Politique UE

[Entretien] La neutralité est un faux concept (Daniel Risch, Liechtenstein)

Daniel Risch à son arrivée au château de Prague peu avant sa rencontre avec B2 (Photo : Conseil de l'UE)

(B2 - exclusif) Le coup d’envoi de la communauté politique européenne donné, B2 a tenu à rencontrer son plus petit invité : le Liechtenstein. Un lilliputien à l'échelle des Grands. Son premier ministre, Daniel Risch, a son franc parler et sa propre vision des choses, et mérite le détour.

Cette première rencontre de la Communauté, vous l'attendiez ? 

— J’étais surtout impatient de voir comment cela allait se passer. Je suis plus qu'heureux que nous ayons eu cette réunion. Parce que lorsque nous étions en tables rondes cette après-midi. Certains autour de la table étaient des membres de l'UE et disaient « Nous en discuterons demain ». J’ai dû les reprendre ! Très bien. Mais tous les pays ne font pas partie de l’Union européenne sur ce continent. Je suis convaincu qu'il était important d'avoir autant de monde réuni ici pour réaliser que l'Europe est beaucoup plus grande que l’Union européenne.

Mais l'Europe c'est l'Union européenne en grande partie ? 

— Justement, je pense que nous ne devons pas penser en termes de nations ni même d'Union européenne. Nous devons penser en terme d'Europe, une communauté où nous partageons des valeurs, une histoire commune et, espérons-le, un avenir commun. Et nous devons rester unis sur ce continent.

... Donc vous reviendrez ?

— Ah oui. J'espère vraiment que ce n'est pas la dernière, parce que je pense que ces discussions informelles, également dans les salles à part, sont tout simplement trop importantes.

Vous avez choisi de participer à la table ronde sur l’énergie et l’économie plutôt que la paix et la sécurité, pourquoi ?

— Nous n'avons pas d’armée. Nous sommes placés entre l’Autriche et la Suisse, tous deux neutres. La sécurité est donc très importante pour nous aussi, la question des réfugiés notamment. Nous avons préféré parler d’économie, parce que dépendons de marchés ouverts.

Avez-vous abouti sur du concret ou c’était juste une discussion politique générale ? 

— La question posée était très spécifique. Il s'agissait de savoir : comment faire baisser les prix ? Comment pouvons-nous travailler ensemble en Europe ? Je pense que c'est cet état d'esprit commun qui est et devrait être au cœur de ces réunions. 

N'avez-vous pas eu l'impression que le processus était dirigé par l’Union européenne ? 

— Pour moi, il n’y a pas eu de problème. Notre groupe était co-présidé par la Grèce et la Suisse - qui ne fait pas partie de l'Union européenne. Il y a dans tous les cas besoin d’une sorte d’organisation, savoir qui accueille.

Le Liechtenstein paraît assez éloigné de la guerre en Ukraine. Ressentez-vous toujours la menace de la guerre sur le pays ? 

— Nous ressentons la guerre d’un côté sur nos industries qui étaient actives en Russie car elles ont dû quitter le pays. D'autre part, nous avons imposé des sanctions, les prix de l’énergie augmentent comme partout ailleurs. On ressent donc vraiment qu’elle a un impact dans le pays. 

Dans l’adoption de sanctions aussi ?

— Pour nous, il était clair dès le début, dès la première seconde, que nous n'étions pas obligés de les reprendre, mais il était clair que nous le devions, surtout en raison de notre forte position financière. C'était simplement la bonne chose à faire. Et il n'y a pas eu besoin de convaincre qui que ce soit. Même si elles ont un impact considérable sur l'économie.

Vous avez mentionné que vous n’avez pas de défense. Vous êtes l'un des très rares pays neutres qui restent…

— En fait, nous ne sommes pas neutres, ni non-alignés. S’il y a un conflit, nous devons prendre position. Nous n'avons pas de principe de neutralité. Et depuis des années nous défendons les droits de l'homme dans notre politique étrangère, et quand vous faites ça, vous ne pouvez pas être neutre. C'est pourquoi, il était clair que le Liechtenstein devait prendre les sanctions, car nous nous opposons et nous condamnons ce que fait la Russie. 

Donc la neutralité est un faux concept, elle n'existe pas...

— En quelque sorte. À mon avis, la neutralité a l’air d’être une bonne idée. Mais c'est en effet un faux concept, car quand on y pense, on ne peut pas être absolument neutre. 

Alors, voulez-vous rejoindre l'OTAN ? 

— À cette heure, le sujet n'est pas sur le fait de vouloir ou pouvoir rejoindre l'OTAN. En même temps, ce n’est nous ne parlions pas avec l’OTAN. L’Alliance fait un travail très important pour la sécurité en Europe, et donc nous apprécions ce qu’elle fait.

(Propos recueillis par Aurélie Pugnet)

Entretien réalisé jeudi (6 octobre) en marge du sommet à Prague, en anglais 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.