EP Plenary session - Question Time to Ursula von der LEYEN, President of the European Commission - Two years on, implementation of the political priorities
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[Reportage] L’heure des questions au Parlement européen. Opération dépoussiérage

(B2 à Strasbourg) « L'heure des questions » à la Commission européenne et au Haut représentant de l'UE a été testée ce mardi (5 avril) au Parlement européen. L'exercice était attendu des députés. Beaucoup moins de la Commission européenne.

Si l'heure des questions était attendue, cela n'a pas suffit à remplir l'hémicycle. Ici, l'Allemand Martin Schirdewan (Die Linke/GUE) interrogeant Ursula von der Leyen. (crédit : Parlement européen)
  • Cette séance de deux fois une heure d'échanges du « tac au tac » fait partie de la réforme engagée par l'ancien président du Parlement européen, David Sassoli.
  • Sa mise en oeuvre a été retardée à cause du contexte sanitaire qui a empêché jusque-là le retour de tous les députés dans l'hémicycle de Strasbourg.

"Catch the eye" version 2022

Organisée sur le modèle du "catch the eye" — qui consiste à faire parler celui ou celle qui lève la main sans qu'il n'ait été inscrit préalablement sur une liste d'orateurs —, cette séance n'est en soi pas très révolutionnaire. Elle a toutefois le mérite de dépoussiérer l'exercice du débat parlementaire. Le rendre un peu moins guindé, avec la succession d'intervenants n'attendant souvent même pas la réplique finale de leur interlocuteur. Son charme peut aussi devenir sa faiblesse, pour ne devenir qu'une tribune avec force mise en scène.

Une vitrine plus affriolante pour les débats comme pour les sujets

Mais le but du jeu n'est-il pas que l'on parle davantage des débats du Parlement européen dans les 27 États membres ? En tout cas, les deux premiers échanges mardi ne sont pas restés à la surface des choses, notamment sur la boussole stratégique, un sujet techno comme les aime Bruxelles. Alors si l'exercice permet de vulgariser ces coulisses pour que les citoyens se les approprient... « Why not », glisse un fin connaisseur du Parlement à B2.

Un timing serré mais détendu

Une heure pile ! Le pari n'est pas tenu. La première séance avec Ursula von der Leyen a débordé de quelques minutes. 13 députés ont pu lui poser en direct leurs questions. Ils ont été une douzaine à en faire de même avec le Haut représentant de l'UE, Josep Borrell, lors de la deuxième "heure de questions".

Faire court...

L'exercice a un timing imposé : une minute pour la question, deux minutes pour la réponse, trente secondes pour une question de suivi (ou de relance), et deux minutes pour une nouvelle réponse. Cinq minutes trente maximum donc par rotation. Ursula von der Leyen s'inquiète de ne pas avoir de décompte sous les yeux. « Je ne vois pas le temps qu’il me reste, je l’ai déjà dépassé… j’ai besoin de voir le temps qu'il me reste » sourit-elle en cherchant un point de repère. La posture est moins rigide qu'au pupitre. Le cadre se prête mieux à quelques familiarités. « Je reste debout car j'ai mal au dos... » livre-t-elle.

... difficile !

Un oubli réparé qui l'amène à jouer progressivement sur les temps de réponse en réservant une partie de sa réponse pour la relance. Car les députés n'ont eux pas boudé leur plaisir, et à chaque fois, pose une deuxième question, trop souvent une autre question d'ailleurs... Josep Borrell ne tient pas non plus facilement les deux minutes, sauf en réponse à l'Italienne de la Lega (ID) Ana Bonfrisco, où les réponses sont aussi sèches que les sourires sont absents.

Mieux vaut être bon orateur

De sourires il en eut pourtant. Et ce, dès la première heure avec une Ursula von der Leyen que l'on a rarement vu aussi gaie. Perturbée peut être au début, à moins qu'elle n'ait finalement apprécié l'exercice ? Les réponses ne sont pas toujours d'une grande limpidité pour qui cherche une réponse claire. Josep Borrell est lui, plus familier des formules qui frappent. Cela pimente. Le direct prête néanmoins aux hésitations, comme celle du Haut représentant, qui doit s'y reprendre à trois fois pour retrouver la signification exact de l'acronyme CARD (1).

Piques et répliques

L'exercice est aussi exigeant pour les députés qui doivent assumer une réponse aussi directe que leur question. À la différence d'un débat ordinaire où les interventions s'enchaînent et où le Haut représentant fait une réponse globale devant des sièges vides... Le Polonais du PiS (ECR) Witold Jan Waszczykowski en a fait les frais, pour avoir reproché à Josep Borrell d'avoir « jeté à la poubelle » le « document de Mogherini de 2017 » (NB la stratégie globale de l'ancienne Haute représentant de l'UE). « Il me semble que vous confondez… personne n’a jeté quelque document que ce soit. Celui de 2017 est un document de réflexion sur la stratégie globale de l’UE, la Boussole n’est pas un document de la même nature [...] Je vous rappelle que c’est le Conseil qui a adopté la Boussole, pas la Commission ! C’est un document du Conseil cher monsieur ! » le reprend Josep Borrell, un brin moqueur.

Les questions connues au dernier moment

Les thèmes avaient été pré-définis. Les deux premières années de mandat pour la présidente de la Commission européenne, la sécurité et la boussole stratégique pour le Haut représentant. C'est le seul élément qui était connu avant la séance. Autre pré-requis : le respect de l'équilibre du temps de parole entre les groupes. Les plus gros (PPE, S&D et Renew) pouvaient faire intervenir trois députés. Les autres un seul. Cela n'avait pas manqué de faire grincer des dents (cf ci dessous). La consigne a été respectée.

Entre optimisme

Quelques heures avant le début de l'exercice, peu de députés semblaient savoir à quoi s'attendre. Mais tous n'étaient pas mécontents d'avoir enfin réussi à forcer la main de la Commission européenne, qui freinait des quatre fers. Peu encline à livrer ses commissaires à un exercice sans filet... raille un député. « Ce sera bon instrument pour renforcer le contrôle parlementaire sur la commission. Cela permet de poser des questions directes aux commissaires. Ailleurs, c'est une pratique qui fait partie du quotidien, il était temps », confiait à B2 le co-président de la GUE, Martin Schirdewan (Die Linke) avant d'entrer dans l'hémicycle. Le président de Renew, le Français Stéphane Séjournée (LREM), se réjouit aussi de « cet exercice démocratique ».

... et regrets

Les petits groupes n'ont pu obtenir qu'une main levée en moyenne. « Déplorable » grogne-t-on du côté des Verts alors que le projet initial avait envisagé un débat d'une heure et trente minutes. Ce qui aurait permis à davantage de députés de poser leur question. Pour le Français Mounir Satouri (EELV), le sujet n'est pas anodin « car en fonction des sujets, une majorité peut se faire et se défaire au Parlement européen, parce que la voix des petits groupes compte », ou du moins, comptait, raille le député, inquiet de la tendance accentuée depuis le mid-terme des « trois gros », PPE, S&D et Renew, à négliger la voix des petits. Mais voilà un autre sujet...

(Emmanuelle Stroesser)

  1. La revue annuelle coordonnée sur la défense, menée par l'agence européenne de défense (EDA) qui est sous l'autorité du Haut représentant de l'UE.

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