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Un ping pong OTAN UE. Les dessous de la convocation du NAC

(BRUXELLES2) A peine la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE terminée, lundi 3 mars, le Secrétaire général de l'OTAN a annoncé la convocation d'un Conseil de l'Atlantique Nord (NAC) - dans son format ambassadeurs - « suite de la demande de la Pologne pour des consultations au titre de l'article 4 ».

Des consultations autour d'une menace

Les développements dans et autour de l'Ukraine « sont considérés comme constituant une menace pour les pays voisins et alliés ayant des implications directes et graves pour la sécurité et la stabilité de la région euro-atlantique » indique A.F. Rasmussen. L'article 4 prévoit en effet que « Les parties se consulteront chaque fois que, de l'avis de l'une d'elles, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'une des parties sera menacée. » 

Une forme extraordinaire de convocation

L'usage de l'article 4 est une forme relativement inusitée de convocation. Il n'a été invoqué que trois fois depuis la création de l'Alliance : à chaque fois par la Turquie lors de la guerre en Irak, en 2003, puis à deux reprises face aux évènements en Syrie. En juin 2012, lors de la destruction en vol d'un avion turc en Méditerranée et, en octobre 2012, face aux bombardements sur son territoire, avant le déploiement de missiles "Patriot" utilisés en position d'interception et défensives.

Une volonté de durcir le ton

Cette convocation sonne un peu comme une revanche pour certains Etats membres comme la Pologne et la Lituanie. Ceux-ci souhaitaient que la première réunion des ambassadeurs de l'OTAN, dimanche (2 mars) soit placée sous le signe de l'article 4. Ce qu'avaient refusé le secrétaire général de l'OTAN qui suivait ainsi une majorité de plusieurs pays de l'Alliance qui ne voulaient pas rajouter d'huile sur le feu. Lundi, lors de la réunion des ambassadeurs du COPS et des ministres des Affaires étrangères de l'UE, les pays tenants de la "ligne dure" n'avaient pas réussi à faire avaliser par l'ensemble des Etats membres de l'UE une dénonciation de la conduite de la Russie même si le principe de sanctions était envisagé.

Une préoccupation partagée par la Lituanie

Le ministre lituanien des Affaires étrangères, Linas Linkevicius, est sorti furieux de la réunion, au dire de témoins, marmonnant : « de toute façon ce n'est pas ici que çà se décide, c'est à l'OTAN ». Et de fait, si seule la Pologne a demandé la convocation "au titre de l'article 4", celle-ci aurait aussi pu être demandée par la Lituanie. Le fait qu'un pays demande la convocation au titre de l'article 4 ne signifie « qu'elle soit la seule dans cette situation », selon un observateur régulier de l'institution euro-atlantique. « Les autres pays qui voulaient faire cette demande n'avaient plus besoin de le faire ».

Réelle inquiétude sur le terrain

Entre temps, la situation a évolué sur le terrain, notamment en Crimée, comme au niveau politique - le discours russe aux Nations-Unies ne semblant pas prendre le chemin de la "désescalade" annoncé. Et les tirs réels de l'armée russe lors de l'exercice russe dans la zone de Kaliningrad (entre Lituanie et Pologne) hier ont semé un réel trouble et de réelles inquiétudes particulièrement dans ces deux pays frontaliers de la Russie. Ce matin cependant le ministre polonais de la Défense, Tomasz Siemoniak, tenait à dédramatiser. S'exprimant sur TVN 24, il estimait qu'il « n'y avait pas de menace directe d'invasion russe en Pologne ».

NB : Le Conseil de l'Atlantique Nord, comprend les ambassadeurs des 28 pays de l'OTAN. Il se réunit normalement une fois par semaine. Mais des réunions supplémentaires ou extraordinaires peuvent se rajouter si nécessaire. Durant les crises, comme la crise libyenne, le NAC a souvent siégé quasiment en permanence

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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