L'Eurofighter Typhoon. Crédit : UK Royal Air Force
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Avion de combat ou hélicoptères, l’Europe doit choisir

L'Eurofighter Typhoon. Crédit : UK Royal Air Force

(BRUXELLES2) Alors que les principales lacunes budgétaires se concentrent dans le transport, tactique et stratégique, les différents pays européens continuent d'investir massivement dans une aviation de combat, pour des quantités qui semblent démesurées sur un territoire géographique limité. On dénombre ainsi près de 3.000 avions de combat dans les armées européennes, dont 1500 pleinement opérationnels. Et les plans de renouvellement prévus laissent indiquer que les armées européennes ne renonceront pas facilement à cet outil. Résultat alors que la fonction "mobilité-projection" est conçue comme une priorité pour des forces modernes, elle en est aujourd'hui le parent pauvre...

La crise offre une opportunité de faire un aggiornamento en matière aéronautique et d'opérer une réorganisation à la fois de l'aviation de combat et de donner davantage de priorités aux forces de projection (avions de transport, hélicoptères), ce qui est davantage en phase avec le futur concept stratégique de l'OTAN (1) comme avec les objectifs de l'UE, missions dites de Petersberg telles qu'élargies par le Traité de Lisbonne.

En cette période de disette budgétaire, les Etats européens n'ont pas la possibilité de développer à la fois une aviation de chasse surdimensionnée et de combler les lacunes en matière de projection de forces (avions de transport, hélicoptères). Il va falloir choisir.

Restructurer l'aviation de combat européenne

Des plans d'achat démesurés

Les Pays-bas avaient ainsi prévu d'acheter 85 JSF (chiffre abaissé), le Danemark 48 JSF (décision mise en balance) ; la France 286 Rafale ; l'Allemagne 180 Eurofigther ; l'Italie 121 Eurofighter et 130 JSF ; le Royaume-Uni 160 Eurofighter et 138 JSF ; l'Espagne 87 Eurofighter ; l'Autriche 15 Eurofighter ! Cela c'était avant la crise...

L'heure est aujourd'hui à une rediscussion des équipements, dans un certain désordre. Les Pays-Bas envisagent de baisser le nombre de commandes de JSF ; l'Italie a réduit sa commande d'Eurofighter à 96 appareils, le Royaume-Uni envisage de faire de même (48 Eurofighter et 78 JSF en moins selon certaines projections), l'Allemagne prévoit 37 Eurofighter en moins, la Norvège a reporté la livraison de ses JSF à 2018 (au lieu de 2016) et le Danemark se tâte (JSF ou F18) Etc... En clair c'est la débandade.

Pourquoi pas une gestion en commun, au moins partielle ?

Ne serait-il pas opportun de profiter de la crise pour remettre à plat l'organisation de l'aviation de combat en Europe pour avoir, au moins, une partie des équipements gérés en commun, à la manière de l'EATC pour la flotte de transport ? Si les 4 pays qui participent à l'EATC - qui participent à une zone aérienne similaire - mettent en place un dispositif de gestion commun, on a un effectif d'avions de combat, plus que largement dimensionné. Il existe déjà deux territoires européens - Islande et pays baltes - qui recourent aux autres pays de l'OTAN pour assurer leur défense aérienne.

Réorienter une partie des financements

Les hélicoptères restent toujours un peu le parent pauvre de l'équipement, alors qu'ils sont d'une utilité reconnue par tous dans les opérations modernes et que le coût est sans commune mesure avec celle d'un avion de chasse. Or, pour un Rafale ou un JSF, on peut acheter, au minimum, 3-4 hélicoptères NH90, 5 hélicoptères Super-Puma EC225 et 7-8 hélicoptères Mi-17 (2). La simple diminution minime d'un programme d'avions de chasse permet donc de refaire rapidement, le retard européen en la matière.

Pourquoi des hélicoptères ?

C'est une des lacunes manifestes des armées européennes. Et les besoins déjà importants, peuvent encore croître dans l'avenir.  Dans toutes les missions récentes, on a constaté ce besoin qu'il s'agisse d'actions offensives (Afghanistan), d'opérations d'interposition (Tchad), en passant par les missions plus "civiles" comme l'entraînement des militaires somaliens (EUTM Somalia) ou l'observation en Géorgie, sans compter les missions humanitaires (Haïti...). Dans tous les cas, il est nécessaire d'avoir une fonction Medevac.

L'hélicoptère est aussi un atout primordial en matière d'opérations de secours en mer ou en montagne, de sauvetage et de recherche, d'évacuation de ressortissants en danger, voire d'extinction des incendies de forêts. Bref c'est un outil civilo-militaire par excellence, tout à fait en phase avec les missions européennes, dites de Petersberg telles qu'élargies par le Traité de Lisbonne, comme la fonction civilo-militaire que recherche l'OTAN dans son nouveau concept stratégique.

... et pourquoi pas des Mi17 ?

Le nouvel hélicoptère européen NH90 arrive lentement dans les armées (finlandaise, néerlandaise, française...). Mais ce n'est pas suffisant pour refaire le retard. Dans l'intermède, on pourrait très bien concevoir des solutions palliatives comme de recourir au bon vieux Mi17 ou à sa version plus moderne d'attaque et de transport Mi24. Certes c'est du matériel russe. Mais plusieurs armées européennes en sont déjà dotées (dotation standard des armées est-européennes et des Balkans). Et il y aurait une certaine logique à s'équiper de ce matériel, robuste, éprouvé... et dont les kits de mise à jour technologique existent dans des entreprises européennes (britannique, tchèque...).

(1) Lire : L’approche « totale » selon Rasmussen. Et la coopération OTAN-UE…

(2) Le prix varie selon les équipements et le volume d'achat, ainsi que la base de calcul (avec ou sans coûts de développement)

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Directeur de la rédaction de B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne, auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989. (France-Soir, La Tribune, Arte, Ouest-France, Sud-Ouest)

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