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Retour sur la (non)vision de l’Europe Sociale de Nicolas Sarkozy

(B2) Dans son discours devant le Parlement européen, le 10 juillet, Nicolas Sarkozy, en tant que président en exercice de l’UE, a fait une assez juste analyse de la « contradiction » qui frappe l’Europe sociale.

Une analyse juste

« Les mêmes qui reprochent à l’Europe de se mêler de tout sont les premiers à dénoncer lorsque l’on ne parle pas d’une dimension sociale ». Or « jusqu’à présent, les États membres ont toujours voulu que la politique sociale soit d’abord de dimension nationale. Parce que les retraites, la santé sont d’abord des questions de dimension nationale ».

Une vision plus passéiste qu'avant-gardiste

Mais le président n’a pas été au-delà, comme on aurait pu l’espérer, se contentant donc d’une vision assez passéiste, somme toute, de l’Europe sociale. Notamment en ne voulant pas aborder la contradiction qui existe en un marché de plus en plus harmonisé et des règles sociales, nationales, donc fragmentées.

L'esquive comme moyen de réponse

Dans ses réponses aux députés (Martin Schulz, Harlem Désir, Francis Wurtz, …), Nicolas Sarkozy s’est ainsi contenté de petites phrases, souvent brillantes (comme il sait le faire) sans répondre jamais sur le fond, et en esquivant les vrais problèmes.

Assez vertement, il a remis à sa place Martin Schulz, le leader du PSE (parti socialiste européen), celui-ci tentant de démontrer le danger de certaines jurisprudences de la Cour de justice européenne face aux droits sociaux minimaux, notamment le salaire minimum, pour les travailleurs détachés. « Si en Allemagne, il n’y a pas de salaire minimum. Ne mettez pas sur le dos de l’Europe une défaillance sociale qui est due à une défaillance du débat national. En France, nous avons un salaire minimum, cela voudrait-il dire que nous devons renoncer à notre salaire minimum pour le bien de l’harmonisation européenne ? » NB : oubliant que le problème ne concerne pas que l’Allemagne (L’Allemagne en route vers un salaire minimum ou plusieurs ?) mais nombre de pays européens : Suède, Finlande, Irlande…).

Puis il a dénoncé le cavalier solitaire des socialistes français dans les 35 heures. « Il ne suffit pas de faire les 35 h pour gagner les élections, et faire une politique sociale. Aucun autre pays ne vous a suivi sur ce chemin, y compris les gouvernements européens socio-démocrates ». « J’aime bien l’appel à l’harmonisation, si ça ne consiste pas défendre en France des solutions qui ne sont pas acceptées par les autres. » (NB : en esquivant la question des temps de garde et le compromis sur le temps de travail). Au passage, il a - à nouveau - réglé ses comptes avec les syndicats qui "ne peuvent paralyser" et "prendre en otage les usagers".

Enfin il a fait une espèce d’analogie entre l’âge de départ à la retraite en France (60 ans) et des pays « comme l’Autriche » qui cherchent au contraire à remonter l’âge de retraite vers 65 ans ou au-delà.

Ne pas toucher aux règles sociales au niveau européen

Toutes démonstrations qui n’avaient pas d’autre but que de dire : on ne peut pas toucher aux règles sociales au niveau européen. Vous le voyez bien. Juste établir quelques règles minimales. Le président a ainsi affirmé comme priorités de la présidence française, la volonté de faire aboutir les directives sociales mises sur la table par la Commission, citant celle « sur les comités d’entreprise » et celle sur le « travail intérimaire » (dont il a attribué au passage la paternité à José-Manuel Barroso, petite erreur de « bienveillance », alors qu’elle date de 2002 et de la Commission Prodi).

Une timidité qui tranche avec certaines prises de position

Cette timidité sur le fond, et même dans le ton, contraste à certains engagements plus fermes du président sur le capitalisme financier par exemple ou l’OMC. Jugez-en

Sur le capitalisme financier

Nicolas Sarkozy a fustigé le « comportement vraiment digne de critiques de nos établissements financiers ». « Les institutions financières ont fait n’importe quoi, ont prêté de l’argent à n’importe qui, dans n’importe quelles conditions. ». « Dans tous nos pays, les dirigeants de grandes banques aimaient encore récemment donner des leçons sur la rigueur de la gestion de l’Etat aux hommes politiques. Je dis que ceux qui donnaient des leçons doivent maintenant se préparer à en recevoir ».« L’Europe que nous souhaitons (se doit) de moraliser le capitalisme financier, (d’établir) des règles pour les agences d’annotation (etc.). »  « Si l’Europe a un sens, c’est de remettre de l’ordre dans le n’importe quoi ».

Sur les échanges commerciaux

Le président français a tenu à préciser « Je ne suis pas protectionniste. Je n’ai jamais été. Je ne le serai jamais. (Mais) les États émergents ne peuvent pas nous demander de supprimer des subventions et d’ouvrir nos frontières si eux-mêmes font le contraire. Aimer son pays, ce n’est pas être nationaliste. Vouloir la réciprocité, ce n’est pas être protectionniste ».

 (Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Directeur de la rédaction de B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne, auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989. (France-Soir, La Tribune, Arte, Ouest-France, Sud-Ouest)

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