(B2) Pour les sénateurs Jean-Marie Bockel et Christine Prunaud, il est temps d'agir et de remettre de l'argent dans le service de santé des armées particulièrement éprouvé par les coupes budgétaires et diverses restructurations, et en première ligne dans l'engagement des armées françaises
L'intervention du personnel de santé durant la crise du Covid-19 est saluée par le Sénat. Une prouesse, disent-ils (crédit : DICOD)
Sénateur du Haut-Rhin, ancien maire de Mulhouse ville particulièrement touchée par la crise du coronavirus, Jean-Marie Bockel (UDI/Union centriste) est le co-rapporteur du programme 178 de la loi de finances (préparation et emploi des forces armées). Son alter-ego, Christine Prunaud est sénatrice des Côtes-d'Armor et élue municipale de Lamballe. Leur rapport a été adopté par la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat le 10 juin dernier.
Une tenaille mortifère
Pris en tenaille entre la diminution de ses moyens et l’augmentation de ses missions, le service de santé des armées est aujourd’hui « dans une situation critique ». « Le modèle est à bout de souffle » dénoncent les sénateurs dans un rapport qui vient d'être publié. « Il manque 100 médecins ». Et le service ne « tourne aujourd’hui que grâce à ses 3000 réservistes ».
Une tenaille mortifère
« Éternel sacrifié », le service de santé des armées (SSA) a subi de plein fouet d’abord la révision générale des politiques publiques (= RGPP), puis les réductions de personnel (ce qu'on appelle les 'déflations') des précédentes lois de programmation militaires (LPM). Il a perdu 1600 postes en 5 ans, passant de 15.827 personnels en 2015 à 14.756 personnels en 2019. Quant à la fermeture assumée de l’hôpital du Val-de-Grâce, elle « a été un véritable traumatisme ».
Une restructuration hospitalière
Le modèle SSA 2020 prévoyait en effet de recentrer le service sur la mission opérationnelle, la 'médecine des forces', en concentrant les équipes sur quelques structures (cf. encadré) et fermeture des autres. Une restructuration assez similaire à celle engagée dans le civil, avec concentration des moyens, synergies et/ou fermeture d'établissements. Cette réforme avait une justification, selon le plan du ministère de la Défense. Le SSA n'a plus aujourd'hui à prendre en charge, de la même façon que lors de sa création, la communauté de la défense située en métropole, qui trouve « désormais dans le secteur public hospitalier une offre de soins satisfaisante », selon le rapport. De la même façon, la disparition des appelés du contingent et la réorganisation des bases de défense ont réduit le besoin d'implantation nationale du SSA.
Un déploiement en mission intense
Avec ces « moyens éreintés », le service de santé a dû accompagner l’engagement intense en opérations des armées françaises (accentué à partir de 2013 par l’engagement au Sahel), puis, à partir de 2015, la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT), conséquence des attentats sur le territoire national (opération Sentinelle). Tout cela a conduit à un « effet de ciseaux » entre la diminution des moyens et l’intensité des missions a mis le SSA sous très forte tension, pesant sur des personnels, sur-engagés. Le taux de projection des équipes médicales est de 106 %, malgré l’apport des réservistes, et de 200 % pour les équipes chirurgicales.
Le révélateur de la crise du Covid-19
Le SSA a fourni « une contribution significative » à l’opération 'Résilience', en mobilisant toutes ses composantes, en inventant un hôpital de réanimation de campagne à Mulhouse puis Mayotte [et en] mettant en œuvre un « service de réanimation volant » (Morphée)
Un plan de remontée en puissance nécessaire
Les sénateurs estiment qu’un « plan de remontée en puissance du SSA » doit être mis en place lors de l’actualisation de la loi de programmation militaire, en 2021. Une occasion aussi « de mieux prendre en compte le risque pandémique ».
(NGV)
Huit hôpitaux d'instruction
Les hôpitaux d’instruction des armées (HIA) ont été réduits à huit.
Quatre restent strictement militaires : les hôpitaux Percy et Bégin (en région parisienne), l'hôpital Sainte-Anne (à Toulon) et Laveran (à Marseille).
Quatre établissements fonctionnent en partenariat civil/militaire : l'hôpital Robert Picqué à Bordeaux (avec la Maison de santé protestante Bagatelle), l'hôpital Desgenettes à Lyon (avec les Hospices civils de Lyon), l'hôpital Legouest à Metz (avec le CHR de Metz - Thionville) et l'hôpital Clermont-Tonnerre à Brest (avec le CHRU de Brest).
Directeur de la rédaction de B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne, auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989. (France-Soir, La Tribune, Arte, Ouest-France, Sud-Ouest)