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Face à la Russie, l’Alliance veut se mettre au Rap !

NATO Secretary General visits KFOR
Stoltenberg en visite à la Kfor (crédit : OTAN)

(BRUXELLES2) Le conseil des ministres de la Défense de l'OTAN, jeudi 5 février, se déroulera sur une seule journée, bien remplie, avec en toile de fond, tout au long de la réunion, la nouvelle donne à l'Est du territoire de l'Alliance et notamment l'attitude russe en Ukraine, et la réaction de l'Alliance qui a pour nom "Readiness Action Plan" (RAP en initiales anglaises).

Nucléaire, Géorgie, menaces, RAP...

Avant la réunion, à 7h50, selon un schéma désormais bien rôdé, le secrétaire général Jens Stoltenberg, viendra dire quelques mots devant la presse, donnant ainsi la température de la réunion et faisant passer le message. La réunion démarrera à 9h par le groupe sur les plans nucléaires. Le focus est de continuer d'assurer « la sûreté, la sécurité et l'efficacité de l'instrument de dissuasion nucléaire de l'OTAN » précise la porte-parole de l'Alliance. La réunion se poursuivra avec la Géorgie (sous forme de Commission mixte Géorgie-OTAN) avec la ministre géorgienne, Mindia Janeldidze. Un point qui pourrait ne pas être aussi rituel que d'ordinaire (cf. ci-dessous). Les enjeux réels - « l'attitude de l'Alliance face aux menaces dans le sud et l'est et le processus de planification de défense » seront au menu du déjeuner de travail des ministres (13h) puis de la séance de travail qui suivra (à partir de 15h45), plus particulièrement consacré au Plan d'action sur la réactivité (Readiness Action Plan). La conférence de presse finale est prévue après la photo de famille (18h30). Pour suivre la réunion, le site

Face à la Russie

Inquiétude sur l'armement russe, également nucléaire

Certains pays se disent cependant inquiets. Les Américains estiment, en effet, que les Russes sont « proches de violer les règles sur les missiles de moyenne portée et développent un nouveau missile capable de porter du nucléaire ». Il y a une « inquiétude sur la modernisation des forces russes », commente un diplomate de l'Alliance. « On constate une augmentation de leur niveau d'entrainement. ils combinent davantage armement classique et nucléaire ». Les pays les plus à l'est sont les plus inquiets et les plus sensibles. Mais il ne semble « pas question à ce stade de revoir l'acte fondateur interdisant le déploiement de nucléaire sur leur territoire ».

L'Alliance reste une alliance défensive

Le message principal porté par l'Alliance est que « tout ce que fait l’OTAN est défensif, en réponse aux changements de notre environnement de sécurité, à l’offensive russe en Ukraine ». Le plan de réactivité est dimensionné pour « faire face aux défis dans toutes les directions », pas seulement à l'est. Dire que l’Otan « pousse à l’escalade est un non sens. Ce sont les Russes qui sont en Ukraine, qui aident les séparatistes sous forme de livraisons d’armes, en nombre, (voire) opèrent elles-mêmes avec certaines armes car (nous savons très bien que les séparatistes ne sont pas en situation de les utiliser » estime un haut responsable de l'Alliance.

De nombreux avions russes interceptés

Témoignage de cette tension redoublée, le ciel européen est désormais régulièrement l'objet de survols par les avions russes. En 2014, selon le dernier rapport annuel de l'OTAN, les avions alliés ont intercepté plus de 400 avions russes, dont plus de 150 l'ont été par des avions de l'OTAN participant à la mission de surveillance du ciel en Baltique. Il y a ainsi pas une semaine sans une interception. Mais, au final, note un diplomate, on a « peu d'incidents véritables récemment. Mais les avions russes font des vols de plus en plus longs, aux confins de l'espace britannique et portugais récemment ».

Des exercices à triple objectif : s'entraîner, réassurer, dissuader

Le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg, avait dressé la semaine dernière un bilan de l'Alliance « L'année dernière, nous avons organisé plus de 200 exercices de l'OTAN et nationales. Ainsi un exercice est entamé tous les deux jours - sur sol, en mer et dans l'air - Et cela continuera ». Ces « exercices servent également à rassurer les alliés. Nous maintenons une présence continue de nos forces, par rotation, dans la partie orientale de notre alliance ». Mais aussi de dissuader la Russie, montrant la « détermination de l'Alliance tout entière pour défendre les pays membres ».

La livraison d'armes à l'Ukraine : une question nationale

La question de fournir des armes pour l'Ukraine pourrait aussi être évoquée. Ccertes « Ce n'est pas une question qui relève de l'OTAN » insistent les diplomates de l'Alliance. « L’OTAN, en tant que tel, ne s’occupe pas de livraisons d’armes. C’est une question pour les Etats membres à titre individuel. » souligne la porte-parole de l'Alliance. « L'OTAN soutient bien entendu la souveraineté de l’Ukraine. (Mais) on soutient le dialogue politique. » Mais elle devrait être évoquée, ne serait-ce que pour partager l'atittude à avoir. Si plusieurs pays - Estonie, Lituanie ... - se positionnent pour fournir des armes (létales) à l'armée ukrainienne, d'autres sont, en revanche, plus sceptiques, à l'image de la France, de l'Italie ou de l'Allemagne, et se refusent à avancer dans cette voie. Reste à savoir quelle position adopteront les Américains. Chacun attendra, en fait, « avec intérêt la position de Chuck Hagel » sur le sujet remarque un diplomate.

Un centre conjoint de formation en Géorgie

Notons également que l'OTAN va établir un centre conjoint de formation en Géorgie - a confirmé le porte-parole. « Il y aura ainsi une présence permanente de l'OTAN en Géorgie ». L'objectif est notamment « d'organiser les exercices » et sessions de formation. Il y aura un exercice cette année 2015. Le nombre d’officiers de l'alliance présent dans le pays restera « cependant relativement faible ».

La mise en place du plan de réactivité

Le plus grand renforcement de défense depuis la fin de la guerre froide

Dans la foulée du sommet du Pays de Galles, de septembre, différentes décisions sont attendues pour renforcer la force de réaction de l'OTAN (NRF) et sa composante rapide (VJTF). « Ce sera le plus grand renforcement de notre défense collective depuis la fin de la guerre froide » affirme Jens Stoltenberg.

Tout à fait opérationnelle en 2016

La nouvelle NRF, forte d'environ 20.000 personnels (3 brigades), sera entièrement opérationnelle en 2016, pour le sommet de Varsovie. Quant à la VJTF (very high readyness joint task force), qui en sera la composante "de pointe", elle devrait comprendre 5000 hommes en tout, certains déployables très rapidement (1 ou 2 bataillon, dans les 2 jours), d'autres dans les jours suivants (5 à 7 jours). Certains éléments de cette force seront composés d'unités mobiles, formés d'« éléments avancés ». Des centres de commandement, de logistique, comme des stocks de matériels seront prédisposés dans plusieurs localités situées dans les pays baltes et pays d'Europe orientale (Lire aussi : L’armée US en repérage en Europe de l’Est. Un centre C2 de l’OTAN à Sofia).

Nations cadres

L'Allemagne, la France, le Royaume-Uni devraient assumer le rôle de nation-cadre. Mais il en faudra d'autres. Il y a des « espoirs » - note un diplomate - que l'Espagne et Italie s'engagent. Et différentes pressions se font également sur la Pologne et la Turquie.

Une force et un plan tout azimut

Cette force n'est cependant pas destinée qu'à répondre aux menaces à l'Est. Le plan de réactivité se veut « une réponse dans n'importe quelle direction, l'est comme le sud » précise la porte-parole de l'Alliance. Par exemple, cette force « pourrait se déployer en Afrique du nord (ou ailleurs) sous deux conditions : une décision du Conseil de l'Alliance atlantique (NAC) et (si nécessaire) un mandat des Nations-Unies », souligne un porte-parole de l'Alliance

(Nicolas Gros-Verheyde)


Un juste partage des charges

Même si l'objectif d'atteindre 2% du PIB pour les dépenses militaires est un objectif à long terme (10 ans), la question du partage des charges entre alliés pourrait aussi être abordée. Il y a un double gap, précise un diplomate, « entre les Etats-Unis et les payseuropéens, mais aussi entre les pays européens ». Il faut « prendre en compte les critères de richesse relative et de défi raisonnable, ce que chaque allié a entrepris ou est prêt à entreprendre ». La France demande ainsi la « la prise en compte de son rôle au Sahel ».

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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