(B2) La ministre de la Défense des Pays-Bas, Kajsa Ollongren, plaide pour une coordination efficace entre les États membres pour reconstituer les stocks d'armes européens vidés par le soutien à l'Ukraine.
Selon la ministre, les États membres doivent se coordonner au mieux pour faire face à la guerre en Ukraine et ses conséquences sur l'armement européen (Photo : Conseil de l'UE)
Le soutien à l'Ukraine et les dépenses de Défense seront au coeur du sommet des 27 du début de la semaine prochaine, lundi et mardi (30 et 31 mai).
Les 27, dont les Pays-Bas, fournissent des armes et du matériel non létal en soutien à l'Ukraine, financés en partie via les fonds intergouvernementaux de la facilité européenne pour la paix. Deux milliards € ont déjà été alloués en ce sens (1) sur les six milliards du budget prévu pour 2021-2027. Ce fonds s'assèche. Doit-il être augmenté ?
— Nous avons jusqu'ici toujours été en mesure d'augmenter le financement [du soutien à l'Ukraine via la facilité européenne pour la paix]. C'est très important. La suite dépendra de combien de temps cette situation dure. En ce moment, je pense que l'Union européenne et chaque État membre réévaluent leurs budgets, stocks, coordinations. Nous trouverons également une solution si nous arrivons à ce stade-ci.
Le soutien militaire et financier fourni à l'Ukraine continue certes. N'y a-t-il pas un sentiment de lassitude qui s'installe ? Combien de temps ce soutien peut-il être maintenu ?
— À ce jour, je constate que tous les pays sont vraiment engagés à continuer de soutenir l'Ukraine. Jusqu'à présent, nous avons aussi été capables de surmonter tous les obstacles. Mais nous ne savons pas combien de temps la guerre va durer. Il est très important que nous nous coordonnions mieux, dans l'Union européenne, ou dans le groupe de Ramstein (2).
Le matériel létal fourni à l'Ukraine vient de stocks des États. Êtes-vous inquiète d'un épuisement de ces stocks d'armements ? Comment s'assurer qu'ils soient reconstitués ?
— C'est une question importante qui a été abordée au Conseil des ministres [de ce mardi 17 mai]. Nous devons coordonner nos efforts pour fournir à l'Ukraine de ce dont elle a besoin. En même temps, organiser également le remplissage de nos stocks. Et pour cela, nous devons nous coordonner, s'il y a une possibilité de travailler conjointement, d'acheter des nouveaux systèmes plus modernes et de le faire ensemble. J'ai dit au Conseil que nous ne devrions pas tous nous contenter d'agir individuellement, que chaque État s'occupe de soi-même, passe ses nouvelles commandes de son côté... car ce ne serait pas très intelligent. Nous devrions probablement être mieux coordonnés, avoir davantage d'interopérabilité, et si possible acheter conjointement le même type de systèmes qui rendront notre défense plus forte. Cela éviterait aussi que les prix augmentent. Nous devons réfléchir au type d'investissements que l'on fait dans nos défenses, à leur ambition.
Cela suppose aussi de coordonner avec les industriels ?
— Tous les États n'augmentent pas leurs dépenses en même temps, ou n'ont pas besoin des mêmes armes. Par ailleurs, il faut trouver des moyens de produire vite. L'industrie doit planifier, savoir quelles commandes vont être placées. C'est donc assez compliqué.
La Commission européenne propose l'achat conjoint d'armes et la création d'un Fonds intergouvernemental. Les 27 sont-ils favorables à cette idée ?
— Ce sera sur la table des chefs d'État et de gouvernement les 30 et 31 mai. Actuellement, nous avons le Fonds européen de défense, pour financer la recherche et le développement. Si l'on veut passer à l'étape suivante, c'est-à-dire aux achats, il faut trouver une solution, notamment du point de vue du Traité (3). Nous avons un accord de base, qui est important : nous sommes tous d'accord pour dire que nous devons avoir une politique européenne de sécurité et de défense.
Seriez-vous d'accord pour augmenter le budget du Fonds européen de défense ?
— Tout dépend de ce qui est vraiment nécessaire. Évidemment, nous devons être à la hauteur de nos ambitions.
Quitte à modifier le cadre financier pluriannuel 2021-2027 ?
— En ce qui me concerne, je veux toujours obtenir un résultat. Réouvrir le cadre financier-pluriannuel n'est pas vraiment un moyen rapide d'obtenir des résultats !
Comment choisissez-vous les commandes à passer ? S'agit-il de racheter exactement les mêmes équipements ?
— Nous ne construisons pas les capacités que nous avions autrefois. Nous essayons de construire des équipements qui soient à l'épreuve du futur. Le terrorisme ne disparaît pas, et les menaces en Afrique peuvent s'aggraver, le changement climatique doit être pris en compte, le cyber et l'espace aussi. Il y a donc tellement de faits que nous devons prendre en compte et étudier. Et c'est ce que nous faisons tous : nous construisons notre défense pour l'avenir, ainsi que pour la situation actuelle, les Russes.
(Propos recueillis par Aurélie Pugnet)
Interview réalisée mardi 17 mai, en présentiel, dans les locaux de la Représentation permanente des Pays-Bas à Bruxelles, en anglais. En compagnie d'autres médias, dont Bloomberg, Politico, Financial Times et Süddeutsche Zeitung.
La quatrième tranche de 500 millions € a été approuvée en point A du Conseil des Affaires étrangères du 23 mai.
Le groupe de Ramstein est un format de consultation entre alliés, lancé par les États-Unis le 26 avril 2022, pour coordonner le soutien à la défense de l'Ukraine. Il se tient une fois par mois entre les ministres de la Défense des pays de l'OTAN et d'autres pays partenaires.
Une référence à l'article 41-2 du Traité : « Les dépenses opérationnelles entraînées par la mise en œuvre du présent chapitre sont également à la charge du budget de l'Union, à l'exception des dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense et des cas où le Conseil en décide autrement à l'unanimité. »