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[Reportage] Eulex Kosovo 3. Une unité médicale parée pour les formations jusqu’aux interventions d’urgence

(B2, à Pristina) La mission de l’État de droit au Kosovo dispose de sa propre unité médicale, prête à intervenir pour son personnel. Mais assure aussi une mission de formation indispensable…

L'équipe du Dr. Cristina Anghelescu (deuxième à droite). Ici seulement une partie de l'unité, qui en temps de Covid, fonctionne par rotation. (crédit : B2/AP)

Non loin du quartier général de EULEX Kosovo, à quelques kilomètres, se trouve la « ferme au poulets ». Chicken farm c'est l'autre nom du support compound de la mission pour l'état de droit. Au milieu d'immenses parking emplis de 4x4 estampillés de drapeaux européens, se trouvent les bureaux de support informatique, la logistique et toute l’unité médicale.

Une autre surprise se niche à l’intérieur du bâtiment d'apparence banal : un hôpital miniature. Une réception, une salle d’attente, des chambres, un laboratoire, une pharmacie, du matériel en cas de catastrophe massive, des ambulances… Tout y est (ou presque). Seules quelques spécialités manquent, comme la gynécologie. Tout le personnel de la mission européenne a le droit de s’y rendre pour ses consultations. Les membres de leurs familles sont également les bienvenus, mais, eux, doivent payer. En plus, EULEX a des contrats avec différentes ambassades à Pristina, ainsi que les bureaux européens.

Des formations premier secours

Outre les soins, l'Unité médicale a une forte activité de formation, avec six de ses 10 membres. L'unité forme notamment aux gestes de premier secours (basic life support) les personnels de la mission ainsi que des personnels de différentes ambassades de pays membres de l’Union européenne présentes à Pristina, le Bureau de l'UE, et du Représentant spécial de l'UE. Avant que la pandémie de Covid-19 ne touche le Kosovo, tous les membres du personnel y passaient — plusieurs sessions par mois étaient organisées.

Jusqu'à l'entraînement aux cas d'urgence

Une partie du personnel ne s’arrête pas à ces « bases ». La formation pousse jusqu’au soutien médical tactique (tactical medical support). Le but est d’entrainer les personnels d'EULEX à faire face à des problèmes médicaux sur le champs de bataille. Parmi les bénéficiaires on compte la close protection unit (protection rapprochée) de personnels de EULEX (chef de mission, chef de mission adjoint en remplacement du chef). Mais surtout, les forces de la Formed police unit (FPU), stationnées à la frontière avec le nords du Kosovo, à Mitrovica (1) (lire : [Eulex Kosovo 2] Une mission de police à volets multiples).

La Formed police unit, composée principalement de policiers anti-émeutes venus de Pologne, doit se confronter à un entraînement intense dans le cadre d’une « situation réaliste », qui leur apprend à « réagir facilement et rapidement » face à des problèmes réels du terrain, explique Dr. Cristina Anghelescu, la cheffe de l’Unité médicale. Comme de se retrouver face à un membre amputé. « Une fois que vous en avez vu un lors de l’entraînement, ce sera moins effrayant une fois dans la vraie vie », explique-t-elle. De cette manière, l’entraînement s’attache autant « aux compétences médicales que psychologiques pour apprendre à approcher le problème ».

Bricolages à vifs

Alors, pour préparer les policiers au mieux, les formateurs passent du temps à préparer des mannequins, taille réelle, avec différentes blessures : un os cassé et visible, une blessure par balle, une hémorragie, un visage brûlé… L'équipe ne lésine pas sur les détails qui rendent les situations plus vraies que nature, jusqu’au faux sang frais qui luit sur la peau caoutchouteuse du mannequin et à la branche logée dans la jambe du soldat. Parce que l'on apprend alors qu'il ne faut pas tirer sur la branche, mais sécuriser la plaie avec ses mains. Dans le cas d’une blessure par balle par exemple, l’Unité médicale branche une poche de faux sang à la blessure pour simuler une hémorragie. Pour la stopper, il faut mettre les doigts — vous sentez une paroi visqueuse ressemblant à l’intérieur de votre cuisse, avec les os — et remplir de compresses.

Trois jours intenses

Pour apprendre tout cela, les policiers de la FPU ont trois jours. Un premier pour la théorie, c’est-à-dire apprendre à reconnaître chaque zone, les comportements appropriés à entreprendre. Suivi de deux jours en « situation réelle ». Sur le terrain, être capable de s’occuper d’une victime signifie arrêter l’hémorragie en dix minutes, organiser une prise en charge par l’unité médicale sous une heure et vers l’hôpital en deux heures, explique Dr. Cristina Anghelescu.

Des formations aussi en prison

Les formations ne s’arrêtent pas aux policiers. Au cours des deux dernières années, le personnel d’EULEX a fait le tour des prisons kosovares, chaque semaine, épaulé de ses mannequins, pour enseigner les gestes de premiers secours (basic life support) au personnel pénitentiaire. C’est un incident grave, ayant coûté la vie à un détenu, qui a créé ce besoin. Dr. Cristina Anghelescu, raconte : « un détenu est décédé à 26 ans, asphyxié par la présence d’un petit objet — probablement une bouteille miniature. Il aurait été facile de s’en occuper. Mais ils n’ont compris la cause du problème qu’une fois à l’hôpital, une heure après sa mort », regrette t-elle. Au total, à ce jour, 552 sur 800 agents correctionnels ont été formés.

Différents mannequins permettent à l'unité médicale de faire des formations

Ou bien sûr à distance, faute de mieux

En février de cette année, l’Unité médicale a réalisé son premier cours en ligne — Covid-19 oblige. C’était avec le département d’immunisation de l’Institut de santé publique du Kosovo (NIPHK). Un groupe de 47 personnes a suivi un cours sur les gestes de premiers secours. « Le but ultime est de former environ 600 agents de santé locaux participant à la campagne de vaccination COVID-19 », précise Dr. Cristina Anghelescu. Étant donné la situation, les élèves n’ont pas pu faire de pratique. Le personnel de EULEX montrait les mouvements et gestes à effectuer à la caméra et demandait aux élèves de répéter. Ils n’ont donc pas pu recevoir de certificat. Mais cela reste une façon comme une autre d’apprendre à sauver des vies en temps de pandémie.

(Aurélie Pugnet, envoyée spéciale à Pristina)


Évacuations sanitaires par ambulance

Si jamais une situation dégénère, EULEX est parée à mettre en place une évacuation médicale (medevac) par la route (ambulance), depuis Pristina. La 'medevac' par les airs est, elle, assurée par la force de l’OTAN, la KFOR.

Le personnel d’EULEX n’est pas le seul à pouvoir en bénéficier. La liste est longue. On retrouve : le personnel du Bureau de l'UE et du représentant spécial de l'Union européenne, les Nations unies (MINUK et PNUD), l'OSCE (organisation pour la sécurité et coopération en Europe) et le personnel des représentations diplomatiques des États membres de l'UE au Kosovo, ainsi que de la Norvège, de la Suisse et des États-Unis. Ils sont cependant des « clients » de EULEX, qu’ils paient pour ce service.

EULEX a également des accords pour l'admission et le traitement des patients souffrant de maladies graves avec différents hôpitaux de niveau 3-4 des pays voisins, où elle peut emmener les patients : Thessalonique (Grèce), Belgrade (Serbie), Tirana (Albanie), Skopje (Macédoine du Nord). Dans le contexte des restrictions de voyage imposées par la pandémie Covid-19, EULEX « a convenu de la mise en place d'un couloir diplomatique pour l'évacuation sanitaire terrestre » avec la Macédoine du Nord et avec la Grèce, précise Dr. Cristina Anghelescu.

EULEX a ses propres ambulances pour réaliser les évacuations médicales

Photos : B2-Aurélie Pugnet

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