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Le gaz est une arme, les Russes le prouvent…Aux Européens de réagir

(B2)Le blocage du gaz russe à destination de l'Ukraine et des pays européens est une arme. Une arme au sens propre et au sens figuré. Et les Russes le prouvent. C'est un coup de force à visée stratégique, sur deux plans. Mais aussi une véritable opportunité pour les Européens. La sécurité énergétique sera au menu d'un Conseil informel des 27 sur la sécurité énergétique à Prague aujourd'hui.

Utilité de la crise pour les Russes

1° : l'Ukraine discréditée. La crise démontre que l'Ukraine n'est pas un partenaire fiable ni pour l'Otan ni pour l'Union européenne. Difficile aujourd'hui même pour les plus fidèles soutiens au rapprochement entre l'Ukraine et le monde occidental d'oeuvrer dans ce sens, après l'impéritie ukrainienne. Sans en avoir la brutalité, ni l'efficacité totale du coup de force sur la Géorgie, il neutralise pour quelques mois de plus la candidature potentielle de l'Ukraine.

2° : un coup de semonce à la république Tchèque et "son" bouclier anti-missile. Le blocage du gaz montre la dépendance des Etats de l'Est européen tentés par un bouclier anti-missiles américain (Pologne, république Tchèque, voire Lituanie...) qui irrite (le mot est faible!) les Russes. Et quel singulier hasard que cette crise éclate juste au moment où les Tchèques prennent leur tout de présidence tournante ! Eux qui ont signé (mais pas encore ratifié) avec les Américains l'installation d'un radar.  Cela ne fera sans doute pas changer d'avis les Tchèques. Encore que l'accord n'est toujours pas adopté définitivement (la chambre des députés doit encore le voter, début février normalement). Et surtout, au moment juste où la nouvelle administration Obama va prendre les rênes du pouvoir c'est un singulier rappel à l'ordre des intérêts russes.

Utilité de la crise pour les Européens

Il est urgent d'agir. Finis les tergiversations, les interrogations, les altermoiements... Considérer comme l'ont fait les premières heures, la présidence tchèque et la Commission européenne, qu'il s'agit uniquement d'un litige privé, dont il ne vaut mieux pas se mêler, est suicidaire.

L'Europe doit être forte pas faible. Oui c'est un litige privé - et peu importe le fautif. Mais il cause des dommages sur les Européens, et des dommages importants, surtout en plein hiver. Et comme tout client d'une société, celui-ci a droit au respect de son contrat. L'Union européenne doit donc se mêler de ce litige car il la concerne directement, c'est une règle basique de la responsabilité civile et commerciale avant d'être une règle politique. L'UE doit s'en mêler. Car personne ne peut être dupe de la proximité de Gazprom non seulement avec le pouvoir - le lien est organique, c'est une société d'Etat - mais aussi, et surtout, avec le FSB - les services secrets russes. Ce que décide Gasprom c'est ce que décide le Kremlin. Coté russe, le litige est privé, la décision est politique.

L'Europe doit être audacieuse et non pas frileuse. Il s'agit d'avancer à 27 en matière de diversité, de solidarité et de sécurité énergétique. Peu importe que le traité de Lisbonne qui
contient certaines dispositions plus claires ne soit pas adopté. L'excuse de l'insuffisance des bases juridiques dans les traités actuels est une fausse excuse. Une excuse pour ne pas agir. Tous les experts juridiques vous répondront qu'une base juridique se cherche, se trouve et, au besoin, s'interprète (voir revue de détail des bases possibles).

(NGV)

(1) Pour compléter on peut lire ou relire l'analyse de Pierre Verluise faite en octobre 2006 sur les relations commerciales Ue-Russie et l'utilisation de Gazprom par le pouvoir

Nicolas Gros-Verheyde

Directeur de la rédaction de B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne, auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989. (France-Soir, La Tribune, Arte, Ouest-France, Sud-Ouest)

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