(B2 à Luxembourg) Hong-Kong, Israël-Palestine, accords de Cotonou... La Hongrie a, à plusieurs reprises, mis son veto à l'adoption d'une position commune européenne en matière de politique étrangère. Son ministre des Affaires étrangères s'explique
La Hongrie n'est-elle pas devenue le nouveau Mister No de la politique étrangère européenne ?
— Non, c'est faux. Si vous comptez le nombre réel de fois où nous avons dit 'Non', et que vous le rapportez au nombre de décisions prises en matière de politique étrangère, il y a très, très peu de cas où nous sommes vraiment en désaccord.
Pourquoi avez-vous dit 'Non' aux conclusions sur la Chine et Hong Kong en mai dernier ?
— Le Conseil a déjà adopté huit conclusions sur la Chine en tout. Et aucune d'entre elles n'a rien changé. Rien. Si vous continuez à adopter des conclusions qui n'ont absolument aucun effet, vous ridiculisez la politique étrangère de l'Union européenne. Nous devons absolument éviter cela. Nous avons eu huit occasions qui n'ont pas été fructueuses, je ne vois pas comment une neuvième tentative pourrait faire mieux.
Vous avez aussi refusé de vous rallier à la position commune sur les récents développements dans le conflit entre Israël et Palestine ?
— J'ai été très déçu que nous ne puissions pas mettre clairement dans le texte qu'Israël a été attaqué par une organisation terroriste. Si nous sommes incapables de dire cela, je ne vois pas comment nous pouvons avancer. D'un autre côté, mettre au même niveau une organisation terroriste, à savoir le Hamas, et l'État d'Israël est impossible pour nous. C'est pour cela que nous n'avons pas pu signer la déclaration, et nous l'avons fait savoir de manière très claire. Nous avons discuté, essayé de convaincre nos amis européens, mais ils ont refusé. Or, si les traités nous disent d'être unanimes, de tous aller vers un compromis, je pense que tout le monde devrait se sentir obligé de travailler en ce sens.
... cette déclaration n'était pas équilibrée ?
— Absolument pas. Elle était très déséquilibrée.
Mais vous êtes toujours en faveur d'une solution à deux États entre Israël et la Palestine ?
— Oui bien sûr, évidemment. Je respectais beaucoup les efforts du président américain Donald Trump, et il a eu beaucoup de succès avec les accords d'Abraham [signés en 2020 sous l'égide des États-Unis et qui normalisent les relations entre Israël, les Émirats arabes unis et le Bahreïn Ndlr]. Selon moi, ces accords représentent la première étape réalisée, vers un progrès, depuis plusieurs décennies. Je pense qu'il faut avoir beaucoup de respect, y compris envers le président Trump, le premier ministre Netanyahou, ainsi que les dirigeants des pays arabes, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc, le Soudan, qui ont normalisé leurs relations avec Israël.
Vous avez aussi mis un veto sur l'accord post Cotonou...
— Concernant l'accord de coopération post Cotonou [signé entre l'UE et les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique], nous nous en tenons à la décision que nous avions prise, à savoir que c'est un accord mixte. C'est-à-dire que certaines parties relèvent de compétences partagées mais d'autres relèvent de compétences nationales. J'ai été très clair à plusieurs reprises sur le fait que nous ne soutiendrons jamais un accord qui encouragerait davantage les migrations vers l'Europe. Alors qu'aujourd'hui des centaines de milliers d'Européens ont perdu leur emploi, la rhétorique libérale habituelle sur les migrations ne tient plus. Enfin, de nouvelles vagues de migrations auraient des conséquences sanitaires car plus il y aura de monde sur les routes migratoires, plus vite le virus du Covid-19 circulera. Nous devons être très prudents sur ce sujet et voir le texte final.
Ne faudrait-il pas changer la règle de vote, passer à la majorité qualifiée, comme le soutiennent certains États membres, qui veulent abandonner l'unanimité ?
— Nous nous en tenons à la règle européenne selon laquelle les décisions en matière de politique étrangère doivent être adoptées à l'unanimité. Tant que c'est la règle en vigueur, nous devons nous y tenir. Je ne veux pas changer la règle.
(Propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde)
Entretien réalisé en anglais, en face à face à Luxembourg, lundi 21 juin, en marge du Conseil des Affaires étrangères
Directeur de la rédaction de B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne, auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989. (France-Soir, La Tribune, Arte, Ouest-France, Sud-Ouest)