(B2) Les Européens ont besoin de remplir leurs stocks d'équipements de défense. L'Agence européenne de défense est devenue le point central pour faire travailler les États membres ensemble explique Jiří Šedivý, son directeur.
L'Agence s'adapte, avec à sa tête Jiri Sedivy (crédit : EDA)
Il semble que dans l'immédiat, la priorité en matière de politique d'armement est que les États membres remplissent leurs stocks, après avoir livré beaucoup de leurs équipements à l'Ukraine pour la soutenir dans la guerre face à la Russie ?
— C'est ce qui ressort de l'analyse des lacunes réalisée par l'Agence et présentée par la Commission européenne en mai. Dans l’immédiat il faut remplir les stocks des États membres. Sur le moyen et long termes, il s’agit d'augmenter la préparation des forces (force readiness), et que les États acquièrent de nouvelles capacités stratégiques. Cette analyse est en accord avec les priorités listées à la fois dans la boussole stratégique, dans la Revue annuelle coordonnée de défense (CARD) dont la mise à jour est prévue pour novembre et le travail sur le Plan de développement des capacités (CDP), dont la révision sera prête pour le printemps.
La guerre en Ukraine va-t-elle impacter la révision des priorités fixées auparavant ?
— Ce qui est important, c'est qu'en plus des processus standard de révision des plans, nous prenions en compte les leçons observées en Ukraine et leur pertinence pour nos priorités. De manière générale, l'attente est qu'à moyen et long termes, les États membres de l'Union européenne se concentrent sur ce qui peut être fait en coopération au niveau de l'UE. S'agissant du développement des capacités, nous devrions garder à l'esprit le besoin en capacités de haute intensité, et pour l'ensemble du spectre des opérations.
Revenons à l'urgence de remplir les stocks. La Commission européenne a proposé un mécanisme pour l'acquisition d'équipements en commun (EDIRPA). Quel rôle joue l'Agence dans ce contexte ?
— Concrètement, nous sommes la plaque tournante (hub) qui regroupe les besoins en matériel militaire identifiés par les États membres, pour les besoins urgents ou à court terme et les achats conjoints. Nous avons commencé par envoyer des demandes d'information aux États membres avant les vacances d'été. Presque tous ont répondu en indiquant les articles qu'ils considèrent comme les plus prometteurs pour cet achat conjoint dans l'immédiat ou à court terme. Et actuellement, nous les rencontrons pour continuer ce travail.
Quelles sont les conclusions de ces discussions ?
— C'est toujours en cours. Je ne peux donc pas donner de réponse. Mais comme nous l'avons indiqué dans l'analyse des lacunes en matière d'investissement dans la défense, l'accent doit être mis sur les munitions, la protection individuelle des soldats et le soutien logistique.
Quelle est la prochaine étape ?
— La nécessité reste de regrouper les États membres autour d'équipements (items) concrets — c'est-à-dire ressortir de nos rencontres une demande consolidée pour chaque équipement (items). Cela suppose deux étapes. À court terme, il faut clarifier les procédures, les paramètres techniques et les exigences concrètes, afin que nous puissions commencer les achats conjoints, discuter avec l'industrie et prendre en compte les questions de chaîne d'approvisionnement et de montée en puissance de la production. À plus long terme, nous pourrions avoir besoin d'autres incitations que le mécanisme d'achat conjoint (EDIRPA), telles que l'exemption de TVA pour l'achat d'équipements de défense en commun.
Vous vous attendez à ce que les États membres passent par l'Agence pour faire leurs achats conjoints ?
— Les États membres décideront de ce qui leur convient le mieux. Selon la proposition, l'acquisition pourrait se faire soit par un groupe ad hoc parmi les États membres intéressés, soit par l'OCCAR, soit par l'Agence. Dans notre base juridique, l'EDA peut servir d'agent d'acquisition. Et nous l'avons déjà fait dans le passé.
Comment vous préparez-vous à ce potentiel nouveau rôle ?
— Ce qui est important pour l'Agence, c'est de savoir être flexible. Et de tenir ses engagements.
(Propos recueillis par Aurélie Pugnet)
Entretien réalisé en face-à-face, vendredi (9 septembre), en anglais, dans les locaux de l'EDA.