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L’annexion d’une partie de la Cisjordanie par Israël est illégale. Comme celle de la Crimée (Jean Asselborn)

(B2) Pour le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, interrogé par B2, il y a, malgré les apparences, un fort consensus entre Européens pour dire clairement 'Non' à l'annexion d'une partie de la Cisjordanie par Israël

Jean Asselborn en liaison par vidéo conférence avec ses homologues, ministres des Affaires étrangères européens (crédit: MAE Luxembourgeois)

Plusieurs responsables israéliens ont annoncé l'intention d'aller plus loin en Cisjordanie, et d'annexer certaines territoires. Un pas dangereux selon vous ?

— C'est une violation flagrante du droit international. Cela va porter un coup fatal à la solution des deux États. Cela engendrerait sans nul doute une dégradation sérieuse de la situation sécuritaire sur le terrain. Et, au-delà des effets négatifs sur les relations entre l'Union européenne et ses États membres et Israël, une telle annexion risque d'avoir des implications sécuritaires plus larges, dans toute la région.

Lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères, ce vendredi, vous n'avez cependant pas réussi à avoir une position commune ?

— Dire qu'on n'a pas de position commune n'est pas exact. Il y avait un grand nombre — que dis-je —, un très grand nombre de pays, qui étaient sur la même ligne. Et seulement quelques-uns, très peu, qui n'arrivaient pas à être d'accord avec cette position. Toujours les mêmes États, pas plus de deux ou trois (1), s'opposent à ce large consensus qui existe entre nous.

Ce consensus est de quel ordre ?

— Cette position compte quatre points essentiels, selon moi. Premièrement nous voulons coopérer positivement avec le nouveau gouvernement israélien. Israël est un partenaire qui compte pour les Européens. Ensuite, un grand nombre de pays pensent que l'annexion de la vallée du Jourdan est une violation du droit international. Troisièmement, nous voulons coopérer avec les pays arabes, avec tous les pays arabes, comme avec les Américains. Quatrièmement, nous sommes pour une solution à deux États. C'est la seule viable. Par cette déclaration, nous voulons agir de façon préventive.

Comment définissez-vous ce cadre préventif ?

— Dans notre position, il n'y a rien d'offensif [vis-à-vis d'Israël]. Nous disons [au gouvernement de Tel Aviv] si vous faites cela, vous vous mettez en contradiction avec le droit international. Pour moi, c'est un peu comme la situation en Crimée. L'annexion d'une partie de la Cisjordanie par Israël est similaire à celle de la Crimée par la Russie. C'est contraire au droit international. Il ne faut pas couper les cheveux en quatre. D'ailleurs, le secrétaire d'État américain, Mike Pompeo, lui-même, quand il était à Jérusalem, n'a pas donné le feu vert à cette annexion.

Il n'y a pas de sanctions prévues ?

— Nous n'avons pas parlé de sanctions. C'est un rappel de droit international. L'objectif est d'essayer d'arriver à un texte consensuel.

Et vous n'avez pas évoqué la possible reconnaissance d'un État palestinien ?

— Non plus.

Un petit mot pour conclure, comment arrivez-vous à travailler à 27 lors de ces réunions  par vidéoconférence ?

— C'est difficile. Nous avons trois minutes chacun lors d'une vidéoconférence. On est davantage sur un tour de table. Cela ne permet pas de véritable discussion. Et cela risque de durer encore. Je ne suis pas sûr que nous pourrons avoir de nouvelles réunions, de façon physique, avant septembre.

(Propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde)

Entretien réalisé en français, par téléphone, vendredi (15 mai) au soir

(1) D'après les informations de B2, Hongrie et Autriche surtout ont exprimé leur opposition.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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