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Garanties de sécurité. La Finlande s’attend à ce que les 27 répondent si elle active l’article 42-7 (Pekka Haavisto)

(B2 — exclusif) À quelques heures de la publication de l'analyse sur la sécurité de la Finlande qui poussera peut-être le pays à demander son adhésion à l'OTAN, B2 a rencontré son ministre des Affaires étrangères, Pekka Haavisto. Il est confiant : la solidarité européenne sera à l'ordre du jour si la Finlande venait à la demander.

(Photo : Conseil de l'UE)

Votre ministère rend son analyse de la sécurité de la Finlande au Parlement demain, mercredi. Que faut-il en attendre ?

— Nous allons envoyer, ce mercredi, une analyse (White paper) consacrée à la sécurité générale, aux changements de l'environnement sécuritaire de la Finlande [après qu'elle ait été approuvée en Conseil des ministres mardi (1)]. Mardi prochain, immédiatement après Pâques, le Parlement tiendra un premier débat, puis le rapport sera transmis à la commission des Affaires étrangères. Cette commission prendra bien quelques semaines, je suppose. Si elle arrive à la conclusion que l'adhésion à l'OTAN est quelque chose de favorable, alors au ministère, nous préparerons un second rapport, sur l'adhésion cette fois-ci.

Cette deuxième analyse sur l'adhésion serait donc publiée avant le sommet de l'OTAN ?

— Je suppose. Ce serait logique. Mais tout est entre les mains du Parlement.

Êtes-vous confiant dans le fait que l'article 42-7 du traité de l'UE, la clause d'assistance mutuelle européenne, le pendant de l'article 5 de l'OTAN, puisse agir comme une garantie de sécurité pour la Finlande ?

— L'Ukraine a obtenu un tel soutien, une telle aide militaire lorsque la Russie l'a attaquée alors qu'elle n'est pas membre de l'Union européenne, que cela nous rend confiant sur le fait que si n'importe quel pays européen devait être attaqué, alors la solidarité européenne serait forte. Lorsqu'il y a eu l'immigration organisée contre la Pologne, nous avons également très bien uni nos rangs pour soutenir la Pologne et la Lettonie.

Y compris avant qu'une potentielle adhésion à l'OTAN soit effective ?

— Évidemment, nous avons d'ailleurs soulevé la question avec les États membres de l'UE qui font partie de l'OTAN, mais aussi avec des pays en dehors de l'UE, comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Car si nous sommes candidats, il faudra peut-être quatre mois à un an avant que les Alliés approuvent l'adhésion. Il y aura donc un security gap et un problème de sécurité pour la Finlande. Je pense que les pays membres de l'OTAN le comprennent très bien. Ce serait une humiliation pour l'OTAN, si un ou plusieurs pays qui demandent l'adhésion se voyaient attaqués immédiatement. Et je pense que c'est quelque chose que les membres de l'OTAN devraient sérieusement envisager. Mais bien sûr, nous n'en sommes pas encore là.

Vous vous préparez donc à combler ce gap sécuritaire, si jamais la Russie attaquait ?

— Nous devons nous y préparer. C'est une question que nous soulevons, bien sûr. Les États ont leurs limites, ils ne peuvent pas facilement activer les garanties de type article 5 de l'OTAN, qui peuvent nécessiter des processus parlementaires. Nous avons donc organisé des formations militaires et autres, avec de nombreux pays, comme le Royaume-Uni, la Joint Expeditionary Force, les pays nordiques, etc. Il y a donc probablement des moyens d'accroître notre sécurité.

Concrètement, de quels moyens s'agit-il ?

— Ça pourrait être à travers des formations, ou au travers de garanties, en particulier des garanties de livraison d'équipement militaire si nous étions confrontés à des problèmes de sécurité.

Est-ce un sujet que vous avez également soulevé au Conseil de l'UE, ne serait-ce que de manière informelle ?

— Ce sujet n'a pas été soulevé au Conseil de l'UE dans ce sens, parce que c'est plutôt un sujet bilatéral, et avec les États membres de l'OTAN et bien sûr, l'Union européenne, mais tous les États de l'UE ne sont pas membres de l'OTAN. Au niveau européen, il y a donc l'article 42-7, et la Finlande et la France ont toujours fait partie de ses grands défenseurs. La Finlande a soutenu la France lorsqu'elle a été attaquée (1). Donc nous nous attendons à ce que cet article fonctionne de la même manière, si la Finlande était attaquée à son tour.

Vous avez eu une rencontre avec vos collègues du Danemark et la Suède lundi, était-ce sur ce sujet ?

— Il y a un débat en Suède aussi, même s'il est un peu différent. Au Danemark, le sujet est celui de l'abandon de l'opt-out sur les questions de défense européenne... Nous avons tous les trois, en fait, des processus de sécurité en cours ! C'est très soudain ! Le débat au Danemark est important. Car si le Danemark change sa position [et décide d'entrer dans la politique de sécurité et défense commune], cela créera de nouvelles opportunités pour travailler sur le concept du 42-7 entre nous.

Vous voulez dire dans le cadre d'une... Alliance nordique ?

— Oui, dans le cadre d'une alliance nordique. Si nous participons tous à la planification de la défense de l'Union européenne dans le cadre du 42-7, je pense que nous serons plus forts. Si nous sommes tous les trois membres de l'OTAN, nous serons encore plus forts !

(Propos recueillis par Aurélie Pugnet, à Luxembourg)

  1. L'analyse a été finalisée mardi 12 avril (communiqué)
  2. La France a activé la clause de solidarité de l'article 42-7 suite aux attaques terroristes du 13 novembre 2015. C'est à ce jour la première et seule fois que cet article a été déclenché. (Lire : La clause de défense mutuelle activée. Les alliés se mobilisent. Une première historique)

Entretien réalisé lundi 11 avril, à la fin du Conseil des Affaires étrangères, en face à face, en anglais

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