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[Portrait] France. Gouvernement Borne : au revoir Le Drian et Parly, bonjour Lecornu et Colonna

(B2) Deux ministres chevronnés quittent les postes régaliens des Affaires étrangères et des Armées. Pour les remplacer, une diplomate experte de l'Europe au Quai d'Orsay et un inconnu au bataillon. Du moins pour la défense. Tous deux plutôt positionnés au centre-droite. Là où les deux précédents étaient plutôt positionnés au centre-gauche.

  • La composition du gouvernement d'Élisabeth Borne, nommée première ministre lundi (16.05), a été dévoilée comme de coutume sur le perron de l'Elysée, dans l'après-midi de vendredi 20 mai, par le secrétaire général de la présidence, Alexis Kohler.
  • Le gouvernement se veut paritaire : 28 membres (première ministre incluse), 14 femmes, 14 hommes.
  • Le premier conseil des ministres se réunit lundi (23 mai).
(CUE)

Élisabeth Borne, première ministre

Le président Emmanuel Macron l'a nommée lundi (16.05). L'ancienne ministre des gouvernements Philippe et Castex (en charge des Transports, puis de l'Écologie et enfin du Travail) devient à 61 ans la deuxième femme à accéder à Matignon. Près de 31 ans, jour pour jour, après Édith Cresson (15 mai 1991). Haute fonctionnaire, diplômée de l'école des Ponts et Chaussées et de Polytechnique, Élisabeth Borne a servi dans les ministères et des entreprises publiques (RATP, SNCF). Elle sera première ministre au moins jusqu'à la fin de la présidence française de l'UE. Le second tour des législatives (le 19 juin), donnant le là de la composition définitive du gouvernement.

Les nouveaux poids lourds

Aux Affaires étrangères et européennes, Catherine Colonna

C'est la fin d'une époque, celle de Jean-Yves Le Drian, de son regard sombre qui a mené les Affaires étrangères au cours du mandat dernier (et la Défense auparavant durant cinq ans sous François Hollande). Le changement était donc nécessaire (1). Une (autre) Européenne convaincue lui succède. Catherine Colonna est une diplomate expérimentée qui connait bien le quai d'Orsay.

(GOV FR)

L'actuelle ambassadrice de France au Royaume-Uni depuis 2019, a suivi un parcours classique (Sciences Po Paris et l'ENA, promotion Solidarité en 1983). Son premier poste l'emmène à l'ambassade de France aux USA. À son retour en Europe en 1986, elle poursuit une carrière au sein de différents cabinets ministériels à des postes de conseillère sur les questions européennes. Elle se charge du droit européen à la direction des affaires juridiques (de 1986 à 1988) avant de rejoindre le Centre d'analyse et de prévision, où elle est chargée des questions européennes au milieu de l'année 1989 (soit avant la chute du mur de Berlin).

Porte-parole du Quai d'Orsay (1990-1993), puis de la présidence (1995-2004) sous Jacques Chirac, elle avait tracé son sillon, appréciée de la presse nationale pour sa droiture, sa courtoisie et sa connaissance des arcanes du pouvoir comme diplomatique. Elle a ensuite été ministre déléguée aux Affaires européennes de juin 2005 à mai 2007 dans le gouvernement de Villepin. Poste qu'elle a repris suite au rejet du traité constitutionnel européen par referendum. Après un passage dans le privé et le domaine culturel, Catherine Colonna revient à la diplomatie, ambassadrice en Italie (2014-2017), représentante de la France à l'Unesco (2008-2010) et à l'OSCE (2017-2019).

Catherine Colonna est née le 16 avril 1956 à Tours.

À la Défense, Sébastien Lecornu

Secrétaire d'État (à la Transition écologique) et ministre sous le premier quinquennat Macron (en charge des Collectivités territoriales puis des Outre-mer), ce proche du président est inconnu du monde de la défense.

Originaire du Val d'Oise, il milite pour l'UMP (LR) dès l'âge de 16 ans. Il entame en parallèle des études de droit public à l'université Panthéon-Assas, avec une licence, puis un master (qu'il ne terminera pas). Ce qui ne l'empêche pas de devenir assistant parlementaire dès 2005 auprès de Franck Gillard (UMP). C'est dans les couloirs du Palais Bourbon qu'il rencontre l'actuel ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire (alors député) intègre son cabinet au secrétariat d'État des Affaires européennes, comme conseiller chargé des affaires institutionnelles.

(GOV FR)

Par la suite, il continue de s'investir en politique au niveau local sous les couleurs de la droite (UMP puis LR) et suit une carrière dans le privé. Il co-fonde en 2013 une société de conseil en relations publiques et communication.

En sa qualité de gendarme de réserve (au grade de lieutenant), Sébastien Lecornu a dirigé le peloton qui avait intégré Alexandre Benalla lors des manifestations du 1er mai 2018 à Paris. Le chef de la sécurité du président français avait alors usurpé la fonction de policier et frappé un couple de manifestants, provoquant un scandale au moment en juillet 2018.

Ce jeune ministre aura 36 ans le 11 juin prochain.

Les rescapés 

À l'Europe, Clément Beaune promu

Le protégé d'Emmanuel Macron est reconduit à son poste, avec une légère promotion. Il est désormais ministre délégué à l'Europe, auprès de la ministre Catherine Colonna. Et non plus simple secrétaire d'État. Gage d'une présence au Conseil des ministres notamment.

À l'Intérieur, Gérald Darmanin reconduit

Le ministre sortant, nommé à l'Intérieur en juillet 2020, est donc maintenu à la place Beauvau. C'était l'une des "prises" de Emmanuel Macron pour son premier gouvernement, en 2017. Ancien Sarkozyste, il avait alors quitté Les Républicains (LR) pour La République en Marche (LREM) après être devenu ministre de l'Action et des comptes publics. Il fêtera ses 40 ans en octobre prochain. Son portrait

À la Justice, Éric Dupont-Moretti maintenu, malgré tout

Célèbre avocat pénaliste, il remplace Nicole Belloubet comme garde des Sceaux en juillet 2020 dans le gouvernement Philippe II. Éric Dupond-Moretti a endossé la robe d'avocat en 1984. Figure médiatique, on l'associe aux grands noms des affaires pénales françaises. Celui que certains surnomment « acquittator », a commencé sa carrière dans les prud'hommes, puis dans les commissions d'office avant d'enchaîner sur les plaidoiries en pénal. Le ministre a 61 ans. Il est fortement critiqué par les magistrats, pour sa gestion fort personnelle de certains dossiers (cf. la lettre récente des deux principaux syndicats de la magistrature USM et SM).

Les autres noms à relever

La député européenne Chrysoula Zacharopoulou, devient secrétaire d'État chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux (clin d'oeil à la terminologie européenne). Au Parlement européen, elle a été remarquée pour son rapport sur la stratégie UE-Afrique pour la commission DEVE (développement). Née en Grèce, cette gynécologue-chirurgienne s'est beaucoup investie sur la vaccination durant la pandémie de Covid-19, jusqu'à devenir co-présidente de COVAX.

(Emmanuelle Stroesser et Agnès Faure)

  1. Les tensions se sont crispées notamment sur le Mali d'une façon très personnelle. Le ministre ayant été convoqué par le parquet financier de Bamako pour une sombre affaire de favoritisme, impliquant surtout son fils. Au-delà de cet épisode, plutôt animé par des volontés politiques, les relations étaient très aigries au plan personnel. Notre entretien avec le ministre malien des affaires étrangères, Abdoulaye Diop, le prouvait (lire : Le Mali est souverain. Nous avons le droit de faire nos choix de sécurité)

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