[Entretien] Missions civiles de la PSDC : il est temps d’assumer ! (Alviina Alametsä)
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(B2) Le Parlement européen encourage les États membres à augmenter le niveau d'ambition de la PSDC civile de l'UE. Une contribution à quelques semaines de la présentation d'un nouveau pacte par le Haut représentant de l'UE. Entretien avec la rapporteure, la Finlandaise Alviina Alametsä.
Le rapport d'initiative sur « la mise en œuvre de la PSDC civile et d'autres formes d'assistance de l'UE en matière de sécurité civile » a été adopté avec une forte majorité de 50 voix (1) en commission AFET mercredi 22 mars. Il sera soumis à la plénière de mai (entre le 8 et le 11 mai).
Encartée chez les écologistes, sous l'étiquette de l'Alliance Verte (Vihreä liitto), l'eurodéputée Alviina Alametsa n'est plus une novice sur les questions de sécurité et défense. (cf. encadré)
Ce rapport intervient à un moment où l'on parle davantage de soutien militaire que de soutien non militaire à la sécurité. Est-ce ce qui vous a incité à le rédiger ?
— C'est dans la perspective de l'adoption prochaine du Civilian Compact 2.0, en mai, que la commission SEDE a décidé d'inscrire ce rapport d'initiative à l'ordre du jour de ses travaux. Le groupe politique des Verts/ALE avait déjà plaidé pour que le sujet soit abordé par la commission depuis un certain temps, et ce rapport n'était pas destiné à être une réponse au soutien militaire croissant fourni par l'UE, mais à contribuer à la discussion sur l'avenir de la PSDC civile de l'UE. Cela dit, je pense que si l'UE augmente ses dépenses militaires et son soutien à la sécurité militaire, il est tout aussi important de faire passer le message que l'UE est également fortement engagée dans son soutien à la sécurité non-militaire.
Qu'attendez-vous de ce nouveau pacte civil de la PSDC qui doit être présenté à la mi-mai (2) (pour remplacer celui adopté en 2018) ?
— Le pacte civil actuel a déjà défini de nombreux objectifs, et je reconnais que des progrès ont été accomplis en ce qui concerne nombre d'entre eux depuis 2018. Cependant, il reste encore beaucoup à faire. Le Pacte 2.0 est l'occasion de renouveler ces engagements, ainsi que d'augmenter le niveau d'ambition de la PSDC civile de l'UE. J'espère que les États membres ne manqueront pas cette occasion de renforcer leur réflexion stratégique sur les objectifs qu'ils souhaitent atteindre dans le cadre de la PSDC civile en général.
Le Parlement européen doit se prononcer à la plénière de mai sur votre rapport. N'est-ce pas trop tard ?
— L'adoption du rapport est effectivement prévue dans un calendrier serré, juste avant l'adoption du Pacte 2.0. Mais d'ores et déjà, le projet de rapport et les amendements soumis par les différents groupes politiques ont été bien accueillis et ont permis de dégager des premières pistes de réflexion que je souhaitais mettre en avant.
Votre rapport est critique sur l'efficacité de ces missions. Vous demandez "plus d'objectifs chiffrés" et "des échéances pour toutes les actions". Vous demandez également "la mise en place de missions plus évolutives, adaptables et modulaires et des mandats plus clairs". Quels sont donc les points forts des missions civiles ? Et leurs points faibles ?
— La PSDC civile est un instrument politique unique. Au fil des ans, l'UE a lancé 23 missions civiles, et la diversité de leurs mandats montre que les missions civiles peuvent être flexibles et conçues pour répondre à une situation de conflit ou d'après-conflit d'une manière adaptée à l'objectif visé. Les missions civiles ont été une force stabilisatrice dans de nombreux endroits, comme dans les Balkans, où elles ont contribué à la stabilité de la région. Mais il y a naturellement beaucoup à améliorer. Nombre de ces besoins sont énumérés dans mon rapport : évaluer l'efficacité des missions, placer la sécurité humaine au cœur de la PSDC civile, intégrer l'égalité des sexes dans toutes les missions et leurs mandats, mieux utiliser la prospective basée sur des scénarios dans la prise de décision, etc.
Comment expliquez-vous le manque d'intérêt des États membres pour ces missions (qui se traduit par une faible implication) ? Est-ce la cause ou la conséquence de leurs résultats ?
— La gestion civile des crises n'est probablement pas très bien connue et comprise par le public. Sans "demande populaire", il n'y a pas non plus de pression politique pour que les décideurs en fassent leur priorité. D'autre part, les hommes politiques pourraient avoir plus de mal à justifier le financement de mesures non militaires en faveur de la paix, de la justice et de la résolution des conflits, dont les résultats prennent beaucoup plus de temps à se concrétiser. Les questions militaires sont plus tangibles et plus faciles à vendre au public.
Le rapport ne mentionne pas les pays qui ne participent pas assez. Pourquoi ?
— Les États membres de l'UE savent qui contribue à quoi, il n'était pas nécessaire de le souligner dans mon rapport.
De même, vous ne mentionnez pas les missions, n'est-ce pas dommage pour un rapport qui veut les mettre en avant ?
— Le nombre de missions est mentionné dans le rapport. De plus, le rapport n'a pas essayé de faire des recommandations aux missions individuelles, mais aux politiques globales liées à l'ensemble de la PSDC civile.
Quelles sont celles qui, selon vous, devraient être réinventées ou créées ?
— Mes recommandations concernant l'évaluation de l'efficacité des missions sont au cœur de cette question. Actuellement, nous n'évaluons pas correctement les missions : quel impact ont-elles réellement sur la société qui les entoure ? Atteignent-elles les objectifs qu'elles se sont fixés ? Sans cette évaluation, il est très difficile de donner des réponses définitives, de savoir quelles missions sont adaptées à leur objectif et comment et quand elles doivent être modifiées. J'espère que l'UE prendra bientôt des mesures importantes en ce qui concerne l'évaluation de ses missions.
Vous demandez une augmentation des budgets. Sur quelle base l'avez-vous estimée alors ?
— Le financement global de la PSDC civile a très peu évolué ces dernières années. Cependant, on attend de plus en plus des missions. En outre, le nombre de personnes détachées par les États membres a diminué. Par conséquent, davantage de personnel sous contrat, rémunéré sur le budget de la PESC (c'est-à-dire le budget commun à toutes les missions), est engagé. Cela signifie automatiquement qu'il y a moins de budget opérationnel à la disposition des missions. Il s'agit d'une équation impossible. Si les États membres de l'UE souhaitent disposer d'une PSDC civile efficace, ils doivent être prêts à y investir. Ce n'est pas le budget qui doit guider les décisions politiques, mais l'inverse.
(Emmanuelle Stroesser)
- Le rapport a été adopté avec 50 voix des quatre principaux groupes (PPE, S&D, Renew et Verts). Les groupes ECR (Conservateurs), ID (Nationalistes) et GUE (Gauche radicale) ont voté contre (six voix) et un non-inscrit s'est abstenu.
- Lire [Actualité] Pacte civil PSDC. Des missions plus souples, et limitées dans le temps et notre [Confidentiel] sur la nouvelle doctrine des missions civiles de la PSDC se met en place. Manque une Facilité.
Une trentenaire engagée sur les questions de sécurité et défense
Alviina Alametsa a présidé les travaux au sein de son parti (Vihreä liitto) sur les questions de sécurité et de défense en 2016-2017, avant de devenir entre 2017 et 2018 l'assistante politique de l'actuel ministre finlandais des Affaires étrangères Pekka Haavisto, alors député. Candidate aux Européennes de 2019, elle doit attendre 2020 et le départ des Britanniques pour entrer au Parlement européen, comme une quinzaine d'autres députés. Elle s'est depuis investi dans la sous-commission Sécurité et Défense (SEDE), assumant la coordination pour les Verts. En trois ans à peine, elle a été déjà plusieurs fois shadow rapporteur, notamment sur le rapport annuel PSDC 2022 ou sur les défis en matière de sécurité dans l'Indo-pacifique ou en Arctique. Candidate aux dernières élections législatives du 2 avril en Finlande, elle n'a pas été élue mais est la première candidate de réserve des Verts à Helsinki. Alaviina a dans son bagage universitaire une licence en sciences sociales de l’université d’Helsinki (majeure en politique internationale et mineure en droit international). Bien-être et santé mentale est son autre fil rouge, aussi bien au niveau professionnel que politique.
Entretien réalisé par écrit, avec échange de courriels, en anglais (traduction par nos soins)