Industrie de défense

[Entretien] Concentration, rythme pluriannuel, synergies. Les clés pour réussir le Fonds européen de défense (Jean Pie, ASD)

Jan Pie (ASD)

(B2 - exclusif) Le secrétaire général des industriels de défense et de l'aérospace (ASD Europe) tient à souligner combien il est important de ne pas louper l'étape de la mise en œuvre du fonds européen de défense (FEDef). Avec quelques points clés : la concentration, le rythme pluriannuel et les synergies civil-défense

Les législateurs n'ont pas réussi à créer un fonds ambitieux. C'est dommage ?

— Bien sûr, nous aurions préféré que les États membres suivent la proposition de la Commission européenne avec le budget prévu de 13 milliards d'€, plutôt que de le réduire à 8 milliards. Mais cessons de nous plaindre, regardons l'effet positif. Nous avons une augmentation remarquable par rapport à la période budgétaire précédente. L'important, c'est de faire en sorte que le Fonds produise des capacités qui comptent pour nos armées et renforcent la base technologique européenne.

Le fonds pourra-t-il vraiment faire la différence ?

— Oui. Mobiliser le budget de l'UE pour soutenir des projets de défense en collaboration entre différents partenaires, cela peut faire une réelle différence. [Mais] si le budget du FEDef n'est pas négligeable, il est limité malgré tout. Nous ne pouvons, nous ne pourrons pas tout faire. Nous devons donc nous concentrer sur les choses qui comptent vraiment, en termes de capacités militaires comme de souveraineté technologique. Ce sera le principal défi : utiliser le fonds de manière stratégique.

Quel sont les défis, les dangers qui menacent le fonds ?

— Le plus grand danger serait de perdre cette concentration et de ne pas parvenir à produire de résultats tangibles avant le début des discussions sur le prochain cadre budgétaire annuel. C'est l'enjeu essentiel : réussir la mise en œuvre de ce Fonds dans le cycle budgétaire actuel. C'est primordial si on veut obtenir un budget plus élevé dans le cycle budgétaire suivant. Pour nous, il est important aussi que les programmes de travail annuels suivent une planification stratégique pluriannuelle, à plus long terme, et d'avoir une réelle cohérence entre les projets de recherche et les projets de développement. Enfin, il est de la plus haute importance d'exploiter toutes les synergies possibles entre la défense et les technologies civiles.

Dans quels domaines, l'Europe devrait-elle donc agir en priorité selon vous ?

— Il faut devenir plus résilient et être moins dépendant dans des secteurs stratégiques clés. L'Europe doit maîtriser les nouvelles technologies numériques et autres technologies émergentes comme le cloud sécurisé, l'intelligence artificielle ou l'informatique quantique. C'est nécessaire si nous voulons rester technologiquement et économiquement compétitifs, mais aussi capables de développer les capacités de défense et de sécurité nécessaires pour protéger ses citoyens. C'est tout l'enjeu du débat sur la souveraineté technologique et de l'autonomie stratégique.

(Propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde)

* Diplômé de la School of Economics de Stockholm, Jan Pie a notamment été secrétaire général de l'association de l'industrie de défense et de sécurité suédoise (2010-2013) avant de prendre un poste similaire à l'ASD Europe

Entretien réalisé sous forme d'un échange de questions écrites en anglais, traduit en français par nos soins

Nicolas Gros-Verheyde

Directeur de la rédaction de B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne, auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989. (France-Soir, La Tribune, Arte, Ouest-France, Sud-Ouest)

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