B2 Pro Le quotidien de l'Europe géopolitique

Défense, diplomatie, crises, pouvoirs

(crédit : ambassade France Italie)
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Pour se faire entendre dans le remous mondial, l’Europe doit hausser le ton (3e entretiens de la défense européenne)

(B2) Les 'think tank' s'accordent sur un cadre : l'Europe doit hausser le menton et les épaules, sauf à se contenter de faire des clapotis dans les remous de la politique internationale

(crédit : ambassade France Italie)

La première des deux tables rondes des 3e entretiens de la défense européenne, mercredi (4.11), avait pour thème « Quelle géopolitique pour l’Union européenne ? ». Avec quatre participants de choix, connus pour leur expertise : le Français Pascal Boniface (directeur de l'IRIS, Institut de relations internationales et stratégiques), la Franco-Néerlandaise Alexandra de Hoop Scheffer (directrice du bureau de Paris du German Marshall Fund), l'Allemande Ulrike Franke (chercheuse à l’ECFR, European Council on Foreign Relations), et l'Italien Alessandro Marrone (responsable du programme de défense de l'IAI, Institut des Affaires internationales)

Une vision trumpienne après Trump ?

À l'heure où ces experts s'exprimaient, le dépouillement mettait encore en balance Donald Trump et Joe Biden. Pour Alexandra de Hoop Scheffer, même si Donald Trump n'est pas élu, les votes plus nombreux qu'en 2016, valident « sa vision de la place des États-Unis dans le monde ».

Une division intérieure US avec des répercussions à l'extérieur

Cela alimente aussi le fait que « la politique étrangère américaine deviendra de plus en plus imprévisible. » Les Etats-Unis pourraient continuer à s'effacer de la scène internationale. Ils sont « profondément divisés dans leur relation avec l'étranger. Donc quelque soit l’issue de l'élection, on peut craindre que le désarroi politique et les débats internes très vifs viennent un peu détourner leur regard de ce qui se passe à l’étranger et notamment en Europe » acquiesce Pascal Boniface.

Garder un réflexe de ne pas attendre les US

Alexandra de Hoop Scheffer recommande la prudence : « Attention de ne pas retomber dans l’illusion comme avec Barak Obama. Nous sommes tombés dans le piège de croire que les États-Unis avaient élu un président européen. Il faut retenir les leçons de ces quatre ans de Trump. » L'expérience ne serait d'ailleurs pas que négative : « Il nous a appris à développer une autonomie de réflexion, diplomatique, au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), sur le nucléaire iranien, pour le changement climatique ». Pour la chercheuse, « il faudra garder ces réflexes ».

Une Europe moins naïve et plus forte ?

Non, « les empires ne sont pas de retour » (U.Franke, P. Boniface). Les experts ne se rangent pas derrière l'idée du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Cela n'empêche que « les questions des pouvoirs politiques sont de retour » (U.Franke). Pour l'Allemande, « on ne peut plus penser la politique en terme d’émotion, d’amitié, mais se souvenir de nos intérêts ».

Fini le monde des bisounours

Côté bons points, l'Union européenne « a enfin réalisé que le monde était fait de rapports de force, que la fin de la guerre froide n’est pas un nouvel ordre mondial où le multilatéralisme suffit à régler les problèmes » (P. Boniface). Elle est donc « contrainte d’établir  un rapport de force avec d’autres grands géants ». En tête de liste, la Russie, la Chine. Vis-à-vis de la Chine, les 27 « ont mis fin à une certaine naïveté », par exemple sur le plan commercial. La Russie apparait, en revanche, comme « le défi stratégique ». Et surtout le sujet « qui pourrait plus nous diviser ».

Investir les nouveaux terrains de conflits

L'Europe doit aussi se préparer à des « multipolarités agressives », insiste Alessandro Marrone. Avec « des guerres par procuration, comme la guerre de l’information et ses outils (cybersécurité, manipulation de l'opinion publique) ». Dans ce scénario, « les règles internationales ont moins d’importance mais elle gardent leur intérêt ». C'est pourquoi l'Union européenne « doit garder un point de référence, l’ordre international basé sur des règles ».

Prioriser sur quelques projets

Pour que « cette Commission géopolitique » comme l'a présenté Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, devienne « une réalité », il faut une conduite budgétaire cohérente, notamment sur l'espace et la technologique pour « aider à développer des capacités » (A.Marrone). Mieux vaut alors « prioriser les ressources disponibles sur un petit nombre de projets (pour le FEDEf), pour agir au niveau opérationnel et technologique ». 

Les doutes allemands

Face à ces défis, la chercheuse allemande s'interroge sur la solidité de l'unité européenne. « Ma génération n'est pas prête à construire une Europe géopolitique et encore moins une défense européenne ». La tribune de la ministre de la défense allemande sur l'autonomie stratégique en est l'éloquente preuve (lire L’autonomie stratégique européenne, une illusion dixit AKK. Un message qu’il faut replacer dans son contexte). « Il vaudrait mieux parler de souveraineté européenne et d’une capacité d’agir », suggère U.Franke.

(Emmanuelle Stroesser)

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