Le Tribunal rejette le recours d’un neveu de Ben Ali

Logo Cjue(B2) Le Tribunal de l'UE a rejeté la demande de dégel des fonds du neveu de l’ancien président tunisien Ben Ali, pour la période allant du 31 janvier 2014 au 31 janvier 2015.

Un vieux "client" du Tribunal

Mehdi Ben Ali (1) avait été inscrit sur la liste noire de l'UE en février 2011 et ses fonds gelés dans le cadre des poursuites engagées en Tunisie contre l'ancien président tunisien et ses proches pour détournement de fonds (2) et de la volonté affichée par l'Union européenne de soutenir le "printemps tunisien" et l'émergence d'un nouveau pouvoir à Tunis. Il a, à plusieurs reprises, saisi la juridiction européenne... avec des succès mitigés. Un premier recours en annulation, visant la période 2011-2012 avait été rejeté, le 11 janvier 2012 pour raison de procédure, due à l'introduction tardive de la plainte (Ordonnance T‑301/11). Dans un second recours, le plaignant a obtenu raison. Le Tribunal a, en effet, estimé, dans un arrêt prononcé le 2 avril 2014 (affaire T-133/12), puis dans une ordonnance du 14 octobre 2014 (affaire T-166/13),  que le Conseil ne pouvait pas qualifier M. Ben Ali de « responsable de détournement de fonds publics » pour la seule raison qu’il faisait l’objet d’une enquête judiciaire pour des faits de blanchiment d’argent.

Une motivation modifiée visant l'abus de qualité

Cet arrêt est resté cependant sans suite concrète (Lire : Le neveu de Ben Ali blanchi … mais ses avoirs restent bloqués. Car, le temps du jugement, le Conseil avait prorogé, dans une décision adoptée le 30 janvier 2014, le gel de fonds jusqu'au 31 janvier 2015, en modifiant la motivation (3). Au lieu du seul blanchiment, étaient visées des enquêtes judiciaires « pour complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration ». NB : Un changement fort opportun, qui faisait surtout suite à un autre arrêt du Tribunal qui avait, le 28 mai 2013, annulé des mesures de gel des avoirs avec une argumentation similaire à l'affaire Mehdi Ben Ali. Lire : Des proches de Ben Ali obtiennent raison

Une nouvelle motivation reconnue justifiée

Cette nouvelle motivation a été reconnue valable par les juges européens. Ils relèvent ainsi que le Conseil dispose bien « d’une attestation des autorités tunisiennes qui confirme que Ben Ali fait bien l’objet des enquêtes judiciaires visées dans les motifs d’inscription ». Cette attestation est suffisante pour justifier le gel des fonds. L’abus de qualité par un fonctionnaire public présente « un lien direct et évident avec la notion de 'détournement de fonds publics' ».

Commentaire : un contrôle a minima des motifs

Le Tribunal se livre ainsi, selon nous, à une analyse assez limitée, plutôt formelle, du contrôle de la motivation se limitant à constater que la forme invoquée dans la motivation — poursuites judiciaires, infraction reprochée — est conforme à l'objectif de la décision, sans examiner réellement le fond (la notion de détournement public).

NB : Précisons que les avoirs de Ben Ali sont toujours gelés. Deux décisions successives, intervenues en janvier 2015 et 2016, ont prolongé cette mesure jusqu'au 31 janvier 2017. À ce jour, le service de presse de la Cour précise qu'aucun recours de Ben Ali n'a été introduit contre ces deux décisions de prorogation.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Télécharger l'arrêt T-200/14

(1) Mehdi Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Haj Hassen Ben Ali, selon son nom officiel

(2) Une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent.

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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