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Le Brexit un facteur de plus grande coopération pour l’industrie de l’armement ?

(B2) Le départ du Royaume-Uni et de son industrie d'armement (conséquente) de l'Union européenne est un facteur de grande incertitude sur le développement du secteur et des coopérations intra-européennes. Dans un récent papier, le réseau ARES (qui regroupe plusieurs instituts de recherche européens), analyse les enjeux et possibles conséquences du Brexit sur l'industrie de défense. Résumé et extraits...

Pour les cinq chercheurs (1), « au final », la décision du Brexit renforcerait plutôt qu’elle n’affaiblirait l’intérêt de coopérer dans le domaine de la défense, pour le Royaume-Uni comme pour l’Union européenne. « D’une part, il est probable que le domaine de la défense devienne un élément-clé pour maintenir les liens entre les deux, d’autre part la coopération dans ce domaine doit servir à atténuer le risque que d’autres pays européens ne suivent l’exemple britannique » indiquent-ils en substance.

Le scénario le plus probable ....

Le Royaume-Uni devrait négocier un nouveau statut avec Bruxelles quant à sa relation avec le marché unique ainsi que des modalités d’accès à certains financements européens. La marge de manœuvre disponible pour définir les modalités relatives à la défense dépendra de l’accord politique global trouvé dans les négociations sur le Brexit.

... mais une difficulté à saisir la position de Londres

Il est encore difficile de déterminer précisément quelle est la solution voulue par le gouvernement britannique et ses implications sur la position qu’il tiendra lors des négociations ainsi que pour toutes les questions techniques qui sont en jeu. Il est aussi difficile de déterminer quelles vont être les intentions du Royaume-Uni au cours des discussions dans les mois à venir, d’autant plus que le contexte politique national demeure volatile.

Les enjeux restent nombreux

Les enjeux sont nombreux. Ils comprennent l’impact des négociations sur le développement des capacités de l’Union européenne, sur des entreprises allant de Thales à Airbus et de MBDA à Leonardo, sur des programmes multilatéraux européens, sur les financements communautaires, sur l’Agence européenne de Défense, sur l’application des directives de la Commission européenne, sur l’OCCAr et la LOI et sur l’accès du Royaume-Uni aux fonds de recherche européens après 2020.

L'impact le plus important : le contexte d'un marché européen

La coopération en matière d’acquisition a globalement lieu dans un cadre intergouvernemental et moins de 10% des exportations de défense britannique sont à destination d’autres membres de l’Union. En revanche, une analyse plus précise montre que l’impact institutionnel et réglementaire sur l’UE et le Royaume-Uni ne sera pas négligeable dans son ensemble. En particulier pour le Royaume-Uni, qui devra faire face à un marché international de plus en plus intégré, avec des opportunités de collaboration moindre et un accès réduit aux innovations développées au sein de l’Union européenne. Travailler avec des clients et fournisseurs basés dans l’UE deviendra plus difficile.

Le développement d'une filière européenne pourrait cantonner les Britanniques

Accéder aux fonds de recherche européens, qui commencent à peine à devenir disponibles dans le domaine de la défense, ne sera donc peut-être plus possible pour les entreprises britanniques dans un contexte post-marché unique. A l’inverse, cela sera bénéfique pour leurs concurrentes continentales. La perspective la plus problématique pour les Britanniques serait que la réglementation communautaire prenne un tournant « acheter européen », ce qui favoriserait structurellement les compagnies européennes plutôt que les autres. Un revirement politique aussi brutal est sans doute à exclure mais le développement de la notion d’autonomie stratégique devrait conduire à favoriser le développement de certaines filières industrielles de défense au sein de l’Union européenne.

Peu de conséquences sur les coopérations bilatérales

D’un autre côté, le Brexit devrait avoir peu voire aucune conséquence sur les coopérations bilatérales actuelles entre le Royaume-Uni et d’autres membres de l’Union. En revanche, cela n’est pas le cas pour les coopérations à venir. Le Brexit intervient à un moment où les Etats membres aspirent à se structurer ensemble et durablement dans le domaine de l’armement. Du fait que le RU ait des capacités industrielles et technologiques significatives dans ce domaine, le Brexit n’est donc pas une bonne nouvelle aux yeux des autres Etats membres. Mais le Brexit est indéniablement de plus mauvais augure pour le Royaume-Uni, qui finira exclu du processus.

Un facteur d'incertitude entreprenarial

Pour les multinationales de défense européennes, le choix du Brexit amène plusieurs éléments d’incertitude, qui ne seront probablement pas clarifiés dans les deux années à venir, voire plus. Mais, à court terme en tout cas, les activités industrielles avec les Britanniques ne sont pas condamnées, la plupart devrait même se poursuivre comme si de rien n’était. Naturellement du point de vue d’une multinationale, plus les biens, personnes et propriétés intellectuelles sont faciles à déplacer à travers les frontières, plus il est facile d’être performant et compétitif. De ce fait, le secteur industriel de défense britannique appelle à un « soft Brexit ». Des restrictions nationales sur la circulation des informations existent toujours et si la fluidité des échanges dans le domaine de la défense est encore imparfaite, des progrès devraient être faits dans les années futures. Si le Royaume-Uni demeure en marge d’une telle évolution, il deviendra plus difficile pour les firmes opérant dans le Royaume-Uni de rester concurrentielles.

Se servir de la défense comme d'une monnaie d'échange, un risque

Si le Royaume-Uni décide de se servir du poids de ses contributions européennes en matière de sécurité et de défense comme d’un levier économique lors des négociations, il y a peu de chance que la séparation entre négociations sur le Brexit et la coopération en matière de défense demeure. On risque de voir des disputes et émotions vives liées aux négociations empoisonner l’atmosphère dans laquelle la coopération en matière de défense doit se faire.

Papier réalisé par Olivier de France (IRIS Institut de relations internationales et stratégiques), Bastian Giegerich (IISS International Institute for Strategic Studies), Alessandro Marrone (IAI Istituto Affari Internazionali), Jean-Pierre Maulny (IRIS Institut de relations internationales et stratégiques) et Trevor Taylor (RUSI Royal United Services Institute).

Télécharger l'étude complète : The Impact of Brexit on the European armament industry

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