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L’opération Sophia pourrait être sauvée des eaux. Prolongation de trois mois possible

(B2) L'opération EUNAVFOR Med Sophia pourrait ne pas fermer ses portes le 31 décembre. Après négociation interne, le gouvernement italien a donné son accord pour une prolongation technique, de trois mois uniquement. Cette proposition doit encore être entérinée du côté de l'UE

(crédit : Marcom)

Un vigoureux plaidoyer de Elisabetta Trenta lors d'une réunion au sommet des Italiens

Lors d'une réunion au sommet des principaux dirigeants italiens, vendredi (7 décembre), un consensus s'est fait entre les '5 étoiles' partisans d'un renouvellement de six mois, et les 'Lega' partisans de ne rien céder tant qu'il n'y avait pas d'accord sur les ports de débarquements. Participaient à cette réunion, selon notre collègue Analisi Difesa, le Premier ministre Giuseppe Conte et le vice-Premier ministre Matteo Salvini, les ministres de la Défense (Elisabetta Trenta), des Affaires étrangères (Enzo Moavero), le chef d'état-major de la Défense, le général Enzo Vecciarelli, le commandant de l'opération Sophia l'amiral Enrico Credendino et la secrétaire générale du ministère des Affaires étrangères, Elisabetta Belloni. Soit une bonne partie des acteurs concernés.

106 personnes récupérées par Sophia contre 13.000 par les garde-côtes libyens

La ministre de la Défense a plaidé énergiquement pour éviter une « fermeture brutale » de Sophia, selon la presse italienne. Elisabetta Trenta a notamment avancé plusieurs arguments, tant au plan économique qu'opérationnel. En cas de fermeture, l'Italie devrait engager une dépense supplémentaire estimée à 130-140 millions d'euros par an pour mener à bien des tâches relevant uniquement de la mission de l'UE. Autre argument de la ministre de la Défense : le principal problème soulevé par Matteo Salvini, les ports de débarquement, n'a en réalité que peu d’importance : durant les cinq derniers mois, il n'y a eu que 106 personnes récupérées par l'opération Sophia, contre 13.000 sauvées par les garde-côtes libyens. La fonction 'sauvetage' de l'opération est actuellement ultra-minoritaire. A cela on pourrait ajouter un argument plus politique : Rome, qui doit encore négocier sur son budget 2019 avec la Commission européenne (et les autres Européens), ne peut ouvrir plusieurs fronts à la fois.

Un pis aller pour éviter la fermeture de l'opération

La prolongation technique (1) de trois mois est certainement l'option la moins ambitieuse mise sur la table. Mais cela revient, de fait, pour les autorités italiennes, à prolonger le moratoire sur le port de débarquement, tant qu'aucune autre solution n'est trouvée. Elle apparait insuffisante pour pouvoir à la fois négocier une solution globale sur le mécanisme de Dublin, et une révision du format de l'opération, assez éloignée de la dernière option mise sur la table (prolongation technique de six mois). Les Européens ne sont donc pas très enthousiastes vers une formule qui ressemble à un pis-aller. Mais ont-ils le choix, et le temps, de négocier une autre option avec les Italiens ? « Le travail continue », assure l'entourage de la Haute représentante, interrogé par B2 (2). « Ce sont aux États membres de décider s'ils veulent fermer ou non cette opération. De notre côté, nous aurons vraiment fait tout ce qui est en notre pouvoir » pour favoriser une solution.

Réponse : au sommet

Concrètement, la prochaine étape pourrait se situer jeudi (13 décembre). Le sujet devrait sans doute être évoqué au Conseil européen, soit à la table des chefs d'État et de gouvernement, soit en marge de la réunion. « Nous devons obtenir confirmation de nos amis italiens qu'ils sont d'accord pour cette solution » a confirmé un diplomate à B2. Il restera ensuite à finaliser la décision, sans doute dans le cadre d'une réunion des ambassadeurs du Comité politique de sécurité (COPS), avec formalisation au groupe Relex. Le tout avant la fin de l'année. « Si on pouvait ne pas passer le Noël ou le réveillon au Justus Lipsius [le bâtiment du Conseil de l'UE], ce serait bien » hasarde un diplomate, redoutant une telle issue.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Prolongation dite technique, car elle ne consiste qu'à modifier la date de fin de mission (actuellement fixée au 31 décembre 2018), sans changer le mandat.
  2. Interrogée par B2 directement, à la sortie du Conseil des affaires étrangères, la Haute représentante Federica Mogherini n'a pas tenu à répondre sur ce sujet. Preuve de son extrême sensibilité.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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