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[Entretien] Entre UE et OTAN, le cœur des Suédois balance. Pål Jonson s’explique

(B2 — exclusif) La Suède prend la présidence du Conseil le 1er janvier. À un moment crucial pour l'avenir européen. Entre la guerre en Ukraine, le renforcement de sa défense, la tension en mer Baltique, les engagements en Afrique... les sujets sont nombreux. Rencontre avec le ministre suédois de la Défense qui sera au devant la scène ces six prochains mois.

Pål Jonson est le nouveau ministre de la Défense de Suède depuis octobre (crédit : CUE)

Membre des Modérés (PPE), député au Riksdag depuis octobre 2016, Pål Jonson est ministre de la Défense du gouvernement Kristersson issu des élections d'octobre 2022. Ancien directeur des communications de SOFF, le groupement des industries de défense suédoise de 2013 à 2016, il est aussi l’auteur de plusieurs publications sur le développement de la politique européenne de sécurité et de défense (2005), l'article 5 de l'OTAN (2010), l'OTAN après l'Ukraine ? (2015) (lire : Carnet 20.10.2022).

La Suède veut devenir membre de l'OTAN. Et l'Union européenne développe fortement sa politique de défense. Comment conciliez-vous ce double engagement ? L'une est-elle complémentaire de l'autre ?

— À l'heure actuelle, la chose la plus importante est la sécurité que l'OTAN offre en fournissant une dissuasion nucléaire conventionnelle. C'est essentiel. Selon moi, la défense collective et la planification des forces font partie des tâches de l'OTAN. Mais ensuite, je pense que l'Union européenne peut la compléter sur des menaces hybrides, des cybermenaces, des coopérations industrielles et d'autres moyens. Je pense qu'il y a beaucoup de choses à attendre de cette collaboration entre les deux organisations sur le cyber et les menaces hybrides, l'espace.

Comme priorités de votre présidence du Conseil, vous avez mentionné l'espace, le cyber... Et l'Arctique reste, j'imagine une zone importante pour votre défense ?

— Bien sûr. Selon nous, il y a un lien fort entre l'Arctique et la mer Baltique. Ensemble, elles créent une zone opérationnelle commune (common operational area). Et nous devons renforcer nos propres forces armées dans le Nord. Nous avons d'ailleurs un entraînement transfrontalier très complet avec la Norvège et la Finlande (1).

Mais ce n'est donc pas votre seul point de focus ?

— Nous venons du Nord, certes. Mais nous sommes engagés pour une approche à 360° à la fois dans l'OTAN et dans l'UE. Nous soutenons également nos partenaires et nos futurs alliés dans le Sud. Nous nous sommes engagés militairement avec la France dans la task force Takuba au Mali avec des forces spéciales et en République du Congo [dans l'opération Artémis, NDLR]. C'est très important pour être conscient des différentes menaces et des défis provenant de différentes directions.

Revenons sur votre engagement dans Takuba, il a dû être interrompu (3). Pensez-vous possible de vous réengager au Mali ?

— Nous avons pris des engagements militaires importants pour le Sahel et le Mali depuis plus de dix ans, c'est vrai. En coopération avec d'autres pays de l'UE. Mais, pour l'instant, je ne nous vois pas faire une autre mission terrestre au Mali. D'ici juin de l'année prochaine, nous terminerons d'ailleurs notre déploiement militaire au sein de la MINUSMA [l'opération de maintien de la paix des Nations Unies au Mali, NDLR]. Il y a aussi actuellement des délibérations et discussions au sein de l'UE sur le Sahel et ses besoins.

Et au Sahel ?

— Nous verrons ce qui résulte des délibérations en cours tant sur le Niger (4) que sur le Burkina Faso. Nous avons été présents pendant longtemps. Nous avons pris des responsabilités aux côtés de la France. Mais nous avons aussi, maintenant, des besoins plus proches de chez nous, à cause de la guerre, avec le développement de nos propres forces armées.

(Propos recueillis par Aurélie Pugnet)

Entretien réalisé en anglais, en personne, jeudi (8 décembre), en marge de la conférence annuelle de l'Agence européenne de défense (EDA)

  1. Lire : [Décryptage] Suède. Investir dans la défense est une priorité avec l’entrée dans l’OTAN
  2. Lire : [Verbatim] L’opération des forces spéciales européennes Takuba a pris fin. Modèle unique difficilement reproduisible
  3. Lire : Le Mali rompt son traité de défense avec la France + les accords SOFA. Les soldats de Barkhane et Takuba sans protection (v4)
  4. Lire : [Exclusif] Les Européens mettent au point une nouvelle mission de formation militaire, au Niger. Feu vert bientôt

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