B2 Pro Le quotidien de l'Europe géopolitique

Défense, diplomatie, crises, pouvoirs

Institutions UE

[Portrait] Charles et Jens rempilent. Pour le meilleur et pour le pire !

(B2) Le même jour, le président du Conseil européen et le secrétaire général de l'Alliance atlantique ont vu leurs mandats prolongés. Logique pour l'un, surprise pour le second. Mais un signe aussi très concret d'une unité du moteur euro-atlantique.

Charles Michel pour 2 ans et demi 

(Photo : Conseil européen)

Le président du Conseil européen terminait son mandat de deux ans et demi en juin. Les 27 n'ont cependant pas voulu attendre le dernier moment pour lui renouveler leur confiance. Il a été jeudi soir (24 mars) réélu à l'unanimité à la tête de l'institution, sans grande surprise.

Une formalité exécutée sans débat

Le processus s'est déroulé rapidement et sans obstacle. Charles Michel a quitté la salle. Le temps pour la présidence du Conseil européen, en l'occurrence personnifiée par le Français Emmanuel Macron, de vérifier qu'il y avait bien consensus autour de la table pour sa réélection. Le "vrai" président a ensuite pu revenir dans la salle, élu pour un nouveau mandat de deux ans et demi. Sans ébat, ni débat. « Il n’y a pas vraiment de débat sur sa réélection », ont confirmé plusieurs diplomates européens avant la réunion. Le choix était même si évident que certains avaient presque "oublié" cette formalité.

La tradition respectée

Ce renouvellement s'inscrit dans la tradition acquise depuis la création du poste de président du Conseil européen. Le Belge Herman Van Rompuy et le Polonais Donald Tusk ayant été reconduits de la même façon pour la seconde partie de la période totale de cinq ans. Ne pas le renouveler aurait été un camouflet et un signe clair de désaccord. De plus, il aurait enclenché une vraie crise politique ou l'obligation de redistribuer les postes au sein des autres têtes d'institutions de l'Union (Commission européenne, Haut représentant). De fait, il n'y avait personne autour de la table pour critiquer Charles Michel. Au contraire même.

La méthode Michel plaît

Roué au compromis, sachant être là quand il le faut, s'effacer si nécessaire pour laisser la parole aux Chefs, l'ancien premier ministre libéral belge a imposé une méthode plus en douceur. Une méthode qui plaît à nombre d'États membres à commencer par les plus grands (France, Allemagne, Italie, Espagne ou Pologne) qui ont trouvé en lui un allié précieux pour avancer de façon plus audacieuse dans une Europe plus intégrée. Son attention au sort de tous les pays, même les plus petits (tels Chypre) plaît aussi, car le Belge sait intégrer les voix de chacun dans le débat.

La compétition avec la Commission européenne

Quant à sa rivalité, quasi-permanente, avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, elle n'est pas non plus pour déplaire à certains. Une bonne occasion de montrer, en creux, que ceux qui commandent et orientent l'Union européenne sont les responsables politiques des États membres, le 27, les capitales. Et non l'exécutif européen. 

(OTAN)

Jens Stoltenberg à l'Alliance plutôt qu'à la Banque

De l'autre côté de la ville, à l'Alliance atlantique, on se trouvait dans un autre contexte. Mais le résultat a été similaire.

Le renouvellement prévu d'avance interrompu

Le secrétaire général de l'OTAN devait terminer son mandat fin septembre. Il avait déjà l'assurance de rebondir dans un poste, plutôt prestigieux, celui de gouverneur de la banque centrale de Norvège (Norges Bank). Et surtout plus tranquille que tenter de préserver l'unité entre des pays qui n'ont pas tous les velléités stratégiques. Certains candidats avaient même commencé à avancer leurs cartes pour lui succéder. Britanniques ou Belges notamment, devront attendre un an de plus.

Une prolongation dictée par les circonstances

La guerre menée par la Russie en Ukraine a changé la donne. La règle de ne pas changer un capitaine en cours de tempête a prévalu. L'ancien premier ministre norvégien a été prié, instamment, de faire une année de plus, soit rester jusqu'au 30 septembre 2023. Une décision qui s'amorçait déjà depuis jours. Les conclaves menés au sein de l'Alliance de façon très discrète laissaient apparaître qu'aucun candidat ne paraissait de taille à reprendre le bateau euro-atlantique en plein bras de fer avec Moscou (lire : Qui pour succéder à Jens Stoltenberg à la tête de l’OTAN ? Les dix critères de nomination. Un principe : l’opacité). De façon simultanée à l'annonce du renouvellement, la Banque centrale de Norvège a publié un communiqué indiquant le nom de son remplaçant dans l'institution financière : Ida Wolden Bache, sa compétitrice d'alors.

Pas de changement en période de crise

L'idée est que Jens Stoltenberg continue à représenter l'Alliance militaire rassure aussi nombre d'Alliés. Là aussi, comme à l'Union européenne, le Norvégien n'a pas démérité, imposant un style certes peu charismatique, mais méthodique, presque mécanique. Son style qui ne laisse place à aucune fantaisie, où les phrases sont calculées au millimètre et les adjectifs finement choisis, rassure, finalement. Ses gestes répétitifs — les deux mains droites qui se figent à mi-corps pour se tourner vers l'un ou l'autre — si elles ont pu faire sourire, laissent aussi place à des interprétations. Au-delà de la position interne, ce renouvellement envoie aussi, vers l'extérieur, un message de continuité. Vis-à-vis de Moscou, un Norvégien incarne plus que tout autre le positionnement actuel de l'Alliance : ferme, solide, avec un message clair et solide, mais ouvert à un certain dialogue, du moment que les règles internationales sont respectées.

(Aurélie Pugnet, avec Nicolas Gros-Verheyde)

Documents :

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.