AFET Interparliamentary meeting ' EU Foreign Priorities for the Institutional Cycle ' - Exchange of views with Oliver VARHELHI, Commissioner for Neighbourhood and Enlargement
Diplomatie UEPolitique européenne

[Entretien] Rencontre avec un chef d’orchestre de la diplomatie parlementaire (David McAllister)

(B2 - exclusif) L'eurodéputé allemand, de la CDU, président de la commission Affaires étrangères (AFET), est l'une des figures emblématiques de la diplomatie parlementaire européenne. À Bruxelles, il assume un travail de l'ombre, souvent plus visible à l'étranger

David McAllister, à la tribune de la commission AFET, dans les bâtiments bruxellois du Parlement européen (crédit : Parlement européen)

Européen convaincu, amoureux de Strasbourg, David McAllister préside la commission des Affaires étrangères du Parlement européen depuis 2017. L'AFET pour les initiés, est une « prestigieuse commission », l'une du « top 3 » du Parlement avec ses 71 eurodéputés membres, se réjouit son président. Les invités n'hésitent pas à s'y frotter, quitte à se faire rudoyer. Certains souvenirs sont tendus. Mais rien ne doit entraver le dialogue défend McAllister... Si ce ne sont les conditions techniques qui, ces derniers mois, compliquent les échanges et alourdissent le travail parlementaire.

Le Parlement européen, une caisse de résonance au-delà des frontières

La période actuelle, engoncée de gestes barrières, de masques étouffant les mots, de distances éloignant les individus, prête à rêver de ce que l'on aurait fait sans ces contraintes. Quitte à imaginer, David McAllister rêve d'inviter en commission deux pères fondateurs de la construction européenne, Konrad Adenauer et Robert Schuman. « J'aurais adoré », répète-t-il. « Où ont-il trouvé la confiance et le pouvoir de travailler à l'intégration juste après que la plus terrible guerre de l'humanité ait pris fin en Europe ? » Voilà l'une des questions qui le taraude. L'homme politique est surtout un homme féru de l'histoire européenne. Une histoire qu'il contribue aujourd'hui à faire évoluer.

Né en Allemagne, élevé en Europe

Né à Berlin Ouest, de père écossais, de mère allemande, David McAllister incarne un équilibre original. Celui qui ne le connait pas l'imagine volontiers Britannique. L'accent est 'so british', le parler fluide. Il est un peu des deux. Mais sans doute avant tout un Européen. C'est lorsqu'il parle de Strasbourg que son visage s'enflamme. On y « respire l'Europe » mime-t-il en inspirant profondément. Autant dire qu'il bout d'impatience à l'idée de reprendre le train pour rejoindre le siège du Parlement européen de Strasbourg une fois par mois, pour la session plénière, ses votes et débats. C'est là qu'il préfère recevoir des invités de pays étrangers.

Le flegme à fleur de peau

Mais le temps sanitaire est à l'orage, chacun doit rester à l'abri. David McAllister fait comme tout le monde, il fait avec. Les conditions de travail pèsent. Les aléas techniques l'agacent. Cela l'a fait plusieurs fois sortir de ses gonds. Il n'est pourtant « pas du genre à crier ». « Je suis un vieil allemand d'origine britannique ! » sourit-il pour expliquer qu'un coup de colère ne dure jamais... Mais « quand il y a vraiment quelque chose qui ne va pas, j'ai une conversation franche ». Les gens de la Commission européenne et du service européen pour l'action extérieure (SEAE) s'en souviennent peut-être encore. Lorsqu'à force d'échanges en visioconférence interrompus, le président a pesté, exigeant leur présence physique. « Le Berlaymont n'est pas si loin ». Il rassure, « tout va bien depuis ». C'est d'autant plus important que le SEAE et la Commission européenne sont des interlocuteurs privilégiés et quasi quotidiens des membres de la commission AFET, pour les travaux des rapporteurs.

Des moyens (encore) atrophiés

Le plus compliqué à gérer aujourd'hui, c'est l'impossibilité de déplacement. Or, « il n'y a rien de mieux que de visiter un pays pour vraiment le comprendre, étudier comment les conflits régionaux se développent ». Son dernier voyage remonte à février 2020, à la frontière turco-syrienne. Il prévoyait l'an passé d'aller en Éthiopie. Les députés ne peuvent pas non plus mener de missions d'observation électorale. Un autre « grand regret » de David McAllister qui a participé à quatre de ces missions (au Kenya, en Ouganda, en Ukraine, au Pérou). C'est notamment là qu'il a éprouvé à quel point les parlementaires européens sont de « vrais acteurs crédibles ».

Une commission populaire...

Pour David McAllister, l'AFET  jouit d'une réelle « popularité » à l'étranger. La commission des affaires étrangères est « très médiatisée, surtout en dehors de l'Union européenne ». « Un rapport sur les Balkans sera le lendemain au coeur des débats à la télé... ». Cela tient notamment à « la force des débats en très grande majorité publics ». Cela explique aussi son pouvoir d'attractivité auprès d'interlocuteurs internationaux. David McAllister est à l'affût de leurs déplacements à Bruxelles, pour saisir l'occasion de les inviter. Il prend soin de choisir des personnes qui couvrent une « palette large d'interlocuteurs, gouvernementaux mais aussi de la société civile, universitaires et de l'opposition ». C'est la condition pour assurer « un débat complet et inclusif ».

...Et assurément politique 

Si la commission peut avoir du poids, cela tient aussi au fait que « les politiciens aiment parler aux politiciens », glisse-t-il. David McAllister n'a pas d'interdit. Il prend toutefois la précaution de préciser « qu'inviter quelqu'un ne signifie pas que vous partagez son opinion ». Mais il a des exceptions. Il ne faut par exemple pas escompter voir le ministre russe des Affaires étrangères s'asseoir à ses côtés à la tribune de la commission. « Des collègues du Parlement européen sont blacklistés en Russie, c'est donc une question de solidarité », explique-t-il. Pour les mois à venir, les Balkans figurent en haut de son agenda, avec notamment les élections législatives à venir en Albanie (en avril), après celles du Kosovo (en février), et l'adoption des rapports qui ponctuent le travail parlementaire.

Pour une Europe qui s'affirme davantage

Membre de la CDU (l'Union chrétienne-démocrate), le parti de la Chancelière allemande d'Angela Merkel, David McAllister défend une Europe plus unie autour de sa défense. « Nous travaillons depuis des années et des décennies pour renforcer la politique étrangère et de sécurité commune », explique-t-il. Un travail de longue haleine. Mais l'endurance ne l'effraie pas. Ces deux dernières années, il a porté le rapport annuel sur la mise en oeuvre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). L'un des exercices majeurs de cette diplomatie parlementaire (lire : Politique étrangère commune : Chers États membres, mettez-y un peu du vôtre s’il vous plaît).

Un dada : le vote à majorité qualifiée

Dans le rapport 2020, il pousse une fois encore les États membres à adopter le vote à majorité qualifié en matière de politique étrangère. « Il faut aller de l'avant pour ce vote à majorité qualifié, au moins sur certains sujets ». La valse-hésitation de sanctions contre le régime biélorusse de Loukachenko en est le « contre exemple typique ». « Tout le monde était d'accord pour dire qu'il fallait des sanctions », « mais nous ne pouvons pas adopter de sanctions car un pays, Chypre, bloque pour d'autres raisons liés au président turc Erdogan ! ». « Puisque Rome ne s'est pas bâti en un jour, nous devrions commencer, en utilisant l'opportunité que le traité fournit [par l'article 48] », insiste-t-il.

Appliquer le Magnitski act

Le Parlement européen plaidait depuis des années aussi pour un mécanisme de sanctions propre aux violations graves des droits de l'Homme. Sur ce point, « enfin », un Magnitski Act à l'européenne a été récemment adopté. Il presse pour passer vite à la mise en pratique... Mais quant à donner les premiers noms à inscrire dans la liste, David McAllister ne franchit pas le pas, soucieux d'en laisser la responsabilité aux États membres.

Un objectif : une Europe plus unie autour de la défense

David McAllister se dit « fier du soft power » à l'européenne, « mais pour être crédible, l'UE doit développer des qualités de 'hard power' », relance-t-il. Créer une unité de défense européenne pour les prochaines années doit donc être une priorité insiste celui qui rappelle avoir été engagé volontaire dans l'Armée allemande au bataillon blindé 74 fin des années 80. « Nous devons vraiment aller plus loin maintenant, sur la PSDC ».  Il observe que « beaucoup de progrès » ont été faits « depuis que le Royaume-Uni a décidé de quitter l’UE », plus que « toutes les années précédentes », à cause de l'électrochoc du Brexit (qu'il regrette au passage profondément). Mais tout reste à consolider. La PESCO, le fonds européen de défense, la CARD, etc. sont « des petites pierres » posées, mais elles « ne sont pas encore prêtes à fonder la maison de la défense de l'Europe ». Il résume d'une formule : « Nous voulons rester transatlantistes mais nous devons devenir plus Européens ».

(Emmanuelle Stroesser)

Entretien réalisé en vidéoconférence, mercredi 17 février, en anglais.


Le B.A.BA de la commission AFET

« Promouvoir, mettre en œuvre et contrôler la politique étrangère de l'UE », telles sont les missions résumées de la commission AFET, selon son président. Elle compte un certain nombre de femmes et hommes « très expérimentés », « qui ont servi dans leur pays dans différents gouvernements, premier ministre, à la défense ». Ses tâches sont précises, ses tâches sont concrètes : préparation de rapports législatifs concernant les relations de l'UE avec d'autres pays, le budget, l'examen annuel de la PSDC et de la PESC, la supervision du service des missions électorales, les auditions des délégations, d'ambassadeurs, etc. (lire : Les membres de la commission Affaires étrangères (AFET) et Défense (SEDE) et de toutes les autres (V2)). Ses principaux interlocuteurs sont le Haut représentant de l'UE, Josep Borrell, le commissaire européen au voisinage, Oliver Varhelyi. L'AFET abrite deux sous-commissions, la SEDE (sécurité et défense) présidée par la Française Nathalie Loiseau (Renew), et DROI (droits de l'Homme) présidée par la Belge Maria Arena (S&D). L'AFET est responsable « du monde entier », hors Union européenne. Mais un "gentleman agreement" avec la commission DEVE (développement) attribue à cette dernière le leadership sur l'Afrique. Cela explique l'organisation fréquente de commissions conjointes, par exemple pour traiter de l'Afrique subsaharienne.

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