[Entretien] La défense de l’Europe : c’est l’OTAN, bien sûr (Raimundas Karoblis)
(B2 - exclusif) Malgré les efforts de l'Union européenne pour prendre une place importante sur l'échiquier de la sécurité européenne, l'OTAN demeure numéro un, pour Raimundas Karoblis, le ministre lituanien de la Défense

Le président français, Emmanuel Macron estime que l'OTAN serait en « état de mort cérébrale ». C'est votre point de vue ?
— Non. Ces dernières années ont prouvé que l'OTAN est absolument vivante. Les progrès accomplis depuis plusieurs années dans le rôle de l'OTAN en tant qu'alliance de défense collective de l'Europe vont bon train. Je pense que nous avons besoin de faire un travail pratique et pragmatique. Bien sûr, il y a des défis à relever. Le président Macron a mentionné les activités de la Turquie en Syrie. Bien sûr, il n'est pas toujours facile de prendre des décisions au sein de l'OTAN. Car comme l'Union européenne, c'est une alliance. Il est certain que les États membres ont parfois des opinions divergentes. Mais la beauté de ces alliances est que l'on trouve des consensus et des accords. Nous avons déjà connu plus de défis, de difficultés, de désaccords qu'aujourd'hui.
Malgré les difficultés, l'OTAN est donc toujours la première structure de défense pour vous, devant l'Union européenne ?
— L'Alliance pour la défense de l'Europe, c'est bien sûr l'OTAN. Nous dépendons de l'OTAN. C'est notre première garantie de sécurité. Le processus et les instruments de l'Union européenne ont davantage à voir avec de la facilitation. Il ne s'agit pas d'une alliance militaire et de défense. Pour qu'elle en soit une, il faudrait que toutes les forces armées ne forment qu'une. Ce n'est pas possible. En plus, il faudrait d'abord une infrastructure de commandement et de contrôle unique et un quartier général.
Quelles sont les menaces pour vous : la Russie, le flanc Sud ?
— En termes de menace à la sécurité, la première, la plus importante pour nous, c'est la Russie et ses menaces conventionnelles. En Ukraine, la Russie a montré qu'elle ne respectait ni les accords internationaux ni les valeurs telles que la souveraineté et l'intégrité territoriale. La même chose pourrait se produire dans un autre pays. Mais sur le flanc sud, nous reconnaissons aussi qu'il y a des défis, notamment le terrorisme, des défis importants pour notre sécurité sur le continent européen... Et nous apportons notre contribution.
Des soldats lituaniens sont déployés sur ce flanc sud ?
— Oui. Nous contribuons en participant à différentes missions en Afghanistan avec l'OTAN, en Irak dans le cadre de la coalition pour la lutte contre Daech notamment, au sein des opérations maritimes de l'UE Sophia (Méditerranée) et Atalanta (Océan indien). Nous avons aussi des soldats en Centrafrique, au Mali, dont 39 dans la mission des Nations Unies au Mali, la MINUSMA. Rien qu'en comptant les effectifs dans les missions de l'UE et de l'ONU, presque un quart de nos soldats est positionné dans des opérations internationales.
Seriez-vous prêts à vous engager dans la nouvelle mission Takuba, réunissant des forces spéciales au Mali à l'initiative de la France ?
— Nous allons d'abord examiner, d'un point de vue géographique, quelle est la contribution la plus appropriée et la plus efficace que nous pouvons fournir. Par exemple, il y a deux ans, nous avons commencé à participer à la mission au Mali (EUTM Mali) ; nous sommes intégrés au commandement allemand. Nous ne pouvons pas conduire une mission indépendamment, nous avons besoin d'un cadre. Nous sommes prêts à participer aux discussions nécessaires, selon les exigences opérationnelles de chaque pays présent dans l'opération.
(Propos recueillis par Aurélie Pugnet)
Entretien réalisé face à face, mardi 12 novembre, dans les locaux de la délégation lituanienne au Conseil de l'UE, en anglais
La Lituanie mène un des projets-phares de la PESCO : les équipes de réaction rapide aux attaques cyber. Quand seront-elles opérationnelles ? Un point reste souvent en discussion : l'ouverture de ces projets aux pays tiers. Quelle est votre position ?
— Les équipes de réaction rapide aux attaques cyber seront entièrement opérationnelles pour 2020. Sans aucun doute. Quant à l'ouverture de la PESCO aux pays tiers, il s'agit du seul moyen pour être efficaces. Et il nous faut, en premier lieu, y inviter nos alliés. Si un équipement n'est fabriqué qu'à l'intérieur de l'Union européenne, il ne pose aucun problème. Mais si les pièces sont produites dans des pays tiers, il n'est pas logique de les exclure des projets. Par exemple, pour construire un équipement allemand, dont la plate-forme vient d'Israël, et le canon des États-Unis, c'est plus rentable qu'au sein de l'Union européenne uniquement. Il sera vendu à d'autres armées que les européennes. C'est pourquoi nous attendons une participation des États-Unis, bien sûr, du Royaume-Uni, des États de l'Espace économique européen, ainsi que de nos partenaires, tels que la Géorgie et l'Ukraine, qui défendent le flanc sud de l'Alliance. Nous devons développer des relations pragmatiques et ne pas nous isoler des autres. Cette ouverture devrait également être applicable aux projets de cyber défense : nous avons une coopération très intense avec les États-Unis, l'Ukraine et la Géorgie. Pourquoi limiter leur participation alors qu'ils sont très exposés aux cyber attaques ?