(B2) Destinée à compléter l'opération Barkhane face aux groupes terroristes, la force Takuba regroupe des forces spéciales de plusieurs pays européens. Non sans mal
Les Estoniens ont dès le début et de façon déterminée été les premiers engagés dans le task-group franco-estonien de Takuba fin août 2020 (crédit : DICOD / EMA)
Portant le code militaire de Combined Joint Special Operations Task Force ou CJSOTF, cette opération est dénommée Takuba ('sabre' en tamachek). Avec un objectif : « compléter Barkhane et dessiner le nouveau visage de la lutte contre le terrorisme au Sahel » comme le définit fin 2019, la ministre française des Armées, Florence Parly. Sa zone d'action est celle dite des trois frontières, entre Mali, Burkina-Faso et Niger. Lire aussi le dossier n°62 sur l'initiative européenne d'intervention.
2018 : les prémices
Le 11 septembre 2018, se confiant à B2 en marge de l'université d'été de la défense, le chef d'état-major français, le général François Lecointre (premier chef de la mission de formation européenne de l'armée malienne EUTM Mali), indique vouloir faire évoluer la force Barkhane, en y associant les Européens. « On peut réfléchir à une évolution de l'opération Barkhane, une opération 'bis' ou 'ter', où des Européens prendraient le lead d'une partie de l'opération, de certaines zones géographiques, de fonctions militaires particulières... Il faut être créatif ».
Vendredi 9 novembre 2018, première réunion des chefs d'état-major des pays membres de l'initiative européenne d'intervention. Le Sahel est un des points clés de l'initiative.
[Analyse] Mi-septembre 2019, une dizaine de pays sont contactés pour participer à l'opération, en particulier ceux participant à l'initiative européenne d'intervention. Mais les Français peinent à convaincre. Sur l'objectif visé — une force de 400-450 personnes — seule la moitié (200-250) pourrait être atteint. Un groupe de forces spéciales européennes au sein de Barkhane. Cela avance lentement.
Mercredi 6 novembre 2019, la ministre française des Armées, Florence Parly, en visite à Gao, annonce que « dès 2020, les forces spéciales françaises aux côtés des forces spéciales de nos partenaires européens seront déployées au Mali pour transmettre leur savoir-faire d’exception aux militaires maliens ». Carnet 08.11.2019
[Analyse] Mi-novembre 2019, Estoniens, Tchèques, Nordiques seront bien présents dans l'opération. Mais un certain nombre de pays (Espagne, Royaume-Uni, Belgique) bottent en touche.
Lundi 30 décembre 2019, l'Allemagne officialise sa décision ne pas venir dans Takuba. Malgré deux demandes formelles de la France, comme le confirme le porte-parole de la défense allemande.
Lundi 13 janvier 2020, sommet de Pau. Face aux critiques plus nombreuses au Mali notamment, les Africains confirment leur volonté de voir les Français et Européens s'impliquer davantage. Au niveau opérationnel, deux décisions sont annoncées : l'envoi d'un renfort de 220 soldats français pour renforcer Barkhane (faute de Takuba) et la colocalisation du commandement de Barkhane (et du QG de la force Takuba) avec le QG du G5 Sahel à N'Djamena.
[Analyse] Janvier 2020. Le calendrier de la mise en place glisse : capacité opérationnelle initiale (IOC) à l'été 2020 et pleine capacité opérationnelle (FOC) à l'automne, ou plutôt fin 2020. Au niveau des participants, outre l'Estonie et la Tchèquie, déjà acquis, deux autres affirment leur 'Oui' de principe (Norvège et Suède). L'Italie et le Portugal se tâtent. C'est tout. L'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni ont répondu non. Quatre Européens présents dans la task-force Takuba, dans la zone des trois frontières. QG, implantation, nombre, logistique…
Dimanche 2 février 2020, la ministre française des Armées, Florence Parly, annonce l’arrivée de 600 hommes en renfort (et non plus 220 comme annoncés à l'origine) dans l’opération Barkhane, en bonne partie des forces spéciales du COS (commandement des opérations spéciales), pour renforcer l'action dans la zone des trois frontières. 600 Français de plus au Sahel, pour permettre le lancement de la task-force Takuba.
Vendredi 6 et (mardi) 10 mars 2020, un échange de lettres entre l'ambassadeur de France au Mali et les autorités maliennes permet d'établir un accord de statut des forces (SOFA). Il servira ensuite de modèle pour tous les participants.
Lundi 23 mars 2020, les Norvégiens ne viendront pas. Faute de soutien parlementaire. « Le gouvernement a examiné attentivement cette question. Comme nous manquons de soutien au sein du Storting, nous sommes arrivés à la conclusion que la Norvège ne rejoindra pas cette force maintenant » indique le ministre de la Défense, Frank Bakke-Jensen.
Vendredi 27 mars 2020, onze pays européens (Allemagne, Belgique, Danemark, Estonie, France, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Tchéquie, Royaume-Uni, Suède) signent une déclaration politique soutenant la création de la task-force. Cinq pays sont officiellement annoncés comme contribuant à l'opération (Belgique, Danemark, Estonie, Pays-Bas, Portugal). Mais certains le feront de façon très symbolique (Belgique et Pays-Bas). Deux autres (Suède et Tchèquie) devant les rejoindre. Le calendrier glisse encore. La pleine capacité opérationnelle est annoncée cette fois pour début 2021.
Début mars-mai 2020: première vague de l'épidémie de coronavirus (Covid-19) qui met à genoux une bonne partie de l'Europe.
Fin mars 2020. Après avoir étudié leur participation, les Pays-Bas confirment n'envoyer qu'un effectif symbolique : deux officiers d'état-major. Objectif : « rester informer du déroulement des événements, comme la situation sur le terrain ». La Haye n'a pas « les capacités nécessaires des forces d'opérations spéciales disponibles », celles-ci étant employées en Afghanistan.
Jeudi 16 juillet 2020, la Chambre des députés italienne approuve le projet présenté par le gouvernement d'envoi d'une force comprenant jusqu'à 200 hommes dans le secteur d'Ansongo. Les Italiens entrent dans la task-force Takuba au Mali
Début août 2020, les derniers militaires et matériels estoniens arrivent sur le théâtre. Les premiers entraînements communs commencent.
Du 28 au 30 août 2020, le task-group franco-estonien mène une première opération de reconnaissance avec des cadres maliens de l’unité légère de reconnaissance et d’intervention n°4 (ULRI n°4) dans le Gourma malien et plus précisément dans la zone de Djebok-Imenas, selon un communiqué de l'état-major des armées.
Mardi 27 octobre 2020, la Chambre des députés tchèque approuve le déploiement de troupes tchèques dans la lutte contre le terrorisme au Sahel aux côtés des Français. Takuba : le oui (définitif) des Tchèques / Yes from Prague.
Lundi 23 novembre 2020, la Grèce devrait envoyer une unité militaire dans la task-force Takuba au Mali. Un gage de son engagement européen, mais aussi un échange de bons procédés avec la France qui a promis un soutien maritime et aérien conséquent face aux incursions turques. Sahel. La Grèce s’engage dans Takuba aux côtés des Français
Mercredi 13 janvier 2021, un an après le sommet de Pau, la liste des pays européens venant renforcer l’opération Barkhane par des forces spéciales n’augmente pas de façon notable. Mais elle se concrétise. Force Takuba : qui participe, observe ou simplement soutient ?
— La majeure partie des forces spéciales suédoises est désormais en place, confirme le général de brigade Anders Löfberg, chef du commandement des forces spéciales. Takuba. Les Suédois sur place au Mali
Samedi 13 février 2021, l’armée malienne est en pleine reconstitution jure le commandement français. « Le haut commandement s’est remobilisé ». On voit « la montée en puissance des unités légères de reconnaissance et d’investigation » : l’ULRI 1 à Gossi, une à Ménaka, une troisième à Gao. Le pilier militaire du G5 Sahel monte en puissance, Takuba aussi. Le GISM ennemi numéro 1
Mercredi 17 février 2021, un premier contingent italien devrait arriver au cours de la deuxième semaine de mars, après le déploiement d'une mission exploratoire. Task-force Takuba. Les Italiens arrivent.
— La task-force Takuba est installée sur deux lieux essentiellement — Ménaka et Gao — et commandée par le général de brigade Philippe Landicheff, issue des forces aériennes. La task-force Takuba en quelques mots
— La Belgique et les Pays-Bas n'enverront que des officiers d'état major. Les trois Belges (Deux Belges au Mali et un troisième au Tchad) ne seront déployés que le 19 avril. Les deux Néerlandais (un officier de liaison au QG de l’opération Barkhane au Tchad et un officier de renseignement au QG de Takuba à Ménaka, au Mali) arrivent. Pourquoi la Belgique et les Pays-Bas entrent dans Takuba si timidement ?
jeudi 8 avril 2021, le gouvernement danois confirme sa contribution dans Takuba avec un contingent de maximum 105 militaires à partir de début 2022. Les Danois dans Takuba
Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).