(B2) Pour l'Union européenne, la fin de l'opt-out danois dans la politique de défense représente une bonne nouvelle. C'est le signe qu'il vaut mieux être dedans que dehors. En outre, même si ce n'est pas un grand pays, le Danemark recèle plusieurs atouts.
Dans le détroit d'Ormuz (Photo : MOD Danemark / Archives B2)
Le Danemark a ce mercredi 1er juin approuvé par 66,9 % la fin de la dérogation (opt-out) qu'il avait pour l'action militaire engagée au niveau de l'Union européenne (cf. encadré) (et 33,1% contre), selon les chiffres partagés par le ministre des Affaires étrangères Jeppe Kofod sur twitter. Un vote acquis dans un référendum avec un taux de participation d'environ 66 %, au terme d'une campagne éclair justifiée par la guerre en Ukraine.
Un tournant historique
La réaction officielle est tombée un peu avant 23h. Le ministre des Affaires étrangères a annoncé « avoir été en contact » avec le Haut représentant de l'UE Josep Borrell et ses homologues suédois et finlandais pour les informer du résultat. « Nous disposons désormais d'une base encore plus solide pour une coopération nordique étroite en matière de sécurité au sein de l'UE et de l'OTAN », se félicite le chef de la diplomatie danoise. Une décision « historique » ont salué le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell et le président du Conseil européen Charles Michel via Twitter. « L'expertise du Danemark en matière de défense est très appréciée », a pour sa part réagi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Un tropisme interventionniste marqué
Petit pays de cinq millions d'habitants, le Danemark n'occupe pas moins une place de choix sur la scène européenne militaire. Fort d'une petite armée d'environ 15.000 hommes et femmes, bien dotée en équipements modernes, Copenhague n'hésite pas à s'engager dans des terrains à risque. Le pays est assez partisan de l'entrée « en premier », chère aux Français. La présence aux côtés des Américains en Iraq et en Afghanistan témoigne de son tempérament interventionniste marqué.
Une marine prête à parcourir le globe
Le pays dispose aussi d'une petite flotte certes, composée essentiellement de patrouilleurs de haute mer ou de corvettes. Mais cette flotte dispose aussi de trois frégates (classe Iver Huitfeldt) et deux navires de plus gros gabarits (Absalon et Esbern Snare) régulièrement engagés dans les opérations internationales (détroit d'Ormuz, Océan indien, Golfe de Guinée). De plus, ses forces spéciales n'hésitent pas à faire le coup de feu (cf. l'affaire du Beluga près des Seychelles).
Qui n'a rien à envier avec les plus grandes
Une tradition navale d'autant plus marquée qu'elle a en charge de sécuriser une marine marchande particulièrement développée (la cinquième du monde avec l'armateur Maersk). La Søværnet (la marine royale) n'a ainsi rien à envier à sa voisine allemande autrement plus puissante sur le papier, mais beaucoup plus chiche de ses moyens opérationnels.
Le regard vers l'Est ...
Occupant une place-clé dans le Nord de l'Europe, aux portes de la mer Baltique, le pays scandinave, résolument atlantique, a toujours marqué sa nette solidarité avec ses voisins issus de l'ex-URSS, s'engageant très tôt dans la sécurité des pays baltes. En mars dernier, alors que la tension avec la Russie monte, il affirme sa disponibilité à envoyer 800 soldats dans les pays baltes, en plus de 200 déjà présents et d'une frégate. Soit une présence similaire à celle de la France.
... comme vers le Sud
Il a aussi l'avantage, comme la plupart des Nordiques, d'avoir un regard exercé sur l'Afrique, notamment le Sahel, ou le Moyen-Orient. Sa volonté d'être dans la task force Takuba, même si elle ne s'est pas réalisée (lire : Le clap de fin pour Takuba et Barkhane au Mali), était aussi un gage de cette volonté.
Un apport précieux
Pour la politique de sécurité et de défense commune qui pâtit en général d'un sérieux manque d'engagement des États européens au plan militaire, cette arrivée est un renfort très précieux. Bien plus que la taille du pays pourrait le supposer.
Plus que la grandeur, la volonté
Ceux qui réunissent aujourd'hui capacité et technicité militaires, compétence d'engagement, volonté politique... et rapidité de décision se comptent en effet sur les doigts d'une seule main en Europe (on peut citer principalement France, Espagne, Portugal et République tchèque).
Un signe de confiance
À l'heure où certains doutent de la capacité européenne de défense, cet engouement soudain des Danois pour retrouver le chemin des opérations et des capacités militaires européennes est un signe notable de l'avantage de la politique de sécurité et défense de l'Union européenne. Il ne peut bien sûr être comparé au chemin, autrement plus conséquent, que font les Suédois et Finlandais pour intégrer l'Alliance atlantique. Mais la simultanéité des évolutions n'est pas fortuite.
Un atout pour l'activation de l'article 42-7
Ces retrouvailles européennes ont une conséquence concrète : en cas d'activation de l'article 42-7 (la clause d'assistance mutuelle européenne) dans la période intermédiaire entre la demande d'adhésion à l'OTAN et l'adhésion effective des deux pays nordiques à l'Alliance, le Danemark pourra répondre présent, en prêtant assistance de façon militaire à ses deux voisins, par exemple au niveau maritime ou cyber. Ce n'est pas négligeable.
(Nicolas Gros-Verheyde, avec Agnès Faure et Aurélie Pugnet)
Mis à jour le 1er juin à 23h avec l'officialisation des résultats et les premières réactions
Un opt-out de 30 ans d'âge
Cet opt-out danois datait du 'Non' danois à la ratification du traité de Maastricht en 1992. Il avait été conçu, à l'instar du refus de l'Euro, des politiques de coopération policière et de citoyenneté, comme un moyen de convaincre les Danois de finalement dire 'Oui'. De fait, le Danemark n'a jamais participé à cette politique militaire européenne qui a surtout connu son envol dans le début des années 2000.
Il concerne la partie militaire de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) dans tous ses volets : politique, capacités, opérations, coordination type coopération structurée permanente (PESCO). Mais en aucune façon le volet civil de la PSDC ou le volet industriel développé aujourd'hui par la Commission européenne.
Directeur de la rédaction de B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne, auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989. (France-Soir, La Tribune, Arte, Ouest-France, Sud-Ouest)