V. Poutine à son arrivée salué par D. Trump (Photo : Ria Novosti/Présidence russe)
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[Actualité] En Alaska, entre Trump et Poutine, l’ombre d’un accord. A Kiev de décider. Les Européens évoluent

(B2) Réunis à Anchorage, en Alaska, ce vendredi 15 août, les dirigeants russe et américain élaborent un plan de paix et de sécurité en Europe, notamment sur l'Ukraine. Aucun accord n'a été conclu. Mais de nouveaux jalons sont posés. Avec plusieurs rendez-vous ces prochaines semaines. 

Cette réunion est la première entre un dirigeant américain et un dirigeant russe depuis la rencontre de Genève en juin 2021 entre le Démocrate Joe Biden et Vladimir Poutine. Pour le Républicain Donald Trump, sa dernière rencontre avec le dirigeant russe remonte à juin 2019 en marge du sommet du G20 à Osaka au Japon. Elle a permis aussi d'aborder quelques points annexes (cf. encadré 1). Elle a été suivie d'un débriefing avec le président ukrainien et les dirigeants européens (cf. encadré 2).

Un cérémonial bruyant pour une rencontre 

Avions de chasse et tapis rouge

Le président russe a été accueilli sur la base de Elmendorf-Richardson à Anchorage au pied de son avion avec tapis rouge, et poignée de main, par Donald Trump en personne. Sans fanfare. Mais avec une démonstration de force d'un bombardier B-2 Spirit, escorté de quatre avions de chasse F-35.

Une rencontre de trois heures

La rencontre a été longue : « plus de trois heures », selon les Américains. Elle a été tenue non pas en solo, mais en présence des ministres des Affaires étrangères — l'Américain Marco Rubio et le Russe Sergueï Lavrov (1) — et des conseillers présidentiels — l'envoyé spécial US Steve Witkoff et le conseiller du président russe Yury Ushakov. Après une rencontre préparatoire entre Steve Witkoff et Vladimir Poutine à Moscou le 6 août dernier (lire : [Actualité] Conflit en Ukraine : un accord Trump-Poutine en vue ? v2).

Peu d'informations

La conférence de presse qui a suivi a été (très) courte — moins de dix minutes — et n'a pas fourni de compte rendu complet du contenu des discussions. Le président russe y a été particulièrement prolixe, occupant l'essentiel du temps de parole. Donald Trump a été très peu bavard, préférant réserver son élocution dans une longue interview (30 minutes) au média conservateur Fox News.

Une bonne réunion sans accord complet

Le propos américain a été très elliptique. Se contenant de saluer une « réunion très productive », permettant « d'aborder de nombreuses questions, dont certaines (...) très importantes ». Le principal point était attendu. Les deux hommes « n'ont pas réussi à trouver un accord complet », mais il y a eu « des progrès significatifs aujourd'hui ».

Les deux équipes de négociations réunies (Photo : Présidence Russe)

La revendication russe d'un rééquilibrage européen 

« Nos entretiens se sont déroulés dans une atmosphère constructive et respectueuse, et ont été très approfondis et utiles », a confirmé le président russe saluant ses « excellents contacts directs » avec le président Trump, « en toute franchise ». Mais de rappeler les trois angles d'attaque de la position russe « pour que le règlement ukrainien soit durable ». Premièrement il est « nécessaire d'éliminer toutes les causes profondes de la crise », deuxièmement, il faut « prendre en compte toutes les préoccupations légitimes de la Russie ». Enfin, il faut « rétablir un juste équilibre en matière de sécurité en Europe et dans le monde ». NB : un objectif qui n'est pas fait pour rassurer les Européens.

Des garanties de sécurité pour l'Ukraine ?

Le président Poutine a cependant laissé entendre qu'il « partage l'avis du président Trump, qui en a parlé aujourd'hui, selon lequel la sécurité de l'Ukraine doit bien sûr être assurée. Nous sommes prêts à y travailler. » Et d'ajouter : « espér(er) que Kiev et les capitales européennes percevront tout cela de manière constructive... ».

Les négociations continuent

Au président Zelensky de décider 

« Nous sommes assez proches d'un accord », a tenu à expliquer Donald Trump sur Fox news. « Nous nous sommes mis d'accord sur de nombreux points ». Il reste encore « un ou deux points importants », a-t-il ajouté. Sans vouloir donner davantage de détails (2). Même à sa télévision préférée. Maintenant, « c'est au président Zelensky de mener à bien cette tâche. Je dirais aussi que les pays européens doivent s'impliquer un peu ».

Un conseil : cédez !

Donald Trump a cependant donné « un conseil » à l'Ukrainien : « Concluez un accord ! » Avec un argument réaliste : « la Russie est une très grande puissance, contrairement à eux [NDLR : les Ukrainiens]. Ce sont de grands soldats. Ils ont un excellent équipement. » Les chances d'obtenir un accord sont de « 50 / 50 », a conclu le président américain, avant de rappeler la formule diplomatique selon laquelle « il n'y a pas d'accord tant qu'il n'y a pas d'accord complet ».

La prochaine fois à Moscou ?

Russes et Américains ont promis de se parler à nouveau « très, très bientôt » et peut-être même de se « revoir bientôt ». À Moscou... comme l'a suggéré Vladimir Poutine. En attendant, le président ukrainien devrait être, lundi 18 août, dans l'après-midi, à Washington pour rencontrer le président américain. L'idée d'un sommet trilatéral n'est pas exclue. Elle aura lieu « si tout se passe bien » lors de cet entretien Trump-Zelensky, a estimé l'Américain. Mais les Européens (doivent) « être impliqués dans toutes les étapes », a souligné l'Ukrainien, notamment « pour garantir une sécurité fiable, avec les USA ».

Des Européens informés

Le président américain a rendu compte du sommet avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Puis avec les Européens membres de l'initiative de Berlin (3) samedi 16 août au petit matin. L'entretien a « duré plus d'une heure », selon l'Élysée. Aucune information n'a cependant filtré sur le contenu de cette conversation. Mais les Européens ont publié une déclaration commune rappelant quelques uns de leurs principes (lire : [Actualité] Les cinq principes de négociation selon les Européens. Petit rappel à Donald Trump). Mais pas tous. Ce qui laisse augurer des avancées (cf encadré 2).

(Nicolas Gros-Verheyde)


Pertes sur le terrain, ingérence russe, relations US-Russie et Biélorussie

1000 morts par jour aujourd'hui !

Cette guerre a pour l'instant fait « 567.000 morts, essentiellement des Russes, mais aussi des Ukrainiens », a lâché le président américain dans son interview à Fox News. Réitérant sa volonté d'arrêter un bain de sang qui fait que « près de 7000 personnes meurent chaque semaine », actuellement (4).

La nouvelle vérité américaine

Au passage, Donald Trump a dénoncé vertement « la fausse rumeur d'ingérence russe » dans les élections américaines de 2020. Vladimir Poutine « le comprend très bien, compte tenu de sa carrière. Il sait que tout cela est faux, faux », a-t-il insisté.

Un bond de 20% des échanges bilatéraux ?

De son côté, le président russe a insisté, dans sa conférence de presse, sur la reprise des relations économiques. Avec l'arrivée de la nouvelle administration américaine, « le volume des échanges bilatéraux a commencé à augmenter de 20% ». Cela « reste symbolique », a-t-il reconnu. Mais le partenariat commercial et d'investissement russo-américain présenterait « un énorme potentiel ».

Plusieurs champs de coopération possibles

Parmi les champs de coopération économique possibles, il a cité « le commerce, l'énergie, le numérique, les hautes technologies et l'exploration spatiale » (NB : ce qui sous-entend une levée partielle des sanctions). Au niveau politique, la « coopération dans l'Arctique et la reprise des contacts interrégionaux, notamment entre l'Extrême-Orient et la côte ouest américaine » sont « pertinents », selon lui.

Une reprise de relations avec la Biélorussie ?

On peut noter que Donald Trump s'est entretenu au préalable avec le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, pour évoquer ce sommet américano-russe. Il a promis de le rencontrer, lui aussi, prochainement. Et lui a demandé de « libérer les 1300 prisonniers supplémentaires » après la libération de « 16 prisonniers ».


La position européenne évolue sur le cessez-le-feu

La déclaration publiée à l'issue de la réunion comporte deux évolutions subliminales mais fondamentales.

Un point positif : les garanties de sécurité

L’Ukraine doit bénéficier de « garanties de sécurité inébranlables » pour défendre efficacement sa souveraineté et son intégrité territoriale, soulignent les Européens dans une déclaration commune. Saluant « favorablement » la déclaration du Président Trump selon laquelle « les États-Unis sont prêts à accorder de telles garanties ». La Coalition des volontaires est « prête à jouer un rôle actif », sur ce plan.

Un rappel sur le libre choix et l'intégrité territoriale

« Aucune restriction ne doit être imposée aux forces armées ukrainiennes ni à leur coopération avec des pays tiers. La Russie ne peut avoir de droit de veto sur le chemin de l’Ukraine vers l’Union européenne et l’OTAN », rappellent-ils. C’est à l’Ukraine qu’il appartiendra « de prendre des décisions concernant son territoire », est-il mis en avant.

Un oubli sur la séquence : cessez-le-feu / accord de paix

« Notre soutien à l’Ukraine se poursuivra », réaffirment les Européens « afin de mettre fin aux combats et d’aboutir à une paix juste et durable ». « Tant que les tueries en Ukraine se poursuivront, nous resterons prêts à maintenir la pression sur la Russie », ajoutent-ils en faisant référence aux sanctions et aux mesures économiques. Mais plus aucune référence n'est faite à un cessez-le-feu comme condition préalable à la négociation d'un accord final.

Passer directement à l'accord de paix

« Tous ont convenu que la meilleure façon de mettre fin à la terrible guerre entre la Russie et l'Ukraine était de conclure directement un accord de paix, qui mettrait fin à la guerre, et non un simple accord de cessez-le-feu, souvent inapplicable », a indiqué Donald Trump sur le réseau truth social après son entretien avec les Européens.


  1. L'habit du chef de la diplomatie russe était plus classique, que le sweet-shirt porté à son arrivée à l'hôtel avec l'inscription noir sur blanc du sigle CCCP (URSS).
  2. Les propos de certains commentateurs décrivant cette rencontre comme un échec semblent donc un peu  hâtifs.
  3. ⁠ F. Merz (Allemagne), E. Macron (France), K. Starmer (Royaume-Uni), G. Meloni (Italie), A. Stubb (Finlande), K. Nawrocki (Pologne) + U. von der Leyen (Commission européenne) et M. Rutte (OTAN).
  4. Ce qui confirme un chiffre de 1000 victimes par jour, au maximum, que citent certaines sources militaires françaises et européennes.

Documents :

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Nicolas Gros-Verheyde

Directeur de la rédaction de B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne, auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989. (France-Soir, La Tribune, Arte, Ouest-France, Sud-Ouest)

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