Ark Germania
OTAN

[Reportage] Les Alliés partent vers la Norvège tester la mobilité militaire en Europe

(B2 à Fredrikstad) Le grand exercice de l'OTAN 'Trident Juncture' organisé en Norvège fin octobre - début novembre nécessite une armada de véhicules, navires et train. Une bonne occasion pour l'Alliance atlantique de tester sa 'mobilité militaire' et d'évaluer les obstacles possibles dans le cadre d'un exercice en condition réelle

Tanks de la Bundeswehr conduits hors de l'Ark Germania à son arrivée dans le port de Fredrikstad (© Aurélie Pugnet / B2)

L'exercice qui démarre le 25 octobre rassemble 29 pays, à commencer par l'Allemagne et les États-Unis qui fournissent une bonne partie de la logistique. B2 a pu assister au débarquement des troupes et équipements de ses Alliés dans le port de Fredrikstad, en Norvège. 

A l'Est, un peu moins préparés ?

Des infrastructures pas assez résistantes

La création d'infrastructures de qualité est au cœur de la mobilité militaire. Or ce n'est pas le cas sur tout le territoire européen. « Plus on va vers l'Europe de l'est, moins les infrastructures supportent le poids de l'équipement. » « Les Allemands ont de bonnes infrastructures. Ce ne sont pas eux qui posent problème », décrit à B2 le second lieutenant Mark Dryfhout du 39th Transportation Battalion de l'US Army.

Des règles pas harmonisées pour les convois

Pour déplacer des convois à travers l'Europe, le principal défi est « que les États ont des règles différentes pour les convois et ce qui est autorisé, et comment on peut opérer ». Pour un convoi qui dépasse un certain poids on peut avoir deux situations. En Pologne, ce convoi est nécessairement accompagné par la police. En Allemagne, ce n'est pas le cas. Tout cela « crée un défi pour les soldats stationnés aux frontières pour que tout se passe sans problème », continue Mark Dryfhout.

Des drones interdits en Norvège

Outre le déplacement, cela a aussi des conséquences une fois « toutes ces forces multinationales [réunies] dans un pays souverain, où l'on doit obéir aux règles » locales. Exemple, selon le lieutenant-colonel Bill R. Kost de l'US Army : en Norvège, la règlementation civile interdit l'utilisation de drones, également dans le cadre de l'exercice. De même, « on ne peut déplacer les véhicules que douze par douze. C'est la règle. Mais elle varie selon les pays ». NB : La réalité des difficultés de la mobilité militaire doit cependant être relativisée : certains mouvements restent difficiles car ces exercices se déroulent dans une situation en temps de paix. En cas de réelle agression, certains obstacles (notamment administratifs) pourraient être levés.

L'interopérabilité, le vrai défi des armées européennes

Une fois l'équipement débarqué démarrera la seconde phase de l'exercice, avec un enjeu fondamental : l'interopérabilité. « Il y a des problèmes de mobilité militaire, mais aussi d'interopérabilité », souligne le commander Bill Lauste de la marine britannique. Les troupes présentes ensemble sur le terrain « ne travaillent pas nécessairement ensemble, mais on partage quand il s'agit de logistique, équipements » parce que tout le monde n'a pas tout. « C'est là que l'interopérabilité entre en compte. En plus, la technologie évolue tout le temps. C'est l'un de nos gros 'challenges'. Il faut toujours s'adapter. » Pour le général de brigade Ullrich Spannuth, commandant de la brigade VJTF, « c'est une des grandes étapes de la VJTF. On n'est pas ici à un niveau académique, on est au niveau [tactique] dans la manœuvre des troupes, des escadrons, des patrouilles tous ensemble. »

Être prêt au cas où

La menace russe très présente

La perception reste cependant différente entre les Alliés, au moins pour désigner quel est l'ennemi. Pour le général Michael Matz, Senior national representative allemand, « nous ne nous attendons pas à ce qu'une opération de grande taille doive se dérouler » sur le terrain européen contre la Russie. Un autre officier supérieur est plus direct quand B2 l'a interrogé : « Même si on ne le dit pas à voix haute et que l'exercice n'est pas 'dirigé contre un pays en particulier', c'est tout à fait orienté vers la possibilité d'un combat contre la Russie ».

La nécessité de s'entraîner pour les nouvelles générations

Pour les générations actuelles, « c'est un nouveau théâtre », nous confie-t-il. « Les anciennes générations ont vu la Guerre froide, avec l'Allemagne comme ennemie. » Les générations suivantes n'ont pas connu ce terrain européen. « Elles sont allées en Afghanistan. Mais [ce terrain européen] est tout à fait différent. La génération actuelle doit apprendre et s'entrainer sur un nouveau terrain. » Cet exercice est donc pour lui fondamental : « on doit identifier les problèmes, entrainer les troupes à faire face à de nouveaux défis ».

La VJTF opérationnelle en 2019

« Après cet exercice, la force sera entrainée comme il faut et pourra effectuer sa mission avec succès dès 2019 », assure avec aplomb le général Ullrich Spannuth, Commandant de la VJTF. « En somme, la Trident Juncture a un objectif : le stress-test ultime, intense et approfondi de la VJTF 2019 pour être prêts au 1er janvier 2019 ». Un enthousiasme tempéré par un autre officier supérieur : « On ne sera jamais assez prêts. C'est bien d'avoir cet exercice. Mais ce n'est pas un qui va suffire ».

(Aurélie Pugnet)

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