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[Portrait] Boris Johnson devient le nouveau Premier ministre du Royaume-Uni

(B2) Les résultats des élections internes au parti conservateur sont tombés ce mardi (23 juillet) : comme attendu, Boris Johnson devient le chef du parti et donc le Premier ministre du Royaume-Uni avec 66% des voix

Les membres du parti conservateur ont choisi, par 92.153 votes, une ‘grande gueule’ charismatique habituée des polémiques, et eurosceptique notoire, comme chef de file pour remplacer Theresa May. Son adversaire, l'actuel ministre des Affaires étrangères Jeremy Hunt n'a obtenu que 46.654 votes. Le nouveau Premier ministre, qui a promis de renégocier avec l'Union européenne les conditions du Brexit, aura fort à faire pour tenir parole, alors qu'un nouveau front s'ouvre dans le Golfe. 'BoJo' nous surprendra peut-être avec un des retournements dont il a le secret.

Une grande gueule, pur produit de l'aristocratie britannique

Né en 1964 à New York, de parents britanniques, son nom complet est Alexander Boris de Pfeffel Johnson. Son père (Stanley) a travaillé à la Commission européenne avant d'être élu au Parlement européen (1979-1984) sur les bancs des députés conservateurs. Boris Johnson est donc passé par l'Ecole européenne de Bruxelles, avant de partager les salles de classes avec David Cameron à Eton et Oxford, où il étudie la littérature classique et la philosophie. Derrière le show qu'il cultive, il est un pur produit de l'aristocratie conservatrice britannique, cultivée et formée pour gouverner. De son éducation à Bruxelles, comme de ses premiers pas professionnels, il développe un fort sentiment eurosceptique et, comme 'papa', une affiliation aux ‘Tories’.

Un journaliste qui prenait ses aises avec les réalités

À ses débuts, journaliste stagiaire au Times, il est mis à la porte pour avoir faussé une citation. Il s'est fait un nom lorsqu'il était correspondant à Bruxelles pour le quotidien conservateur The Daily Telegraph (où il est toujours éditorialiste) et au magazine The Spectator. Il avait alors, ainsi qu'en témoignent certains confrères qui l'ont côtoyé, « déjà son style. Debout au fond de la salle de presse, narguant les portes-paroles de la Commission et leur posant une question sur un détail budgétaire ou autre. Un détail qu'il gonflait ensuite » et dont il faisait un exemple même d'un Bruxelles incompétent, dépensier ou inconséquent.

Une carrière dans les Tories jusqu'à la mairie de Londres

Élu député (Tories) en 2001, il est nommé, en novembre 2003, vice-président du Parti conservateur mais est démis de sa fonction un an plus tard à la suite d'accusations de mensonges au sujet d'une relation extra-conjugale de quatre ans. Il est nommé ministre de l'enseignement supérieur dans le shadow cabinet d'opposition par David Cameron en 2005. En mai 2008, il devient maire de Londres. Un poste où il excelle. Son charisme et ses positions centristes lui assurent une réélection aisée en 2012. En 2015, il retourne au Parlement. Il quitte la mairie de Londres début 2016 pour devenir le porte-parole du Brexit. Il devient une figure emblématique du camp des ‘leavers’ dans le référendum sur le Brexit.

Un non diplomate à la tête de la diplomatie

En juillet 2016, Boris Johnson est nommé ministre des Affaires étrangères. Il prend, à ce poste, des positions finalement assez classiques. Il défend un partenariat stratégique approfondi en matière de sécurité avec l'Union européenne. « Même si nous quittons l'UE, l'engagement du Royaume-Uni en faveur de la sécurité européenne n'est pas diminué ». Lors de l'attaque de Salisbury, en mars 2018, il attaque sans ambages le Kremlin, appelant à « faire pression » sur la Russie pour qu'elle renonce à son comportement déstabilisateur et à « travailler ensemble » contre la désinformation (lire : Les 28 condamnent l’attaque de Salisbury et l’implication hautement probable de la Russie). En mai 2018, il va à la rencontre de Donald Trump, président des Etats-Unis, pour plaider le maintien du nucléaire iranien (lire : Le chemin de Washington des Européens. A la recherche d’une troisième voie). Il avait alors « complètement compris la logique de l'accord sur le nucléaire iranien » comme le souligne un diplomate européen. Mais il démissionne en 2018 pour protester contre la tournure que prennent les négociations du Brexit menées par la Première ministre Theresa May, déclarant que « le rêve du Brexit se meure ».

Un opportuniste de premier plan

Le politicien semble plutôt partisan de la technique Trump de pression maximale, menaçant d'un 'no-deal' pour forcer l’Union européenne à rouvrir l’accord de séparation. Mais celui qu'on surnomme « BoJo » est avant tout un singulier opportuniste. Longtemps opposé au mariage homosexuel, il appelle à sa légalisation en 2012. Ardent partisan de l'entrée de la Turquie dans l'Europe, il martèle pendant toute la campagne du Brexit qu'il se bat contre une adhésion turque. Prêt à soutenir une intervention militaire contre le régime de Damas, en 2013, il adresse un « bravo » à Bachar al-Assad pour avoir « sauvé Palmyre », en 2016.

Des affinités avec la Maison blanche de Trump

Sa ligne dure et sans compromis sur le Brexit rend une bonne relation avec les États-Unis primordiale. Quelque chose qu'il semble avoir bien compris, déclarant notamment qu'il est « très important [d'avoir] une amitié étroite, un partenariat étroit avec les États-Unis. » S'attirant même les critiques au sein de son parti pour ne pas avoir défendu assez fortement l'ambassadeur du Royaume-Uni à Washington Kim Darroch, récemment démissionnaire après la fuite de câbles diplomatiques peu flatteurs pour Donald Trump.

(Coline Traverson st., et NGV)

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