L'envoyé spécial US Steve Witkoff avec le président russe Vladimir Poutine à Moscou (photo : Kremlin)
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[Actualité] Conflit en Ukraine : un accord Trump-Poutine en vue ? (v2)

(B2) Les pourparlers entre Russie et États-Unis sur une pause dans le conflit ukrainien et la reprise des relations stratégiques pourrait franchir un pas notable dans les jours à venir.  Sans les Européens.

Cette rencontre serait la première depuis le début de la guerre russe en Ukraine en février 2022. Le dernier entretien bilatéral entre un président américain et son homologue russe remonte à juin 2021 sous Joe Biden, à Genève (Cf. Carnet 17.06.2021). Son annonce survient à quelques heures de la fin de l'ultimatum donné par le président américain à son homologue russe pour entamer des discussions. (mis à jour) Le lieu et le moment de la rencontre ont été confirmés par D. Trump samedi sur Truth : ce sera le 15 août en territoire américain, en Alaska.

Un accord sur une rencontre

« À la suggestion de la partie américaine, un accord de principe a été conclu pour la tenue d'une rencontre bilatérale au plus haut niveau dans les prochains jours, c'est-à-dire une rencontre entre le président Vladimir Poutine et Donald Trump », a déclaré jeudi 7 août le conseiller diplomatique du président russe, Iouri Ouchakov, selon l'agence de presse russe RIA Novosti.

Des préparatifs en cours

Selon le diplomate russe, les parties ont commencé à travailler sur le sommet. Mais il est difficile de dire combien de jours dureront les préparatifs. Le lieu de la rencontre a été convenu et sera annoncé ultérieurement, a-t-il précisé. Ce serait une question de jours : « la semaine prochaine étant une date butoir ». Le temps que les parties préparent le sommet.

Ukraine et relations US-Russie

Une déclaration qui intervient au lendemain de la rencontre de l'envoyé spécial US, Steve Witkoff, avec le président russe au Kremlin. La cinquième visite du diplomate en Russie depuis le début de l'année. L'entretien a duré plus de trois heures, selon le Kremlin. Et il a porté à la fois sur l'Ukraine — des « signaux » ont été échangés — et les « perspectives de développement de la coopération stratégique » entre Moscou et Washington.

Une rencontre bilatérale et non trilatérale ?

L'envoyé spécial de la Maison blanche, Steve Witkoff, avait évoqué, mercredi, l'idée d'une rencontre trilatérale avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Mais le Kremlin a dit niet. « Nous proposons, avant tout, de nous concentrer sur la préparation d'une rencontre bilatérale avec Trump et nous pensons que l'essentiel est que cette rencontre soit fructueuse et productive », a souligné Ouchakov.

Enthousiasme à Washington

Le président américain Donald Trump avait exprimé son optimisme, mercredi 6 août, estimant qu'il y avait de « bonnes chances » que les deux dirigeants puissent se rencontrer « très bientôt » pour discuter d'une éventuelle fin de la guerre en Ukraine. Il a qualifié les discussions de « très productives » et salué « d'importants progrès », comme le rapporte FoxNews. NB : la déclaration russe confirme ainsi un optimisme trumpien souvent pris en défaut par le Kremlin.

Optimisme modéré à Kiev

Le président Trump s'est entretenu par téléphone avec son homologue ukrainien ,Volodymyr Zelensky, après la rencontre bilatérale à Moscou.

La pression porte ses fruits

Plusieurs « dirigeants européens étaient présents lors de la conférence téléphonique », précise-t-on côté ukrainien. « La Russie semble désormais davantage encline à un cessez-le-feu ; la pression porte ses fruits », a salué Volodymyr Zelensky, dans son message quotidien. « Mais — a-t-il ajouté — l’essentiel est de veiller à ce qu’ils ne trompent personne sur les détails, ni nous, ni les États-Unis ». Deux conditions sont principalement fixées à cette rencontre.

La présence des Européens

Les Ukrainiens ont ainsi proposé que, « dans un avenir proche, nos représentants – ukrainiens et nos partenaires, nos conseillers à la sécurité nationale – tiennent des pourparlers afin de définir notre position, notre position commune et notre vision partagée. C’est très important pour nous, pour l’Ukraine. »

Le respect de l'indépendance de l'Ukraine

Et de préciser ce qui semble une nouvelle ligne rouge : « l'indépendance » de l'Ukraine et « une paix durable et fiable ». « La Russie doit mettre fin à la guerre qu’elle a elle-même déclenchée. » NB : l'intégrité du territoire ukrainien, pourtant élément clé de la position de Kiev (1), n'est pas repris. Ce qui semble une évolution... nette.

L'Europe sur la brèche

Les leaders européens ne semblent pas dans la boucle de la négociation entre Russes et Américains. La porte-parole de la Commission, Arianna Podesta, l'a confirmé ce jeudi, interrogée par les journalistes au point de presse quotidien. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, n'a pas participé à l'appel mais elle a été « longuement débriefée comme d'habitude », par d'autres dirigeants européens qui y ont participé.

La Russie ne veut pas réellement la paix

Sur le fond, l'exécutif européen ne veut pas vraiment prendre position. Pour Annitta Hipper, porte-parole pour les relations extérieures, la position européenne reste inchangée. Premièrement, « personne d'autre ne veut davantage la paix que l'Ukraine et l'UE ». Deuxièmement, il est « clair que la Russie n'est pas intéressée par la paix autrement que par des mots. Nous l'avons constaté dans ses actes ».

Toute pression sur la Russie pour un cessez-le-feu est bienvenue

« Ceci dit nous saluons toute pression sur la Russie, tout travail permettant d'aller vers un cessez-le-feu durable », a-t-elle ajouté. L'Union européenne « continue de soutenir l'Ukraine aussi fort que possible sur le champ de bataille afin qu'elle arrive la plus forte possible à la table de négociation ». Quant à une discussion entre dirigeants européens, « le format est encore en cours de négociation », précise-t-on du côté de la Commission.

« La position de l'Europe est claire. Nous soutenons pleinement l'Ukraine. Nous continuerons à jouer un rôle actif pour garantir une paix juste et durable », a confirmé sur Xtwitter, Ursula von der Leyen, jeudi en début d'après-midi, après un entretien avec le président ukrainien, V. Zelensky.

(Nicolas Gros-Verheyde)


Quelques commentaires : les USA sans les Européens

La volonté d'avoir un accord s'inscrit pour le président américain dans une continuité. Il y met une bonne partie de son énergie. Quitte à oublier quelques principes. Mais il reste plusieurs constantes.

1° L'enjeu n'est pas seulement la fin de la guerre mais le rétablissement d'une "relation stratégique" entre Washington et Moscou

2° Les Ukrainiens ne sont (donc) pas invités et considérés comme une partie accessoire à l'accord. Ils seront tenus au courant.

3° Les Européens, malgré leur bonne volonté, restent (aussi) sur un strapontin. Tout comme les Ukrainiens, ils seront tenus au courant.

4° La notion de concession territoriale est présente et même déjà intégrée dans une partie de la phraséologie de Kiev. Si on en croit les propos de V. Zelensky (cf ci-dessus). Celui-ci privilégie le mot "d'indépendance". Autrement dit le droit pour l'Ukraine de conserver un pouvoir, une armée et des alliances.

5° Reste à connaitre les contours de l'accord. Mais cela sonne comme une certaine victoire pour la Russie. Il faudra aussi veiller aux à-cotés de l'accord, la reprise des relations économiques, par exemple, et donc la diminution de certaines sanctions, ou l'Iran et le nucléaire iranien.

6° Cela pose énormément de questions sur l'avenir et le rôle futur de l'Alliance atlantique. Son 'expansion' (vers l'Est) devrait connaitre un Stop fondamental, signant un certain retour à la politique de blocs.


  1. Dans un discours tenu il y a quelques jours lors du 50e anniversaire de l'acte final d'Helsinki, cet élément était bien présent : « I’m sure the day will come when Ukraine will live in real peace – a time when we will not wake up every night to air-raid sirens, a time when we restore safety and constitutional order in the territories that are currently occupied, a time when Russia will be forced to recognize its real borders », avait indiqué Volodymyr Zelensky.

Mis à jour (9 août) : précisions sur le lieu et date de la réunion + commentaires

Nicolas Gros-Verheyde

Directeur de la rédaction de B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne, auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989. (France-Soir, La Tribune, Arte, Ouest-France, Sud-Ouest)

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