[Verbatim] Prométhée Earth Intelligence, une start-up du new space à la croisée des chemins
(B2) Lancée il y a cinq ans, la start-up française doit à présent passer à l’échelle supérieure. Pour boucler une levée de fonds qui prend du retard, elle espère convaincre avec son premier démonstrateur, déjà en orbite. Son PDG, Olivier Piepsz, explique à B2 comment il cherche à séduire sur trois continents.
New space à la croisée des continents
La promesse
Prométhée Earth Intelligence est l’une des nombreuses jeunes entreprises qui entend s’attaquer à un marché spatial toujours plus vaste et diversifié. Elle propose des constellations de satellites d’imagerie en haute résolution, dont le pilotage et l’exploitation sont optimisés par plusieurs outils d’intelligence artificielle (IA). La première, baptisée Japetus, doit réunir 20 satellites. « La promesse de Prométhée, c’est de passer en moyenne à une image toutes les 40 minutes », assure Olivier Piepsz. De quoi améliorer le suivi sur une zone de crise, quand la plupart des systèmes ont un rythme de rafraîchissement plus proche de la journée.
Un satellite made in Lituania
ProtoMéthée, premier élément de Japetus mis en orbite en novembre 2023, a été fabriqué par la petite entreprise lituanienne NanoAvionics, dont le principal actionnaire est le norvégien Kongsberg. Il vise à faire la démonstration des capacités des solutions proposées par l’entreprise française. Les prochains satellites pourront être fabriqués par diverses entreprises. Leurs lancements sont espérés sur un calendrier s’étendant de mi 2026 à début 2028.
Souveraineté pour tous
Prométhée espère convaincre de petits pays de s’associer pour des offres sur mesure. En plus de Japetus, d’autres séries de deux, trois, quatre satellites pourraient être mises en œuvre. Chaque client, selon son besoin, peut ainsi disposer de ses constellations propres ou s’associer à d’autres offres commerciales plus ouvertes. Le tout sans exposition à des composants chinois ou à des gros investisseurs extra-européens. L’entreprise revendique de sérieux prospects en Europe, en Amérique latine et en Afrique.
Piste africaine
C’est sur le continent africain que Prométhée semble trouver les pistes les plus intéressantes. « Il y a 23 agences spatiales en Afrique », observe Olivier Piepsz. « Elles coopèrent avec les Chinois. Mais les Chinois n’apprennent pas à utiliser leurs outils. Moi, je pense que pour maîtriser un satellite, il faut avoir contribué à son développement. » Il espère ainsi que ses interlocuteurs sur ce continent soient plus que de simples clients de prestations, en prenant part au développement du projet. Jeudi 5 juin, l’état-major des armées sénégalaises et l’agence sénégalaise d’études spatiales signaient un mémorandum d’entente pour développer leur coopération. Prométhée est intégré dans ce dispositif, comme conseil.
… et des enjeux financiers
Espoir européen
Créée en 2020, Prométhée Earth Intelligence parvient relativement rapidement à lever près d’une quinzaine de millions d’euros. Elle cherche à se positionner en champion européen et se félicite d’être la seule entreprise française d'imagerie spatiale à contribuer au programme européen de surveillance globale Copernicus, piloté par la Commission européenne. Un contrat de cinq ans d'une valeur de 5 millions d'euros, qui pourrait déboucher par la suite sur des montants plus importants. « Nous sommes l’une des seules solutions européennes à être prêtes », se félicite le dirigeant.
Prométhée n'a, en revanche, pas eu accès aux programmes européens de financement des start-up du spatial, la France ayant choisi de ne pas y participer. « Ces budgets nourrissent bien nos compétiteurs européens et leur donnent des portes d'entrée dans les programmes de l'Agence spatiale européenne (ESA) et de la Commission », regrette Olivier Piepsz. « La position de la France semble changer pour l'année qui vient, ce qui est très bien. »
La France traine la patte
« Aujourd’hui, nous avons besoin d’un sceau, celui de la France ou de l’Europe », plaide Olivier Piepsz. « Il est important que, d’une manière ou d’une autre, la France nous soutienne. » Pour le dirigeant, les hésitations de Paris à signer une commande qui rassurerait d’autres investisseurs devient une vraie préoccupation. Sans un tel parrainage, la poursuite du projet est difficile.
Moment critique
Pour poursuivre l’aventure, Prométhée a besoin de lever une trentaine de millions d’euros d’ici septembre 2025. Puis 50 dans les neuf mois qui suivent. « Nous sommes à un tournant », décrypte Olivier Piepsz. « Nous devons passer à l’étape suivante. Nous avons quelques mois pour réussir le passage à l’échelle. »
(Romain Mielcarek)