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La réinstallation des migrants venant des camps en Libye bloquée… faute de places d’accueil (HCR)

(B2) L'évacuation des migrants, les plus vulnérables, détenus dans les camps en Libye, se fait au compte-gouttes. Passé le moment d'émotion, le nombre de places réellement ouvertes par les États membres de l'UE, reste réduit.

Le Haut commissariat aux réfugiés au Niger accueille 123 réfugiés évacués de Libye fin février © UNHCR/Louise Donovan

Lors d'une audition commune ce lundi (5 mars) au Parlement européen avec les commissions LIBE (libertés publiques), AFET (affaires étrangères) et la délégation pour le Maghreb, le HCR a poussé un cri d'alarme. Mis à part l'Italie (et un peu la France), seul le Niger accueille directement les 'réinstallés' de Libye. Les capacités de cet état, pauvre, du Sahel sont limitées. Le système est au bord du blocage.

Mécanisme de transit d'urgence efficace...

Pour Karmen Sakhr, chef de l'unité Afrique du nord de l'organisation internationale, depuis la mise en place en novembre, d'un « mécanisme de transit d’urgence pour évacuer » les migrants plus vulnérables, « la plupart des décisions des autorité libyennes de libération de détenus, se basent sur des évacuations de ces personnes ».

... mais ses issues limitées

« Nous essayons d’évacuer et de travailler avec le gouvernement libyen pour évacuer les migrants plus vulnérables mais une fois que nous avons obtenu leur libération des centres de détention, nous avons besoin de solutions, c'est pourquoi nous demandons des voies légales et des quotas de réinstallation » . La réinstallation (de ces migrants) « nécessite davantage de solidarité internationale » estime-t-elle.

En décembre 2017, un appel a été lancé pour avoir 1300 places de réinstallation de migrants (ceux évacués par le mécanisme de transit d’urgence vers la Tunisie) : « 430 (ont été proposées) par des pays européens. Il en faudrait davantage encore si nous voulons procéder à la réinstallation de 5 à 10.000 réfugiés » NB : le nombre de migrants en détention dans des centres contrôlés par l'État est estimé à 5000, mais il y a tous les autres centres, non contrôlés, dont on ne connait ni le nombre, ni leurs capacités.

Le Niger au bord de la saturation

1334 réfugiés et demandeurs d'asile ont été évacués des centres de détention entre novembre 2017 et début mars 2018. Un peu plus d'un millier (1020) d'entre eux ont rejoint le Niger « qui a fait preuve d'hospitalité et de coopération». « Mais 25 seulement ont ensuite physiquement quitté le Niger pour aller en France ». Les « 312 [autres] ont été évacuées vers l'Italie où le gouvernement a pris la responsabilité de protéger ces personnes ».  Le HCR ne s'estime donc pas « en mesure d’évacuer plus vers le Niger tant (qu'il) ne dispose pas de davantage de départs » de ce pays. Ce qui dépend aussi des procédures qui sont « longues ».

Relations avec les garde-côtes libyens 

Le HCR est présent « avec l'OIM (Organisation internationale des migrations), à douze points de débarquement, dont six coordonnés avec l’OIM ». Les migrants (ramenés par les garde-côtes) y sont « renvoyés vers des centres de détention où nous procédons à l'enregistrement des personnes, nous évaluons leur vulnérabilité, et nous intervenons auprès du gouvernement pour faire libérer ceux ayant besoin d'une protection internationale ».

En suspens : l'accès limité à 7 nationalités

Autre problème, « l'accès limité à certaines nationalités : les Soudanais, les Somaliens, les Érythréens, les Éthiopiens, les Syriens, les Irakiens, les Palestiniens ». « Il faut comprendre que la société libyenne n'est pas très favorable à ce système d’asile, largement rejeté par le gouvernement libyen. Donc on a accès à certaines nationalités, comme les Palestiniens, Irakiens ou Syriens, sur la base du principe de la fraternité arabe, traditionnelle » mais pas à toutes les nationalités. « Cela ne veut pas dire que d’autres personnes venant de RD Congo ou de Centrafrique par exemple ne sont pas en situation délicate ». Pour avoir accès à « toutes ces autres nationalités », et négocier un accord, le HCR a besoin « de la pression de la communauté internationale ».

(Emmanuelle Stroesser)

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