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Où est passée l’aide européenne au Congo ?

(BRUXELLES2) Qu'est devenue l'aide européenne en RDC ? C'est la question que pose la Cour des comptes européenne. Le rapport, publié début octobre, dénonce ainsi une « évaporation des fonds » estimant que l’impact de l’aide apportée à la République démocratique du Congo est resté très «  limité », de façon générale (*). Les programmes spécifiques sur la sécurité (**) ne s'en tirent pas vraiment mieux. Un pavé dans la mare à la fois pour la Commission européenne comme le SEAE qui minimisent les effets négatifs.

Un bilan négatif en général

De manière générale, le bilan dressé des auditeurs est, en effet, très mitigé. « Moins de la moitié des programmes examinés ont produit, ou sont susceptibles de produire la plupart des résultats escomptés» . « Le progrès est lent, inégal et globalement limité». Plus inquiétant encore : « dans la plupart des cas, il est illusoire de penser que la durabilité sera assurée ». Pour la Cour des comptes «  la Commission n’a pas suffisamment tenu compte de la situation lors de la conception des programmes de l’UE ». 

« Les risques n’ont pas été suffisamment pris en considération, les objectifs des programmes sont souvent trop ambitieux, la conditionnalité a un faible effet d'incitation et le dialogue politique n’a pas été pleinement exploité ni n'a été coordonné de manière adéquate avec les États membres de l’UE dans tous les domaines. »  Néanmoins les experts admettent la complexité de la situation du pays et les difficultés qui en découlent.

EVALUATION DE L'ACTION EUROPÉENNE DANS LA SÉCURITÉNe pouvant examiner toutes les actions de l'UE,  seuls 3 programmes sont passés au peigne fin.(a) Formation de la Police

Le programme d' « Appui à la formation de l’Unité de Police Intégrée»  (UPI), initié en mai de 2004 avait une budget de 5 millions. L'UPI a réussi à « établir une unité de 1000 officiers de police hautement qualifiés avec le soutien logistique et l'équipement nécessaires , et il a atteint les résultats prévus en assurant la sécurité pour le référendum constitutionnel et les élections de 2005 et 2006». Le problème est qu'après le scrutin, il n'y a « aucune information concernant le redéploiement du personnel et du matériel, une fois le programme terminé ». Sans trace des policiers formés, les résultats sont inexistants.

(b) Action spécifique à l'Est du Congo

En 2008, 10 millions sont attribués au  « Programme de Soutien pour la paix et stabilisation de l'Est de la RDC». La composante police du programme (2,9 millions) n'a que « partiellement atteint les résultats prévus ». Les « bâtiments, installations et équipements pour deux unités mobiles d'intervention et le siège régional de la police à Goma et à Bukavu » ont bien été fournis mais les travaux ont « souffert de longs retards et sont de mauvaise qualité ».  Au moment de la visite de la Cour, « les installations financées à Bukavu n'étaient pas encore en usage. A Goma, ils n'étaient pas encore opérationnels en raison du manque d'eau et d'électricité, qui étaient censées avoir été installé et financé par les autorités policières en cours d'exécution. »  La conclusion est évidente: « le programme n'a pas été efficace dans l'amélioration de la capacité opérationnelle de la police dans la région ».

(c) «Programme d’Appui à la Réforme de la Police Nationale (PARP)»

L'objectif de ce programme, doté de 11 millions, était le soutien de la réforme de la police nationale congolaise en renforçant les capacités de coordination du Comité de Suivi de la Réforme de la Police (CSRP) , la réorganisation de la gestion des ressources humaines et budgétaires et l'amélioration des infrastructures de formation. Il reçoit l'assistance de l'EUPOL RDC. Initié en août 2010, le programme se trouve « à un stade précoce de la mise en œuvre au moment de la visite de la Cour . »  La création d'une base de données des ressources humaines, étape clé pour la réforme de la police, est déjà faite. Cependant, c'est sa pérennité qui est « sujet de préoccupation car il n'y avait pas de plans concernant la maintenance informatique du système après la fin de l' assistance technique financée par l'UE».

La Commission réfute les conclusions du rapport

La Commission européenne comme le SEAE réfutent ces conclusions. Certains projets examinés « étaient à un stade très précoce de la mise en œuvre et n'avaient par conséquent pas encore donné de résultats. Les retards sont principalement dus à la situation fragilité et post-crise en RDC ».  Il y a des succès, estime-t-on côté Commission. « Par exemple, lors des élections de 2006 et pour la gestion globale des finances publiques.»  Face à l'accusation de manque de jugement, la Commission et le SEAE « considèrent que le contexte et les risques RDC ont été suffisamment pris en considération ».

(*) L'étude porte sur la période 2003-2011, au cours de laquelle l'Union européenne, principal bailleur du pays, a dépensé quelque 1,9 milliard d'euros pour le soutien des processus électoraux de 2006 et 2001 (présidentielle et législatives), la réforme du secteur de la sécurité (justice et police), la gestion des finances publiques (GFP), la réforme politique et  décentralisation.

(**) L'enjeu sécuritaire était une priorité de l'UE dans le pays. « Apporter sécurité à la population » était un des principaux objectifs de l'Union européenne, pour permettre la transition politique et le déroulement des élections de 2006 et 2011. « La majeure lacune de la police nationale congolaise est le manque d'équipement et d'infrastructure, une préparation inadéquate et lente, des salaires payés de manière irrégulière ». Plus grave encore, conséquence de la culture du «trickle-up», « la police, comme l'armée, vivent de la population. »

Télécharger le Rapport (en anglais)

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