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Gouvernements

[Portrait] La coalition vert-turquoise au pouvoir en Autriche. Les ÖVP aux postes régaliens, sauf un

(B2) Le nouveau gouvernement autrichien emmené par Sebastian Kurz (ÖVP), 33 ans, est largement dominé par les chrétiens-démocrates qui ont douze des dix-sept sièges (le chancelier, le vice-chancelier, 13 ministres et deux secrétaires d'État) et les principaux ministères régaliens (Affaires étrangères, Défense, Intérieur). Les Verts emmenés par le vice-chancelier (Vert) Werner Kogler, ont cinq sièges, avec la responsabilité du ministère de la Justice notamment.

Aux Affaires étrangères, la continuité diplomatique : Alexander Schallenberg

Le ministre du gouvernement de transition Alexander Schallenberg, diplomate de carrière, proche de l'ÖVP, reste en poste (biographie, lire : Les têtes à connaître du gouvernement autrichien de transition). Mais avec un portfolio moins étendu, recentré sur la diplomatie internationale.

(crédit : Gouvernement autrichien

Il perd ainsi les Affaires européennes au profit de l'eurodéputée ÖVP Karoline Edtstadler, membre de la commission LIBE (Libertés publiques) et suppléante dans la commission AFET (affaires étrangères), chef de file des ÖVP au Parlement européen et présidente de la délégation avec les Corées. Cette juriste,  âgée de 38 ans et originaire de Salzburg (elle y et née le 28 mars 1981), ancienne secrétaire d'État à l'intérieur, avait espéré devenir commissaire européen (lire : Commission 2019. Les noms prévus, potentiels, possibles aux postes de commissaires. Première liste). Mais elle avait échoué du fait de la situation politique en Autriche (le scandale 'Ibiza' et la chute du gouvernement fédéral ÖVP-FPÖ).

Quant à l’Intégration, elle devient un ministère autonome confié à une juriste, Susanne Raab (ÖVP), spécialiste du domaine. Elle a notamment dirigé le service de coordination de l'intégration au ministère fédéral de l'Intérieur, intégré ensuite au ministère de l'Europe, de l'Intégration et des Affaires étrangères en mars 2014. Depuis août 2017, elle est chef du département 'Intégration' dans ce ministère.

Klaudia Tanner (crédit : Landtag Niederösterreich)

À la Défense, une juriste spécialiste de l'agriculture : Klaudia Tanner (ÖVP)

Née le 2 mai 1970, à Scheibbs, cette députée du Land de Basse-Autriche depuis mars 2018 n'est pas à proprement parler une spécialiste de la défense.

Diplômée en droit en 1995, Klaudia Tanner exerce au tribunal de grande instance de Liesing et au tribunal régional pour les affaires civiles de Vienne puis devient conseiller juridique et social de l'Association des agriculteurs de Basse-Autriche (1996-2001). Entre 2001 et 2003, elle entre dans le cabinet du ministre de l'Intérieur Ernst Strasser, exerçant comme responsable de la Direction générale de la sécurité publique. Sa seule expérience fédérale. Après un passage dans le privé, chez Kapsch Business Com (2003-2010) comme chargée des relations avec les décideurs en politique et en économie, elle revient en politique en 2010 comme conseillère municipale (jusqu'à 2015).

En 2017, lors de la constitution du gouvernement entre l'ÖVP et l'extrême-droite du FPÖ,  K. Tanner est citée comme la "candidate préférée" de Sebastian Kurz pour le poste de ministre de la Défense. Mais elle ne sera finalement pas nommée. Elle est élue en mars 2018 à l'assemblée du Land de Basse-Autriche (Niederösterreich).

  • Télécharger son CV (source NÖ Landtag)

À l'Intérieur, un spécialiste de la Défense et de la communication politique : Karl Nehammer (ÖVP)

Karl Nehammer (© Parlamentsdirektion / Photo Simonis)

Pour celui qui était jusqu'ici le secrétaire général du parti chrétien-démocrate, la tâche ne sera pas aisée. Car il s'agit de succéder au sulfureux ministre du FPÖ Herbert Kickl qui pourrait rester en embuscade selon la presse autrichienne. Le Viennois devra ainsi faire appel à tout son savoir-faire en communication politique (une de ses spécialités). Il devra aussi redonner aux services de renseignement autrichien (BVT) une réputation leur permettant de traiter d'égal à égal au niveau européen (le programme de gouvernement le mentionne explicitement). Il est un de ceux qui ont prôné une lutte contre l'Islam politique affirmant à Die Presse en 2018 que la religion n'est pas « un moyen de faire de la politique ».

Âgé de 47 ans (il est né le 18 octobre 1972) originaire de Vienne où il passé son diplôme du secondaire (au Gymnasium Amerlingstraße), Karl Nehammer a baigné dans le bain politique très tôt. Dans la maison familiale se croisent plusieurs figures du parti chrétien-démorate tels Julius Raab, Leopold Figl, Leopold Kunschak ou Alois Mock raconte le quotidien Kroner Zeitung. À 14 ans, il s'engage déjà dans la campagne de Alois Mock distribuant des tracts.

Après son service militaire, il s'engage comme volontaire, servant plusieurs années. Il en sort avec le grade de lieutenant en 1996. Il travaille ensuite comme formateur en communication stratégique pour diverses institutions telles que le Berufsförderungsinstitut (BFI) et l'Académie politique de l'ÖVP. Il est responsable de la formation et du réseau de celle-ci pendant quelques mois en 2008-2009, avant d'être le directeur exécutif de l'Académie 2.1, rattachée au parti chrétien-démocrate, poste qu'il exerce durant quatre ans, entre 2009 et 2013.

Mais c'est en Basse Autriche (Niederösterreich), comme chef du département municipal de l'ÖVP régional entre 2013 et 2015, qu'il décolle réellement en politique, tissant nombre de relations avec des élus locaux. Il devient ainsi en octobre 2015 secrétaire général adjoint de l'organisation fédérale de la Fédération autrichienne des employés (ÖAAB), syndicat proche de l'ÖVP, puis son secrétaire général de 2016 à janvier 2018, suivant August Wöginger. Élu député en novembre 2017, porte-parole 'médias' puis pour 'l'intégration et la migration' du groupe ÖVP à la chambre basse, il est nommé en janvier 2018 secrétaire général du parti chrétien-démocrate. Il a été le négociateur sur les questions de défense en 2017 dans la coalition formée avec le FPÖ et sur les thèmes de l'Europe, de la migration, de l'intégration et de la sécurité en 2019 dans la coalition formée avec les Verts.

Du côté personnel, aussi, la vie est très politique. Sa femme Katharina (avec qui ils ont eu deux enfants) est une spécialiste reconnue des relations publiques, passée par les chaînes de télévision ProSieben, SAT1 et PULS4, qui a été l'attachée de presse de Wolfgang Sobotka (ÖVP), ministre de l'Intérieur en 2016-2017. Son beau-père, Peter Nidetzky, est un présentateur célèbre de télévision, par ailleurs connu pour être un passionné de sport équestre — ayant organisé durant plusieurs années un spectacle équestre de saut d'obstacles et de dressage à la Stadthalle de Vienne.

À la Justice, une réfugiée de Bosnie-Herzégovine : Alma Zadić (Verts)

(crédit : facebook Alma Zadic)

Âgée de 35 ans, originaire de Tuzla, Alma Zadić est arrivée avec sa famille en 1994, à l'âge de dix ans. Après des études de droit à l'Université de Vienne et à l'Université Columbia de New York, elle travaille comme assistante de recherche à l'Organisation internationale pour les migrations et au tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) puis, durant six ans, dans un cabinet d'avocats d'affaires international dans le domaine de la résolution des conflits. Elle est élue en novembre 2017 à la chambre basse du Parlement (Conseil National), réélue à l'automne 2019 et intègre le Conseil national du parti Verts en octobre 2019.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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