants : Charles Marie Francis Gilles De Meyer, Sophie Anne Geraldine Marie Guil, Anastasiia Petrova.

Pour la sous-commission SEDE

Dragos Tudorache (PE)

Le Roumain Dragoș Tudorache (PLUS/Renew), porte le dossier pour les Libéraux. L'ancien ministre des Affaires intérieures dans le gouvernement Ciolos en 2016 et 2017 est un hyper actif au Parlement européen pour son premier mandat. Il a (notamment) déjà été shadow en 2022 sur le rôle de la politique de sécurité et défense commune dans le Partenariat oriental, dans la zone Indo-pacifique, ou la coopération UE-OTAN dans la sécurité transatlantique.

Assistants : Adriana Andreea Filip, Timea Lapsanszki, Dan-Flaviu Nechita, Tudor-Ionut Oprea.

Sven Mikser (PE)

L'Estonien Sven Mikser (S&D). C'est un peu la référence défense pour les 12 S&D de la SEDE. Il a étrenné son premier mandat en prenant la main sur le rapport PSDC 2020 et sur un avis sur "la mise en œuvre de la directive 2009/81/CE relative aux marchés publics dans les domaines de la défense et de la sécurité, et de la directive 2009/43/CE relative aux transferts de produits liés à la défense". Également rapporteur (en 2021) sur les "défis et perspectives pour les régimes multilatéraux de contrôle des armes de destruction massive et de désarmement". Il est vice-président de la Délégation pour les relations avec l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.

Assistants : Silver Meikar, Luca Saarlen.

Hannah Neumann (PE)

L'Allemande écologiste Hannah Neumann (Verts). C'est l'une des plus critiques de l'instrument. Lors d'une première discussion en septembre dernier, elle pointait les efforts jusque là du renforcement de la coopération en matière de défense, malgré « des milliards d'euros du budget de l'UE » investis dans des projets tels que le PADR, l'EDIDP, le FEDef, dans des subventions aux États membres. « Ce ne sont pas 500 millions € qui vont changer cela », fustigeait-elle (Relire Actu B2).

Assistants : Angelika Maria Barbara Hild, Carsten Jurgensen, Katharina Kruell, Seyedeh-Alast Mojtahed Najafi.

 

 

Les rapporteurs pour avis

Trois autres commissions parlementaires vont rendre un avis sur le projet. Avec là encore un net portage de la droite du Parlement européen.

Ivars Ijabs (PE)

IMCO. Le libéral Letton Ivars Ijabs (LA/Renew) est rapporteur pour la commission marché intérieur. Son projet de rapport, daté du 19 décembre, doit être examiné fin janvier et son adoption est prévue fin mars. La commission IMCO (marché intérieur) obtient le statut de commission associée selon l'article 57, avec un "+" pour l'exclusivité d'examen de certains articles. Lire son opinion : [Actualité] EDIRPA : la commission IMCO favorable à une ouverture aux pays tiers

Assistants : Karlis Ralfs Lapins, Peteris Vinkelis.

Karlo Ressler (PE)

BUDG. Le Croate Karlo Ressler (HDZ), du PPE, pour la commission Budgets. Un jeune rapporteur déjà chevronné sur les questions budgétaires, pour son premier mandat (il était tête de liste du HDZ pour les Européennes de 2019). Ancien assistant parlementaire de l'actuel premier ministre Andrej Plenkovic, il a également été son conseiller pour les questions juridiques et politiques. Diplômé de la faculté de droit de de Zagreb.

Assistants : Leon Leskovec, Ivona Lukac, Tomislav Teski.

Monika Hohlmeier (PE)
Monika Hohlmeier (PE)

CONT. La présidente de la commission Contrôle budgétaire, l'Allemande Monika Hohlmeier (CSU), également du PPE, a la main.

Née à Münich, elle a baigné toute petite dans la politique puisque son père n'est autre que Franz Josef Strauss, un des fondateurs, en 1946, du parti bavarois de la droite allemande (CSU), ayant servi dans la défense anti-aérienne durant la guerre, et qui sera ministre de la Défense sous Konrad Adenauer.

Elle a commencé très tôt sa carrière politique, entrant dès 16 ans à la CSU. Elle exerce aujourd'hui son quatrième mandat au Parlement européen. Expérimentée, excellente connaisseuse des questions budgétaires, c'est aussi une redoutée pourfendrice de toutes les fraudes et gaspillages financiers (elle a été membre ainsi de la commission spéciale sur la crise financière grecque). Gare à celui ou celle qui n'arrive pas bien à justifier l'emploi de l'argent européen.

Assistants : Tara Joanne Baynes, Annkatrin Mies, Patrick Sandmann, Katharina Christine Schlenker.

(Emmanuelle Stroesser, avec NGV)


Calendrier parlementaire

Après le premier projet d'avis rendu par le rapporteur IMCO rendu le 14 décembre (Lire : [Actualité] EDIRPA : la commission IMCO favorable à une ouverture aux pays tiers), le coup d'envoi est lancé pour l'examen parlementaire. Un calendrier fixé d’un commun accord entre les rapporteurs de la commission ITRE (J. Krasnodebski) et la sous-commission SEDE (M. Gahler). Voici les premières dates connues.

— 23/24 janvier 2023. Présentation du projet d'avis en IMCO ;

— 8 février 2023 midi. Date limite pour le dépôt des amendements ITRE/SEDE ;

— 20 mars 2023. Examen des amendements en commission conjointe ITRE/SEDE ;

— 27/28 mars 2023. Adoption de l'avis en IMCO ;

— 24/25 avril 2023. Adoption du rapport conjoint ITRE/SEDE.


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