[Éditorial] Le plan de victoire de Zelensky, un plan séduisant mais irréaliste ?
(B2) Le plan présenté par Volodymyr Zelensky (lire : [Actualité B2] les cinq points du plan de victoire) est généreux, séduisant. Mais il semble assez irréaliste en l'état. Ne tenant pas compte de l'évolution du monde ces derniers mois.
Plusieurs questions restent, en effet, sans réponse...
Comment renverser en quelques mois la table, pour faire progresser certains points qui n'ont pas été acceptés par les Européens et Alliés auparavant, comme l'adhésion à l'OTAN ou une livraison plus massive d'armes ?
Comment redynamiser une alliance, marquée par une certaine "fatigue" indéniable ? Il n'est que de voir les difficultés rencontrées pour adopter de nouvelles vagues de sanctions ou de nouveaux paquets d'aide militaire en commun. Cela traine. Et même les solutions alternatives trouvées ne semblent pas faciles à mettre en œuvre.
Comment convaincre le reste du monde, Chine en tête, qui ne pense pas automatiquement qu'une défaite de la Russie - une « humiliation » (pour reprendre les termes d'un certain Emmanuel Macron) - et une victoire des Occidentaux, par Ukraine interposée, serait une si bonne chose ?
Sur tous ces points, le chemin n'est pas précisé, à part la force de conviction. Ce plan apparait ainsi sinon comme un plan de victoire, plutôt comme une tentative de la dernière chance pour convaincre, une position de départ de négociation. Où tout ce qui est démenti aujourd'hui (par exemple l'abandon temporaire de territoires) pourrait devenir vérité demain.
Dans cette fin d'année 2024, les capitales européennes semblent avoir la tête ailleurs. Leur préoccupation unique n'est plus l'Ukraine, comme lors du déclenchement de l'opération russe, début 2022. Pour chacun, y compris certains alliés proches de l'Ukraine (tel le président tchèque Petr Pavel), un gel du conflit dans l'état actuel apparait, finalement, la moins mauvaise des solutions pour l'Ukraine, pour l'Europe.
Face à un monde qui "tremble", en particulier au Proche-Orient, et face à des difficultés intérieures de plus en plus prégnantes et une sensation de crise (économique, migratoire, etc.), l'idée que la guerre en Ukraine est une guerre existentielle pour la paix en Europe n'est plus une vérité intangible. Les vieux démons européens semblent de retour : la tentation de s'occuper de son nombril plutôt que de regarder le monde.
(Nicolas Gros-Verheyde)
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