[Entretien] Atalanta, EUTM Mali, Golfe de Guinée, Barkhane… le Portugal revient en force (João Gomes Cravinho)

(B2 - exclusif) Les Portugais reviennent en force dans les missions européennes en prenant le commandement à EUTM Mali et Atalanta. Et ils viendront également à Barkhane comme nous le confie son ministre de la Défense, João Gomes Cravinho
Un officier portugais prend la tête d'Atalanta, un autre celui d'EUTM Mali, c'est un retour ?
— Nous sommes un petit pays, mais nous avons un fort intérêt à contribuer à la sécurité internationale, à la sécurité européenne... dans la mesure de nos possibilités. Pour nous, c'est donc important de participer, que ce soit aux missions de l'Union européenne, des Nations unies, ou de l'OTAN.
Le Portugal a été relativement absent des missions ces dernières années. Un effet de la crise économique ?
— On peut l'expliquer par cela en effet. Pendant un certain nombre d'années, nous avons été obligés de réduire nos efforts internationaux. Mais dès que nous sommes arrivés à un point où nous pouvions participer internationalement, nous l'avons fait. Car nous sommes un pays très convaincu de contribuer...
Vous vous engagez aussi dans le Golfe de Guinée contre la piraterie. Pourquoi ?
— Bien plus de la moitié des incidents de piraterie cette année a eu lieu dans le Golfe de Guinée. C'est une région où une partie de notre commerce international passe. Il y a beaucoup d'intérêts portugais dans cette région. Nous sommes un pays très proche de la Guinée Bissau, du Cap Vert. C'est donc très naturel pour nous d'avoir cette préoccupation. C'est une préoccupation que nous partageons avec la France. Ce travail engagé avec la France, j'en ai discuté récemment avec Mme Parly, est très important.
... Et vous prenez la tête de la mission EUTM Mali, le Sahel c'est un peu loin du Portugal, malgré une situation critique ?
— Non. C'est important. L'Afrique est importante pour nous tous. C'est le voisinage du voisinage. Vous avez raison de le souligner : la situation est critique. [Les 13 militaires français décédés] est une terrible tragédie. Il faut leur rendre hommage. C'est un souvenir du risque que prennent quotidiennement nos militaires pour que nous puissions vivre en tranquilité. Nous apprécions beaucoup l'effort de la France. Et nous sommes en train d'y participer avec EUTM Mali et avec Barkhane...
Dans le cadre de l'opération Barkhane ou de Takuba (forces spéciales) ?
— Nous aurons une petite participation à l'opération Barkhane, dans l'état-major. Nous pensons aussi à Takuba, avec des officiers ou des forces spéciales. Mais c'est encore un peu tôt pour déterminer exactement ce que nous ferons.
Tout à l'heure, vous avez évoqué la difficulté d'évaluer l'autonomie juridique ?
— Nous sommes parfois paralysés par des discussions irréalistes : faut-il privilégier la défense européenne ou la défense transatlantique ? Lorsqu'on parle d'autonomie stratégique, nous avons surtout besoin de propositions concrètes. Il faut regarder à quoi elle va servir, il faut prévoir des capacités. Il y a nécessité de réfléchir à ce pour quoi l'Europe de la défense veut sa défense, puis de mettre au point un mécanisme à cet effet. Ce processus [de réflexion] doit être inclusif, comprenant tous les États membres, grands comme petits, les entreprises, et prendre en compte l'opinion publique.
Le président Macron a pointé un dilemme politique pour l'Alliance ?
— Nous manquons toujours de dialogue politique au sein de l'OTAN. Et la réunion des leaders à Londres ne va pas être facile. Il y a eu des initiatives pour créer des changements au sein de l'Alliance, et nous devons nous assurer qu'il va y avoir un dialogue politique. Mais il faut se garder de discours machiavéliques, ils ne peuvent que nous mener à la paralysie.
(Propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde)
Entretien en face à face à Bruxelles, le 28 novembre, en marge des journées de l'EDA